Maroc: Mohammed VI épouse la cause des femmes
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Le Figaro Lancée vendredi soir devant le Parlement par Mohammed VI, la réforme de la Moudawana révolutionne du point de vue du droit les relations entre les deux sexes.
Les changements annoncés constituent une véritable libération pour les femmes marocaines.
Le nouveau Code de la famille qui remplace l'ancien statut personnel devrait être adopté sans difficulté par le Parlement. Selon Mohammed VI, la réforme «obéit au souci de lever l'iniquité qui pèse sur les femmes, de protéger les droits des enfants, et de préserver la dignité de l'homme». Elle est sans conteste la décision la plus significative du roi depuis son accession au trône depuis 1999.
Mohammed VI a toujours affirmé sa volonté d'émanciper les femmes. Dès son premier discours prononcé après la mort d'Hassan II, il déclare : «Comment espérer atteindre le progrès alors que les femmes qui constituent la moitié de la société, voient leurs intérêts bafoués.» Le gouvernement socialiste propose alors une modification de la Moudawana, cette codification du rite malékite érigé en loi en 1958 après l'Indépendance. Il a pour ambition de cesser de traiter la femme comme une citoyenne de seconde zone.
Mais son plan assorti de volets sociaux déchaîne les passions. Le débat d'une virulence inédite au Maroc oppose les féministes et les milieux modernistes à la mouvance islamiste, mais aussi aux rangs conservateurs de la coalition gouvernementale. La polémique descend dans la rue où les partisans du statu quo prennent l'avantage. Les islamistes marocains réussissent «une démonstration de force» mobilisant au printemps 2000 au moins 600 000 manifestants dans les rues de Casablanca. A l'appel du Parti de la justice et du développement (PJD, représenté au Parlement) et de l'association Justice et Spiritualité du vieux cheikh Yassine, la mouvance intégriste, fortement implantée dans les quartiers populaires et les universités, apparaît pour la première fois dans toute sa puissance. Dans le même temps, à Rabat, le réseau féministe marocain, soutenu par les principaux partis au pouvoir parvient à réunir entre 200 000 et 300 000 défenseurs des droits de la femme.
Le roi semble hésiter. Il installe une commission royale consultative qui doit lui remettre des propositions. Le silence des sages dure deux ans. Jusqu'au dernier discours de Mohammed VI devant le Parlement. Le roi a finalement choisi de révolutionner les mentalités à la faveur d'un changement de contexte politique. Car l'onde de choc des attentats suicides de Casablanca (44 morts et des centaines de blessés le 16 mai) place désormais le camp conservateur sur la défensive. Accusés de proximité idéologique avec les extrémistes prônant la guerre sainte, les islamistes légaux du PJD et les partisans du cheikh Yassine sont contraints d'adopter un profil bas. Ils ne peuvent se permettre d'apparaître comme un facteur de division de la société marocaine. Mohammed VI prend toutefois les devants pour convertir les conservateurs. «Je ne peux, en ma qualité de Commandeur des Croyants, autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé», assure-t-il au cours de son intervention émaillée par ailleurs de références religieuses.
«Le nouveau Code se rapproche d'une certaine idée de justice au sein de la famille, des sources et de l'esprit de l'islam», commente Nadia Yassine, fille du chef spirituel d'al Adl Wal Ihssane, le cheikh Abdessalam Yassine.
Le Parti islamiste marocain Justice et Développement (PJD) mange pour sa part son chapeau : il «salue et apporte son soutien» à un projet royal se situant «dans l'intérêt de la famille et de la femme» et constituant «un acquis substantiel pour le peuple marocain tout entier».
Avant la réaction officielle du PJD, Abdelilah Benkirane, célèbre pour des déclarations ambiguës sur l'application au Maroc de la charia estime «à titre personnel», que le nouveau Code de la famille annoncé par Mohammed VI s'inscrit dans le «référentiel islamique».
De leur côté, les féministes jubilent. «Avec la responsabilité partagée des conjoints, c'est tout le concept de l'ancien code, basé sur la soumission de la femme en échange de l'entretien par l'homme, qui a été remis en question», relève Amina Lamrini, la présidente de l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM).
Le nouveau Code abolit la règle d'«obéissance de l'épouse à son mari». L'âge légal du mariage des femmes est porté de 15 à 18 ans, c'est-à-dire l'âge de la majorité légale, sauf exceptions justifiées. Il ne sera plus nécessaire pour la femme de demander l'autorisation de son père et son tuteur pour convoler en justes noces.
La polygamie ne disparaît pas mais sera fortement limitée par le nouveau texte. La femme pourra notamment conditionner son mariage à l'engagement du mari de ne pas prendre d'autre épouse. Un second mariage du mari pourra justifier désormais une demande de divorce de la femme pour cause de «préjudice subi», précise le texte qui institue en outre le divorce par «consentement mutuel».
La famille va être désormais placée sous la responsabilité conjointe des deux époux. Le Code offre une nouvelle garantie aux épouses, dans l'éventualité d'une séparation, en ouvrant la possibilité d'établir un contrat de partage des biens acquis pendant le mariage.
De nouveaux droits sont prévus pour la protection des enfants, concernant notamment le droit de garde de la femme, la reconnaissance de paternité pour des enfants nés hors mariage et un rôle accru pour la justice. Une juridiction spécialisée, les tribunaux de la famille, sera mise en place pour mettre en application la nouvelle loi.
Bref de quoi susciter l'enthousiasme de la jeune presse indépendante : «Et le roi créa la femme», titre Le Journal. «L'histoire retiendra qu'il (Mohammed VI) a présidé à un changement sociétal majeur», commente cet hebdomadaire peu enclin à la flagornerie.
Thierry Oberlé
© Copyright Le Figaro
Mohammed VI a toujours affirmé sa volonté d'émanciper les femmes. Dès son premier discours prononcé après la mort d'Hassan II, il déclare : «Comment espérer atteindre le progrès alors que les femmes qui constituent la moitié de la société, voient leurs intérêts bafoués.» Le gouvernement socialiste propose alors une modification de la Moudawana, cette codification du rite malékite érigé en loi en 1958 après l'Indépendance. Il a pour ambition de cesser de traiter la femme comme une citoyenne de seconde zone.
Mais son plan assorti de volets sociaux déchaîne les passions. Le débat d'une virulence inédite au Maroc oppose les féministes et les milieux modernistes à la mouvance islamiste, mais aussi aux rangs conservateurs de la coalition gouvernementale. La polémique descend dans la rue où les partisans du statu quo prennent l'avantage. Les islamistes marocains réussissent «une démonstration de force» mobilisant au printemps 2000 au moins 600 000 manifestants dans les rues de Casablanca. A l'appel du Parti de la justice et du développement (PJD, représenté au Parlement) et de l'association Justice et Spiritualité du vieux cheikh Yassine, la mouvance intégriste, fortement implantée dans les quartiers populaires et les universités, apparaît pour la première fois dans toute sa puissance. Dans le même temps, à Rabat, le réseau féministe marocain, soutenu par les principaux partis au pouvoir parvient à réunir entre 200 000 et 300 000 défenseurs des droits de la femme.
Le roi semble hésiter. Il installe une commission royale consultative qui doit lui remettre des propositions. Le silence des sages dure deux ans. Jusqu'au dernier discours de Mohammed VI devant le Parlement. Le roi a finalement choisi de révolutionner les mentalités à la faveur d'un changement de contexte politique. Car l'onde de choc des attentats suicides de Casablanca (44 morts et des centaines de blessés le 16 mai) place désormais le camp conservateur sur la défensive. Accusés de proximité idéologique avec les extrémistes prônant la guerre sainte, les islamistes légaux du PJD et les partisans du cheikh Yassine sont contraints d'adopter un profil bas. Ils ne peuvent se permettre d'apparaître comme un facteur de division de la société marocaine. Mohammed VI prend toutefois les devants pour convertir les conservateurs. «Je ne peux, en ma qualité de Commandeur des Croyants, autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé», assure-t-il au cours de son intervention émaillée par ailleurs de références religieuses.
«Le nouveau Code se rapproche d'une certaine idée de justice au sein de la famille, des sources et de l'esprit de l'islam», commente Nadia Yassine, fille du chef spirituel d'al Adl Wal Ihssane, le cheikh Abdessalam Yassine.
Le Parti islamiste marocain Justice et Développement (PJD) mange pour sa part son chapeau : il «salue et apporte son soutien» à un projet royal se situant «dans l'intérêt de la famille et de la femme» et constituant «un acquis substantiel pour le peuple marocain tout entier».
Avant la réaction officielle du PJD, Abdelilah Benkirane, célèbre pour des déclarations ambiguës sur l'application au Maroc de la charia estime «à titre personnel», que le nouveau Code de la famille annoncé par Mohammed VI s'inscrit dans le «référentiel islamique».
De leur côté, les féministes jubilent. «Avec la responsabilité partagée des conjoints, c'est tout le concept de l'ancien code, basé sur la soumission de la femme en échange de l'entretien par l'homme, qui a été remis en question», relève Amina Lamrini, la présidente de l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM).
Le nouveau Code abolit la règle d'«obéissance de l'épouse à son mari». L'âge légal du mariage des femmes est porté de 15 à 18 ans, c'est-à-dire l'âge de la majorité légale, sauf exceptions justifiées. Il ne sera plus nécessaire pour la femme de demander l'autorisation de son père et son tuteur pour convoler en justes noces.
La polygamie ne disparaît pas mais sera fortement limitée par le nouveau texte. La femme pourra notamment conditionner son mariage à l'engagement du mari de ne pas prendre d'autre épouse. Un second mariage du mari pourra justifier désormais une demande de divorce de la femme pour cause de «préjudice subi», précise le texte qui institue en outre le divorce par «consentement mutuel».
La famille va être désormais placée sous la responsabilité conjointe des deux époux. Le Code offre une nouvelle garantie aux épouses, dans l'éventualité d'une séparation, en ouvrant la possibilité d'établir un contrat de partage des biens acquis pendant le mariage.
De nouveaux droits sont prévus pour la protection des enfants, concernant notamment le droit de garde de la femme, la reconnaissance de paternité pour des enfants nés hors mariage et un rôle accru pour la justice. Une juridiction spécialisée, les tribunaux de la famille, sera mise en place pour mettre en application la nouvelle loi.
Bref de quoi susciter l'enthousiasme de la jeune presse indépendante : «Et le roi créa la femme», titre Le Journal. «L'histoire retiendra qu'il (Mohammed VI) a présidé à un changement sociétal majeur», commente cet hebdomadaire peu enclin à la flagornerie.
Thierry Oberlé
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