Maroc: Conclusion du troisième rapport Anaruz des Violences basées sur le genre
Les données des déclarations centres d’écoute et d’assistance juridique des femmes victimes de violence (ANARUZ) pour 2007 ont porté sur 2984 cas. Il en ressort que les déclarations sont globalement individuelles et le fait de la victime elle-même (95,4%) et paradoxalement. La présence de témoins est constatée dans peu de cas. Les victimes subissent les violences de la part d’agresseurs qui sont dans leur quasi-totalité des proches (alliance, liens du sang ou proximité géographique), ceux qui n’ont aucun lien avec la victime ne représentent que 1,6% et que près de 4 plaintes sur 5 se rapportent à des violences ayant lieu dans le cadre d’une relation conjugale.
Les caractéristiques des protagonistes montrent une asymétrie générationnelle, les victimes sont en moyenne moins âgées que les agresseurs de 7,4 ans, et du point de vue éducationnel ils se distinguent par leur faible capital scolaire (deux sur cinq des victimes et deux sur trois des agresseurs sont sans instruction). Par contre les agresseurs sont majoritairement des actifs occupés (82,0%) tandis que plus de la moitié des victimes sont des inactives (57,2%) et majoritairement des femmes au foyer.
Selon les formes de violence ce sont les violences économiques et physiques qui prédominent (37,6% et 32,7%), les violences sexuelles viennent en troisième rang avec 10,7%, suivies des violences juridiques et psychologiques avec respectivement 10,1% et 8,8%. Ces violences se déroulent essentiellement dans le contexte conjugal (87%), le reste des violences se répartit entre la violence sociale (5,5%), la violence familiale (4,1%) et la violence extraconjugale (3,4%) et ces violences ont surtout pour scène le domicile conjugal (83,9%).
Ces violences sont surtout permanentes (84,1%) et fréquentes (85,9%) et leur durée moyenne est de 4,8 ans, avec une durée maximale pour les violences juridiques (7,2 ans) et minimale pour les violences sexuelles (3,6 ans).
Parmi les violences physiques, les femmes subissent particulièrement des coups (74,1%), des blessures (13,4%) et des tentatives de meurtre (8%). Parmi les violences psychologiques c’est le harcèlement psychologique qui est le plus répandu (35,1%), alors que les privations de sortie représentent (20,3%) et les insultes répétées (13,5%). Pour ce qui est des violences économiques, c’est l’usurpation du salaire qui est la plus importante (35,4%), suivie de la négligence de l’épouse et des enfants ou de la famille (25,6%) et l’implication dans des dettes (20,7%). L’abandon du lit domine les violences sexuelles (41,1%) et il est suivi des pratiques sexuelles perverses (15,1%) et de l’adultère et du viol à égalité avec 12,3% et enfin l’inceste (9,6%). Et enfin pour les violences juridiques, l’abstention de l’ex-époux de payer la pension (Nafaqa) domine avec 57,9% des cas et on retrouve ensuite la privation de la filiation et déni de la paternité (12,8%) et l’expulsion du domicile conjugal (12,3%).
Ces violences ont engendré des dégâts personnels sur les victimes dans 16,3% des cas, lesquels dégâts sont essentiellement d’ordre matériel et/ou moral à hauteur dans 87,7% des cas. Du point de vue économique, 0,7% des victimes ont du arrêter leur travail et 1,4% ont définitivement perdu leur emploi.
Les impacts de ces violences sur la santé des victimes sont considérables, y figure en premier lieu les effets sur la santé mentale (74%) et ensuite physiques comme les ecchymoses, les fractures, la défiguration et les brûlures qui totalisent 4,6% des effets. Les enfants ne sont pas épargnés, ils sont touchés dans près du quart des cas (26%), et les impacts sont surtout psychologiques (64,6%) et engendrent le retard ou l’arrêt de la scolarisation (respectivement 13,2% et 6,5%) et enfin le vagabondage et la délinquance (8,8%). L’entourage immédiat des victimes pâtit aussi, et les plus affectés par ces violences sont : la famille de la victime (42%), les collatéraux (25%) et les ascendants et descendants (25,47%).
Ces violences ont engendré l’équivalent de 22,6 années d’arrêt de travail et occasionné un coût moyen par victime de l’ordre de 3224,6 Dh avec 799,5 Dh pour les frais médicaux et 2810,3 Dh pour les autres frais. Le volet consacré aux recours aux instances étatiques, indique que les victimes s’adressent en premier lieu aux institutions étatiques pour demander gain de cause. Elles le font dans 66,4% auprès des tribunaux, suivis de la police (25,1%) puis de la gendarmerie, caïdat et ministères (5,3%) et les associations sont classées dernières, avec un faible taux, soit 3,2%.
Ces victimes, ont ensuite eu recours aux centres d’écoutes d’ANARUZ, leurs requêtes ont été dans 80,2% des cas à caractère juridique et dans 7,0% il s’agissait de soutien psychologique. Ces requêtes ont été partiellement ou totalement satisfaites à hauteur de 95%. Les requêtes pour « médiation familiale » et « assistance sociale et la réconciliation » ont été toutes totalement satisfaites et celles qui nécessitent une « assistance juridique et réconciliation », « assistance sociale et soutien psychologique » et l’ « assistance juridique et soutien médical » l’ont dans une fourchette allant de 60% à 80%.
De l’analyse de l’ensemble des plaintes, il se dégage que 74,1% des violences sont le fait d’un partenaire intime. Les victimes de violences intimes sont dans leur globalité des femmes adultes (97%) et mariées (74,6% dont 93,9% le sont avec acte et 6,12% sans acte) et elles sont surtout des femmes inactives (58%) parmi lesquelles les femmes au foyer sont dominantes (9 sur 10). Leurs agresseurs sont surtout des adultes qui se concentrent dans la tranche d’âge 15-59 ans (94,7%) et sont dans plus de 9 agresseurs sur 10 des actifs qui se répartissent à raison de 88,6% pour les actifs occupés et 11,4% de chômeurs. Selon la profession, on note qu’un agresseur sur 4 est ouvrier et que les commerçants, artisans, chauffeurs et agriculteurs constituent 39,1%.
Les formes de violence les plus fréquentes dans le cadre des relations intimes sont les violences économiques et physiques (respectivement 38,1% et 32,2%) et se déroulent exclusivement dans le contexte conjugal (95,8%).
L’exploitation financière des victimes vient en tête des violences économiques (61,0%) et parmi les violences physiques, les coups sont les plus fréquents (7 cas sur 10), les violences psychologiques sont dominées par le harcèlement psychologique, les privations de sortie et les insultes répétitives qui constituent 68,9% des cas, quant aux violences sexuelles, l’abandon du lit est en première position avec 37%, suivi des pratiques sexuelles perverses 18,5%. Le viol dont les séquelles sont lourdes de conséquences est en troisième position avec 14,8%.
Les femmes ayant déclaré avoir subi des dégâts personnels représentent 17,6% et les effets sur la santé mentale apparaissent comme étant les plus représentés (68,90%). On constate aussi des effets sur les enfants dans près du quart des cas à caractère psychiques dans 64% des cas et ceux qui se rapportent à la scolarité ne sont pas négligeables (21%).
L’estimation des coûts de ces violences, montre qu’elles induisent un coût total moyen de près de 4297,4 Dh dont 872,9 Dh au titre des frais médicaux et 3091,2 Dh pour les autres frais et que ce sont les violences sexuelles qui mobilisent le plus de ressources financières (9825,6 Dh).