Algérie: Justice pour les femmes de Hassi Messaoud

Nous venons de reçevoir une requète pour une action IMMEDIATE, pour faire pression sur le gouvernement algérien de façon à ce que justice soit rendue dans un procès qui doit avoir lieu le 28 Décembre 2004. Le procès aura lieu à Biskra.
Ce procès concerne des femmes travailleuses dans la ville saharienne de Hassi Messaoud qui ont été brutalement attaquées par une foule d'environ 300 hommes en Juillet 2001, apparemment après un sermon de l'imam intégriste de la mosquée locale, Amar Taleb.

Le gouvernement algérien a refusé d'accorder à cette attaque l'importance qu'elle mérite et a repoussé plusieurs fois la date du procès. Il faut faire pression pour que le procés ait lieu rapidement et rende justice aux femmes victimes.

L'assourdissant silence de la presse internationale sur le pogrom perpétré à Hassi Messaoud et dans les villes avoisinantes parle de lui même: ces évènements ne collent pas avec la représentation simpliste qui a été donnée de la situation algérienne, donc ils n'existent pas et ne peuvent donc pas être traités dans la presse.

En solidarité
Femmes Sous Lois Musulmanes
Alerte: Justice pour les femmes de Hassi Messaoud

Le procès en appel des criminels de Hassi Messaoud a débuté le 15 décembre 2004. Il faut rappeler les faits : une trentaine de femmes agressées, violées, lynchées, lacérées de coups de couteau, enterrées vivantes par une foule de voisins du quartier d’El Haïcha.

Le premier jugement rendu par le tribunal a été tellement scandaleux que le procureur lui-même a fait appel. Aujourd’hui pour le soustraire à toute influence locale le procès a été déplacé dans une autre ville.

Ce procès doit être un modèle de justice. Pourquoi ?

Ce crime a été précédé par une série de crimes similaires : attaques et violences contre des femmes seules à Ouargla, Remchi, Bordj, Tebessa, qui sont restés impunis.

Nulle violence ne peut rester impunie et surtout nulle violence ne peut se justifier :

Ni par le statut des victimes : on a dit des femmes de Hassi Messaoud qu’elles étaient des prostituées

Ni par le statut des agresseurs : on a dit que c’étaient de bons pères de famille

Ni par les raisons invoquées : on a dit que c’était pour « purifier les mœurs »

Ce sont ces arguments qui sont à la base du silence de la société et des institutions face aux violences spécifiques faites aux femmes.

C’est l’acceptation de tels arguments qui mènent à l’état de non droit.

C’est ce laxisme qui est à l’origine de l’impunité de toutes les agressions passées et de celles à venir si l’Etat n’y met pas un terme.

Bien que toutes les femmes aient maintenu leur plainte, seulement quelques unes sur la trentaine des victimes étaient présentes le 15 décembre au tribunal. Pourquoi ?

Plusieurs raisons à cela :
  • des pressions et des menaces publiques et claires, de la part des familles des criminels, sont exercées sur les victimes. Elles ont même proposé de l’argent aux victimes pour retirer leur plainte.
  • L’attitude des autorités a été dans un premier temps de minimiser la gravité des faits, pire, de dissuader les victimes d’exiger réparation.
  • Des pressions sociales leur demandent silence et même les rendent coupables de « détruire les familles » de leurs violeurs.
  • Leur terreur a été telle que certaines ont préféré fuir la région et s’enfermer dans leur douleur.
  • Certaines, par désespoir devant les obstacles, n’attendent plus rien de la justice.
  • Il y a en outre toutes les difficultés de déplacement, d’hébergement pour des travailleuses au statut précaire.

Qui peut aller au bout de sa quête de justice s’il n’est pas soutenu ?

Effectivement le soutien des associations n’a pas été constant, public, réitéré, et cela pour diverses raisons, dont le problème d’information et le manque de moyens. Mais ce qui est le plus marquant c’est le silence quasi-total des partis politiques, qui ne se sentent pas concernés par le droit constitutionnel de tout citoyen à la protection de l’Etat contre toute forme de violence, et particulièrement face à la violence organisée.

Ce qui s’est passé à Hassi Messaoud s’appelle un pogrom.

Ce procès est l’ultime chance pour la société de se racheter. C’est pour cela qu’il doit être un modèle de justice et rendre à ces femmes leur dignité.

Signataires

Afepec : Association des femmes pour la citoyenneté
AEF : Association pour l’émancipation des femmes
ADPDF : Association de Défense et de promotion des droits des femmes
Bnet Fatma N’Soumer
Commission Femmes Travailleuses de l’UGTA
Djazaïrouna
Rachda
Rafd
Réseau Wassila
SOS femmes en détresse
Association Vie
Des moudjahidate

El Watan Edition du 16 décembre 2004 > Actualite
AFFAIRE DES FEMMES VIOLENTEES A HASSI MESSAOUD
El Haïcha, Le procès de la honte


L'affaire El Haïcha ce quartier de la honte où des femmes, pour la plupart des mères de famille, ont été sauvagement agressées, mutilées, violées et certaines enterrées vivantes, un certain 13 juillet 2001 était hier inscrite au rôle de la cour d'appel de Biskra.

Le temps semble jouer en faveur des bourreaux, puisque parmi les 39 victimes, seulement 3, Fatiha, Rahmouna et Nadia, étaient présentes à l'audience. Les avocats promis par le ministère de la Solidarité étaient absents, ce qui a accentué la peur chez ces femmes qui ont eu le courage de se déplacer de Sidi Bel Abbès, Hassi Messaoud et Alger pour venir confondre leurs bourreaux devant la cour de Biskra et lancer à l'adresse de ceux qui leur exigent de pardonner qu'elles ne reculeront jamais devant l'arbitraire. Fatiguées, encore traumatisées et désemparées, elles ont du mal à supporter pendant près de quatre heures (de 8h30 à 12h) les regards narquois et souvent provocateurs de leurs agresseurs alignés au box des accusés. Sur les 32 ayant été jugés en première instance, seulement 4 ont répondu aux convocations de la justice. Les autres, certainement rassurés par la compassion des notables et peut-être même quelques responsables locaux, notamment au sein de l'institution judiciaire, à leur égard, ont marqué de leur absence les trois audiences déjà programmées, dont celle d'hier. Mieux, les avocats de deux des quatre détenus ne se sont pas présentés.

Dès l'ouverture du procès, le président a fait remarquer que la procédure pour la convocation de 28 accusés a été partiellement appliquée. Il a demandé à leurs acolytes présents s'ils acceptaient que la cour leur constitue une défense. Après trente minutes de délibérations, la cour, après avoir rejeté la mise en liberté provisoire pour les accusés, a renvoyé le procès à la fin de la session criminelle en cours (dans quinze jours) afin de permettre l'application de la procédure de convocation des accusés en état de fuite et la constitution d'avocats d'office pour ceux présents et sans défense. Un grand soulagement pour les trois victimes, représentées par deux avocats, maîtres Houhou et Benhocine. En dépit de cette décision, qualifiée par les avocats des victimes de « positive », Fatiha, Rahmouna et Nadia ont exprimé la peur de voir ce procès prendre un autre cours. « J'ai comme l'impression d'être le bourreau et eux les victimes. Le regard de leurs proches à notre égard est dur à supporter. A chaque fois, ils viennent faire pression sur nous pour que nous abandonnions le procès. Il n'est pas question pour nous de laisser ceux qui nous ont violées, sodomisées et mutilées sans jugement », a déclaré Fatiha. Rahmouna, mère de trois enfants, plus marquée par cette tragédie du 13 juillet 2001, n'arrive toujours pas à s'en remettre. «

Parfois, j'ai des idées noires qui me traversent l'esprit et qui me poussent à aller me faire tuer comme une kamikaze contre le tribunal de Hassi Messaoud. De toute façon, ces criminels ont assassiné en moi tout germe de vie. Il ne me reste plus qu'à mourir et faire mourir avec moi ceux qui ont participé à innocenter mes tortionnaires parce qu'ils portent une grande responsabilité dans le drame que je vis avec mes enfants. J'erre de ville en ville avec mes enfants comme une SDF. Pourquoi la justice ne veut-elle pas réparer cette injustice ? Depuis le premier verdict, je ne me sens plus une citoyenne algérienne », dit-elle les larmes aux yeux. Elle ne cesse de répéter que les va-et-vient qu'elle fait pour être présente aux procès « ne servent à rien ». Pour elle, « la justice est faite par les hommes et pour les hommes ». Fatiha reste la plus persévérante parmi les victimes. Elle a laissé son bébé chez sa belle-famille pour venir d'une ville de l'ouest du pays « dans le seul but de leur montrer que ce sont les bourreaux qui doivent avoir honte et non pas moi ». Elle confie : « Comment pourrais-je pardonner à quelqu'un qui m'a sodomisée avec un manche à balai et qui a lacéré mes seins ? Comment Nadia peut-elle accepter de pardonner à celui qui l'a torturée, puis violée ? Comment Rahmouna peut-elle oublier que des jeunes qui ont l'âge de ses enfants lui ont lacéré le sexe et les cuisses ? Ce sont des témoignages que tout le monde doit écouter afin que plus jamais d'autres femmes ne puissent vivre cette situation. » Fatiha a pris contact avec toutes les autorités pour avoir gain de cause. Elle avait encouragé les autres femmes pour signer avec elle une lettre adressée au président de la République en juin dernier, le suppliant d'intervenir pour accélérer la procédure judiciaire contre ceux qui ont brisé sa vie et celle de 39 autres femmes à El Haïcha. Une lettre qui est restée malheureusement sans écho. « S'il n'y avait pas les moyens de Rachda pour nous héberger et nous aider à avoir un avocat, l'affaire n'aurait jamais abouti à ce stade. Les avocats demandent des honoraires très chers. La première avocate s'est désistée, peut-être à cause des pressions subies à Biskra, et nous ne savons pas si les deux avocats actuellement constitués ne vont pas subir eux aussi des pressions pour que le dossier ne soit plus d'actualité », a noté Fatiha, avant de regretter le silence de ceux qui ont été nombreux à exprimer publiquement leur solidarité et soutien dans les jours qui ont suivi leur agression à El Haïcha. Une remarque qui rappelle douloureusement l'absence de solidarité du mouvement associatif, notamment féminin, à l'égard d'une affaire qui touche essentiellement au droit à la citoyenneté ou tout simplement le droit à une dignité. Nadia a conclu en disant que ce qui s'est passé à El Haïcha est une honte pour l'Algérie et illustre assez bien le statut dans lequel la femme algérienne est maintenue.

Salima Tlemçani

El Watan Edition du 21 décembre 2004 > Actualite
Discrimination à l’égard des femmes
Le code de la famille dénoncé


« L’Algérie doit ratifier sans aucune réserve la convention portant élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes. » Cette sentence a été clamée haut et fort, hier, par les femmes qui ont participé à la journée d’information organisée au siège de l’APN, par le ministère délégué auprès du chef du gouvernement, chargé de la Famille et de la Condition féminine.

Cette rencontre a été organisée à l’occasion de la célébration du 56e anniversaire de la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de l’adoption de la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Ce dernier texte adopté, mentionne-t-on, par l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 1979 comporte les cadres général et juridique consacrant le principe de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes.

L’Algérie, rappelle-t-on, a ratifié plusieurs déclarations et conventions régionales et internationales en rapport avec les droits de l’homme, dont justement la CEDAW. Dans son intervention devant une assistance composée de députés, de sénatrices et de représentants de la société civile, Mme Djaâfar a mis l’accent sur la nécessité de mettre en place les mécanismes devant permettre à la femme algérienne de jouer pleinement son rôle dans la société et ce afin de construire une famille stable. De son côté, l’ex-sénatrice, Mme Zerdani, a insisté sur la mise en conformité de la législation interne avec les conventions internationales ratifiées. « L’Algérie a émis des réserves concernant certains articles. Toutefois, les autres points qu’elle a ratifiés doivent être appliqués à la lettre dans notre législation et il suffit d’une volonté politique qui a d’ailleurs été exprimée par le premier magistrat du pays à plusieurs occasions », dira l’intervenante qui a estimé que le combat des hommes et des femmes doit être permanent pour pouvoir légiférer. « Il n’y aura pas de changement substantiel dans l’élaboration des lois tant qu’on n’aura pas instauré le quota de 30% pour les femmes », a soutenu Mme Zerdani qui s’est élevée, en outre, contre l’article 9 de la convention relative à l’obtention de la nationalité. « A mon sens, un enfant né d’une mère algérienne doit avoir la nationalité algérienne. L’Algérie doit lever la réserve sur cet article », a-t-elle souligné. Prenant la parole, Mme Louiza Hanoune, député et porte-parole du PT, a critiqué vivement celles et ceux qui prônent le système des quotas pour les femmes. L’oratrice a également tenu à rappeler que le code de la famille a été adopté par les pouvoirs publics dans la clandestinité en 1981. Mme Bitat, qui présidait la rencontre, a confirmé les propos de la porte-parole du PT. Concernant la question des quotas, Mme Hanoune a rappelé, en outre, le refus de la femme algérienne du système des quotas. Celle-ci, a-t-elle dit, peut prouver par son travail et ses compétences qu’elle peut accéder aux postes clés et assumer pleinement ses responsabilités. « Nous exigeons la légalité entre l’homme et la femme devant les lois. Si la Constitution qui est la loi suprême du pays stipule qu’il n’y a pas d’inégalité entre les deux sexes, pourquoi un texte inférieur tel que le code de la famille surpasse la Constitution. A mon avis, il ne peut y avoir d’égalité sans l’abolition au préalable du code de la famille », a martelé l’intervenante. Illustrant ses dires par des « faits concrets », Mme Hanoune trouve ainsi honteux et scandaleux que 39 femmes habitant la région d’El Haïcha aient été sauvagement agressées (par un groupe de 32 jeunes) sans qu’aucune personne ait condamné l’agression. A l’occasion, Mme Hanoune a demandé au département de Nouara Djaâfar de se constituer partie civile pour défendre les victimes dont le procès a été encore une fois reporté. « Il n’est pas possible de considérer autrement une violation de l’intégrité physique que comme un crime », a soutenu la première responsable du PT. Mme Nouara Djaâfar a promis à la porte-parole du PT de peser de tout son poids pour faire passer le projet d’amendement du code de la famille. L’intervention de Louisa Hanoune concernant le scandale d’El Haïcha a reçu le soutien de Mme Bitat. Cette dernière a estimé que cette affaire n’honore pas les autorités. Par ailleurs, une représentante du RND a indiqué que l’accès des femmes aux postes décisionnels n’est pas un problème de lois discriminatoires, mais plus un problème de mentalité.

Nabila Amir
Pour toute information en anglais Algeria: Attacks on women in Hassi Messaoud.