France: Les quatre principales familles de l'Islam militant
Source:
Le Monde Les Frères musulmans. Mouvement fondé en Egypte, en 1928, par Hassan Al-Banna, il est devenu la matrice de tous les groupes se réclamant d'une lecture politique de l'islam.
Reprenant la formule de leur fondateur -"le Coran est notre constitution" - les Frères affirment que la réponse à tous les problèmes du monde musulman se trouve dans l'islam. Faute de pouvoir instaurer un Etat islamique, ils ouvrent à une islamisation "par le bas" de la société, par l'éducation et le travail social. Une partie des Frères musulmans s'est radicalisée sous l'effet de la répression nassérienne. C'est ainsi que Sayyid Qotb a rédigé en prison Signes de piste, devenu le bréviaire de l'islamisme.
En France, la mouvance Frères musulmans se divise en deux branches : l'Association des étudiants islamiques de France (AEIF), qui se rattache aux Frères musulmans syriens, et surtout l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), qui se rattache aux Frères musulmans égyptiens. L'UOIF contrôle plusieurs grandes mosquées, comme celle de Lille, et des association satellites comme Jeunes musulmans de France (JMF) et Etudiants musulmans de France (EMF). Elle insiste sur le thème de la "citoyenneté" et se déclare favorable à la laïcité, moyennant des "aménagements". L'universitaire suisse Tariq Ramadan, petit-fils de Hassan Al-Banna, est influent dans ce courant, bien qu'il démente tout lien officiel avec les Frères musulmans. Tous les ans, l'UOIF organise au printemps un grand rassemblement au Bourget.
Le Tabligh. Le plus grand mouvement missionnaire de l'islam, fondé en Inde, en 1927, par Muhammad Ilyas. Surnommés les "Témoins de Jéhovah" de l'islam, ses adeptes appliquent une méthode de prosélytisme particulièrement efficace, le khourouj, ou la "sortie", qui consiste à faire du porte-à-porte dans un quartier, selon un plan préalablement établi, pour ramener les musulmans à la pratique religieuse.
Implanté en France depuis 1968, le Tabligh a joué un rôle déterminant dans la réislamisation des immigrés de la première génération, puis dans celle des jeunes beurs.
voir dossier
L'islam en France
voir séquence
Société Ses objectifs sont strictement religieux et il se tient à l'écart de tout engagement politique. Cependant, plusieurs spécialistes estiment que le mouvement a pu être détourné de ses buts et utilisé, malgré lui, comme un sas vers l'islam radical. Le Tabligh, dont le centre se trouve à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), est particulièrement présent en région parisienne, dans le Nord, à Marseille, à Mulhouse et à Dreux.
Le salafisme. Comme les Frères musulmans, le salafisme prétend dépasser les quatre écoles traditionnelles du droit musulman (hanéfite, malékite, chaféite et hanbalite) pour retourner à la source première du Coran et de la Sunna. Son principal inspirateur est le cheikh Mohammed Ibn Abdel-Wahhab (mort en 1791), le théoricien d'un islam rigoriste et le maître à penser de la famille Ibn Saoud, qui règne aujourd'hui sur l'Arabie saoudite. Les salafistes sont en réalité des wahhabites, même s'ils récusent le terme. Selon Gilles Kepel (Jihad, Gallimard), ils se divisent en deux groupes : les salafistes jihadistes, dont le chef est l'Egyptien Moustapha Kamel, dit Abou Hamza, réfugié à Londres et imam de la mosquée de Finsbury Park ; les salafistes dits "cheikhistes", qui ne se mêlent pas de politique, mais suivent à la lettre les avis (fatwas) des cheikhs saoudiens.
En France, la mouvance salafiste est en pleine expansion et recrute essentiellement auprès des mosquées du Tabligh. Peu structurée, elle est en outre divisée en plusieurs tendances, qui divergent sur le dogme ('aqida) ou sur leurs auteurs de référence. Les salafistes critiquent les tablighis, les Frères musulmans et les mystiques soufis, qu'ils accusent respectivement d'innovation (bid'a), de polythéisme (shirk) et de panthéisme (wadatoul woujoud). Les plus radicaux d'entre eux jettent l'anathème (takfir) sur les autres musulmans.
Les ahbaches. Ce courant assez mystérieux, apparu au Liban au début des années 1980, est dénoncé par la plupart des musulmans comme une "secte malfaisante". Son maître à penser est le cheikh Abdallah Al-Harari, dit Al-Habachi (l'Ethiopien). Très rigoristes sur le fond, les ahbaches se donnent une image d'ouverture en critiquant violemment les wahhabites et les Frères musulmans, qu'ils accusent d'intégrisme. Le mouvement est régulièrement soupçonné d'être manipulé par le gouvernement syrien.
Les ahbaches sont présents en France sous le nom d'Association des projets de bienfaisance islamique en France (Apbif). Ils sont implantés dans plusieurs villes comme Montpellier, Saint-Dizier, Narbonne, Lyon, Toulouse. Ils possèdent une mosquée à Paris, rue Cavé, dans le 18e arrondissement. Dans les banlieues, ils cherchent à concurrencer l'influence des Frères musulmans et des salafistes. Le mouvement a connu une publicité inattendue avec l'affaire Moussaoui, puisque le frère aîné de Zacarias, Abd Samad, qui est intervenu à plusieurs reprises dans les médias, est un ahbache.
X. T.
Le takfirisme, un extrémisme sunnite
Le Takfir wal-Hijra ("anathème et exil") est un mouvement extrémiste sunnite, fondé en 1971 par Choukri Mustapha, un Egyptien originaire d'Assiout et emprisonné par Nasser, qui a poussé jusqu'au bout les théories de Sayyid Qotb. L'idée centrale du Takfir, qui se désigne lui-même sous le nom de Jama'a al-muslimun ("association des musulmans"), est fondée sur l'excommunication de toute la société, au motif qu'elle n'est pas authentiquement musulmane. Les membres du Takfir se considèrent eux-mêmes comme les seuls vrais musulmans.
Le Takfir a enlevé et assassiné en 1977 le cheikh Dhahabi, ancien ministre des biens religieux du gouvernement égyptien. A la suite de cet acte, les membres du groupe ont été arrêtés et Choukri Mustapha pendu. En Algérie, selon Gilles Kepel, le GIA a progressivement basculé dans le takfirisme.
Le Monde, article paru dans l'edition du 25.01.02
Le Tabligh. Le plus grand mouvement missionnaire de l'islam, fondé en Inde, en 1927, par Muhammad Ilyas. Surnommés les "Témoins de Jéhovah" de l'islam, ses adeptes appliquent une méthode de prosélytisme particulièrement efficace, le khourouj, ou la "sortie", qui consiste à faire du porte-à-porte dans un quartier, selon un plan préalablement établi, pour ramener les musulmans à la pratique religieuse.
Implanté en France depuis 1968, le Tabligh a joué un rôle déterminant dans la réislamisation des immigrés de la première génération, puis dans celle des jeunes beurs.
voir dossier
L'islam en France
voir séquence
Société Ses objectifs sont strictement religieux et il se tient à l'écart de tout engagement politique. Cependant, plusieurs spécialistes estiment que le mouvement a pu être détourné de ses buts et utilisé, malgré lui, comme un sas vers l'islam radical. Le Tabligh, dont le centre se trouve à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), est particulièrement présent en région parisienne, dans le Nord, à Marseille, à Mulhouse et à Dreux.
Le salafisme. Comme les Frères musulmans, le salafisme prétend dépasser les quatre écoles traditionnelles du droit musulman (hanéfite, malékite, chaféite et hanbalite) pour retourner à la source première du Coran et de la Sunna. Son principal inspirateur est le cheikh Mohammed Ibn Abdel-Wahhab (mort en 1791), le théoricien d'un islam rigoriste et le maître à penser de la famille Ibn Saoud, qui règne aujourd'hui sur l'Arabie saoudite. Les salafistes sont en réalité des wahhabites, même s'ils récusent le terme. Selon Gilles Kepel (Jihad, Gallimard), ils se divisent en deux groupes : les salafistes jihadistes, dont le chef est l'Egyptien Moustapha Kamel, dit Abou Hamza, réfugié à Londres et imam de la mosquée de Finsbury Park ; les salafistes dits "cheikhistes", qui ne se mêlent pas de politique, mais suivent à la lettre les avis (fatwas) des cheikhs saoudiens.
En France, la mouvance salafiste est en pleine expansion et recrute essentiellement auprès des mosquées du Tabligh. Peu structurée, elle est en outre divisée en plusieurs tendances, qui divergent sur le dogme ('aqida) ou sur leurs auteurs de référence. Les salafistes critiquent les tablighis, les Frères musulmans et les mystiques soufis, qu'ils accusent respectivement d'innovation (bid'a), de polythéisme (shirk) et de panthéisme (wadatoul woujoud). Les plus radicaux d'entre eux jettent l'anathème (takfir) sur les autres musulmans.
Les ahbaches. Ce courant assez mystérieux, apparu au Liban au début des années 1980, est dénoncé par la plupart des musulmans comme une "secte malfaisante". Son maître à penser est le cheikh Abdallah Al-Harari, dit Al-Habachi (l'Ethiopien). Très rigoristes sur le fond, les ahbaches se donnent une image d'ouverture en critiquant violemment les wahhabites et les Frères musulmans, qu'ils accusent d'intégrisme. Le mouvement est régulièrement soupçonné d'être manipulé par le gouvernement syrien.
Les ahbaches sont présents en France sous le nom d'Association des projets de bienfaisance islamique en France (Apbif). Ils sont implantés dans plusieurs villes comme Montpellier, Saint-Dizier, Narbonne, Lyon, Toulouse. Ils possèdent une mosquée à Paris, rue Cavé, dans le 18e arrondissement. Dans les banlieues, ils cherchent à concurrencer l'influence des Frères musulmans et des salafistes. Le mouvement a connu une publicité inattendue avec l'affaire Moussaoui, puisque le frère aîné de Zacarias, Abd Samad, qui est intervenu à plusieurs reprises dans les médias, est un ahbache.
X. T.
Le takfirisme, un extrémisme sunnite
Le Takfir wal-Hijra ("anathème et exil") est un mouvement extrémiste sunnite, fondé en 1971 par Choukri Mustapha, un Egyptien originaire d'Assiout et emprisonné par Nasser, qui a poussé jusqu'au bout les théories de Sayyid Qotb. L'idée centrale du Takfir, qui se désigne lui-même sous le nom de Jama'a al-muslimun ("association des musulmans"), est fondée sur l'excommunication de toute la société, au motif qu'elle n'est pas authentiquement musulmane. Les membres du Takfir se considèrent eux-mêmes comme les seuls vrais musulmans.
Le Takfir a enlevé et assassiné en 1977 le cheikh Dhahabi, ancien ministre des biens religieux du gouvernement égyptien. A la suite de cet acte, les membres du groupe ont été arrêtés et Choukri Mustapha pendu. En Algérie, selon Gilles Kepel, le GIA a progressivement basculé dans le takfirisme.
Le Monde, article paru dans l'edition du 25.01.02
Submitted on mar, 02/19/2002 - 00:00
Related News
- Une danseuse égyptienne arrêtée après avoir tourné ce clip
- Libye: Assassinat De La Défenseuse Des Droits Humains Mme Intissar Al Hasairi
- Toute défense de Charlie Hebdo doit également devenir celle d’autres blasphémateurs et apostats.
- Mauritanie: Déclaration de soutien à Aminettou Mint el Moctar
- Le compromis avec l’islamisme politique est impossible
Related Actions
- Déclaration du Forum féministe sénégalais lors de sa rencontre de réflexion sur la crise Malienne
- Royaume Uni : Engager la responsabilité d’Amnesty International
- Mise à jour: Algerie: Samia Smets acquittée
- Mise à jour: Algerie: Condamnés par le tribunal de Biskra pour non-respect du Ramadhan : Les prévenus relaxés par la cour d’appel
- Algérie: Peine de prison pour avoir mangé pendant le Ramadan
Relevant Resources
- Criminaliser la sexualité: Les lois relatives à la zina, une violence à l’égard des femmes dans les contextes musulmans
- Dossier 27: Les tribunaux de la Charia aux Philippines : femmes, hommes et droit personnel musulman
- Dossier 26: Des alliances difficiles: S’engager sur le champ de mines des politiques d’identité et de solidarité
- Rapport officieux sur l'Algérie a l'attention du Comité pour l'élimination de toute formes de discrimination à l'égard des femmes
- Dossier 11-12-13: Les femmes dans les lois de statut personnel: un symbole privilégié de l’identité islamique