Nigeria : Ramenez les élèves enlevées de Chibok
“Si nous oublions ces filles, cela signifie que nous oublions nos propres sœurs, notre propre peuple” Malala Yousafzai[1]
WLUML est en rage devant l’enlèvement de plus de deux cents filles à Chibok, dans l’État du Bornou, au nord-est du Nigeria, dont le sort n’est toujours pas clair. Nous partageons la peine de leurs familles et soutenons leur appel à les faire revenir saines et sauves. Nous pressons urgemment le gouvernement nigérian de faire tout ce qui est en son pouvoir pour les ramener à leurs familles et s’assurer ensuite qu’elles reçoivent un soutien médical et psychologique et l’assistance de la communauté internationale. Nous témoignons notre solidarité au peuple et aux organisations de la société civile au Nigeria qui font opposition et résistance à la montée des forces politiques islamistes armées qui manipulent et font un usage abusif du nom de l’islam pour justifier leur stratagème terroriste brutal.
Le lundi 14 avril 2014, des hommes lourdement armés, en compagnie du groupe politique islamiste Boko Haram, attaquaient des écoles secondaires pour filles du gouvernement et kidnappaient des filles, âgées principalement de 16 à 18 ans. C’était à la veille de leur examen final. Celles qui avaient réussi à s‘échapper racontèrent comment elles avaient été réveillées par le bruit d’hommes armés qui avaient fait exploser les fenêtres et mis le feu à leurs salles de classe. En quelques heures, 234 d’entre elles furent embarquées comme du bétail dans des camions en direction de la forêt. 43 d’entre elles parvinrent à s’enfuir. Certaines se jetèrent en bas des camions dont le convoi était lent ; d'autres s’échappèrent dès l’arrivée dans la forêt.
Des témoins oculaires ont relaté des “mariages” de masse de force aux militants de Boko Haram, après l’arrivée dans la forêt de Sambisa où, selon la rumeur, les filles étaient détenues en otages. On a également rapporté, sans que cela soit confirmé, qu’elles avaient été amenées, hors des frontières, vers les pays limitrophes, Tchad et Cameroun, pour y être vendues.
On est choqué devant la tendance à diffuser des informations contradictoires sur le nombre exact de filles toujours manquantes et devant l’inefficacité des opérations de secours lancées par le gouvernement. Des parents désespérés ont mené leurs propres opérations, alors que celles tentées par la sécurité nigériane se sont révélées vaines, apparemment à cause des ruses des informateurs du gouvernement qui entretiennent des liens avec Boko Haram et du terrain difficile dans les zones contrôlées par Boko Haram.
Les forces armées nigérianes mènent une lutte très difficile contre les insurgés : ceux-ci opèrent en petites unités mobiles et ont le soutien de communautés locales presque inaccessibles.
Boko Haram (qui signifie littéralement “livres” [éducation occidentale] interdits) représente aujourd’hui la plus sérieuse menace sur la sécurité au nord Nigeria. Avec des tactiques terroristes, part de leur agenda est d’éliminer la société laïque dans la région qui est largement musulmane : Ils ont ainsi incendié des écoles, tué des élèves (notamment 59 garçons tous morts brûlés, le 20 février dernier) et enlevé des écolières [2]; mais l’enlèvement de Chibok est, à ce jour, leur plus grosse opération.
L’éducation au Nigeria est tout autant un symbole d’espoir d’un avenir plus prospère, car c’est un moyen pratique d’y parvenir ; les écoles deviennent donc des cibles faciles. Le nord-est du Nigeria est déjà à la traîne par rapport au reste du pays, en termes d’inscription, de maintien et de réussite à l’école, en particulier pour les filles. Bien des parents hésitent à les envoyer à l’école, car ils pensent que les filles doivent se marier à un jeune âge [3]; ils les retirent donc de l’école aux alentours de la puberté. Par ailleurs, la plupart des membres de Boko Haram sont de jeunes garçons en rupture de ban, qui n’ont accédé à l‘école que par le système “almajiri” (disciples de chefs religieux). Contrairement aux écoles d’État au Nigeria qui sont payantes, être un disciple almajiri est gratuit (car les garçons mendient fréquemment) ; donc même les garçons les plus pauvres peuvent y participer.
Nos appels à action
- Le gouvernement nigérian a l’entière responsabilité de fournir protection à ses citoyens et plus spécialement aux écoliers jeunes et vulnérables.
- Nous pressons donc les autorités à prendre immédiatement les mesures suivantes :
- Faire tout ce qui est en leur pouvoir pour sauver les filles et leur fournir ensuite soins et aide médicale et psychologique ;
- Mettre en place des mécanismes de protection spécifiques pour épargner les vies et l’éducation des enfants au Nigeria, surtout dans cette zone sensible du Nord-Est.
WLUML considère que les meurtres de masse, l’enlèvement de lycéennes et les violences sexuelles contre les filles, y compris le viol et l’esclavage sexuel, sont des crimes haineux au regard de la loi internationale. Nous appelons le gouvernement nigérian et la communauté internationale, en particulier la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples à conduire immédiatement une investigation sérieuse sur cette affaire et à déférer les coupables devant la justice.
[1] Citation de Malala Yousafzai, militante pour l’éducation des filles, lors d’une émission de la BBC, Radio 4 Today program
[2] Le 25 février 2014, 59 élèves étaient assassinés, au Collège du Gouvernement fédéral de Buni Yadi, dans l’État de Yobe. C’étaient tous des garçons. Les 24 bâtiments de l’établissement étaient complètement brûlés, suite à l’attaque.
[3] http://www.trust.org/item/20140430150404-ng19h/?source=hppartner