Sénégal: Angèle Diabang Brener: La jeune cinéaste vient de réaliser son deuxième film, «Sénégalaises et islam»

Source: 
Jeune Afrique
Comment parler des femmes et de l’islam sans tomber dans les clichés? Le défi est de taille. Pourtant, la jeune réalisatrice sénégalaise Angèle Diabang Brener (28 ans), diplômée du Forut Média Centre de Dakar, l’a relevé avec succès.
Sénégalaises et islam est le titre de son deuxième film. Un documentaire réalisé à Dakar en 2007 avec le soutien du Goethe Institut. Vêtues de burqa ou voilées, ou encore soigneusement maquillées et coiffées, durant quarante minutes, des musulmanes pas forcément pratiquantes et de tous les âges se succèdent à l’écran pour parler de la prière, du ramadan et de la charia, dénoncer l’hypocrisie sociale, s’interroger sur les motivations réelles des terroristes…
Dans un pays où les pressions sociales sont très fortes et où l’on assiste à une radicalisation d’une partie des musulmans, il n’a pas été facile pour Angèle - chrétienne de surcroît - de recueillir ces confidences.

«À la veille des tournages, et même une fois devant l’objectif, plusieurs femmes ont renoncé à s’exprimer. Parce que je suis catholique, il y en avait également qui craignaient d’être interviewées car elles ne voulaient pas apparaître dans un film pouvant ternir l’image de leur religion», explique la réalisatrice, élevée loin de sa mère femme de ménage et de son père gendarme, dans un internat tenu par des religieuses à Bambey, à une centaine de kilomètres de Dakar.

Mais, pour elle, les choses sont claires: il ne s’agit pas de dénigrer la religion que pratiquent plus de 90% des Sénégalais. Son souhait est plutôt de montrer l’islam tel qu’il est pratiqué par les Sénégalaises et de faire voler en éclats les préjugés sur les femmes africaines musulmanes. Certainement parce qu’il est empreint de sincérité, le film a été bien accueilli par le public - toutes confessions confondues -, et par la critique, lors de sa présentation à Dakar fin avril 2007. Depuis, Sénégalaises et islam fait son chemin. Après le Fespaco (projection hors compétition), le Festival Afrique taille XL et le Festival du film panafricain de Cannes, ce documentaire est au programme de plusieurs rencontres cinématographiques (Afrique du Sud, Mozambique…). Des chaînes de télévision internationales ont également approché la réalisatrice pour négocier les droits de diffusion.

Ragaillardie par le succès de Sénégalaises et islam et celui de son premier documentaire Mon beau sourire (prix Graine de doc au Festival doc-en-courts de Lyon et mention spéciale du jury au Festival des cinémas d’Afrique d’Apt en 2006), Angèle travaille actuellement sur deux projets de fiction. «Le court-métrage racontera une histoire d’amour entre deux personnes de races et de confessions différentes. Quant au long-métrage, il mettra en scène des personnages inspirés d’un roman d’une écrivaine sénégalaise», annonce-t-elle en se gardant bien d’en dire trop. Par ailleurs, elle s’apprête à tourner un documentaire sur l’amitié entre le poète-président Léopold Sédar Senghor et la cantatrice sérère Yandé Codou Sène.

«Le milieu du cinéma est extrêmement dur. Des gens à qui je vouais une grande admiration m’ont si souvent envoyée paître que je me suis endurcie. Au début, je pleurais, mais maintenant, je sais que je peux y arriver», témoigne la réalisatrice, bien requinquée par sa notoriété naissante. Son air fragile et attendrissant ne laisse plus penser qu’elle flanchera. «Si j’ai tenu le coup jusque-là, c’est que je peux continuer, assure-t-elle sereinement. Quand j’étais petite, j’aimais réinventer les scénarios des films que je regardais, c’est en partie pour cela que je fais du cinéma. Mais, surtout, si je tiens tant à réussir c’est pour réaliser mon plus grand rêve: offrir une maison à ma mère, veuve, qui vit en banlieue. Mon père est décédé il y a vingt ans.» Noble ambition pour Angèle au grand cœur pour qui faire du cinéma ne sert pas seulement à se pavaner dans les coulisses et à exhiber ses prix!

Par: Cécile Sow Guèye

1 juillet 2007