Algérie: 'La maltraitance fait encore des ravages dans la famille algérienne':

Source: 
El Watan
5760 enfants victimes de violences en 2006.
Frappée par la loi de l’omerta, la maltraitance des enfants est pourtant une réalité bien présente dans notre pays. La famille, berceau d’amour et d’affection pour les enfants, peut devenir un foyer de violence, de souffrance et de négligences.
La journée d’étude organisée jeudi au Cerist de Ben Aknoun (Alger), à l’initiative de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem), a permis de tirer au clair ce phénomène étouffé dans les dédales familiaux. Le président de la Forem, Mostéfa Khiati, a révélé que 10 000 enfants souffrent chaque année de différentes formes de maltraitance au sein de leurs familles. Il a rappelé que la Convention internationale des droits de l’enfant, en vigueur en Algérie depuis mai 1993, définit la maltraitance comme «toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle». La violence peut revêtir un aspect physique ou psychologique, et peut être aussi une violence passive comme l’exclusion ou la marginalisation de l’enfant. Le conférencier indique que d’autres facteurs extrafamiliaux peuvent également nuire à l’enfant et perturber gravement son développement. On peut citer la pauvreté, le déracinement, l’isolement social, l’emprisonnement… Sur ce chapitre, A. Makki, directeur exécutif de la Forem, a présenté son approche sur la maltraitance structurelle. Ainsi, explique-t-il, un père au chômage ou un couple divorcé présente une autre forme de maltraitance sur l’enfant. Les spécialistes présents à la rencontre s’accordent à dire que les chiffres à la disposition de la DGSN et de la Gendarmerie nationale ne représentent que la partie émergée de l’iceberg. La réalité peut laisser penser au double ou au triple des statistiques établies. Ainsi, madame le commandant Messaoudène (DGSN) a révélé que 5760 cas de violence contre les enfants ont été enregistrés en 2006. 2099 cas concernent des violences physiques, et où la majorité des victimes sont des garçons, et 1440 cas de violence sexuelle qui ont ciblé une majorité de filles. La commissaire ajoute, toujours en 2006, que 18 enfants ont été assassinés volontairement. En guise d’explication, le commandant Messaoudène a considéré que l’évolution de la criminalité est la conséquence de la décennie du terrorisme. Elle a, en outre, déploré la passivité du citoyen qui manque de culture de signalement. `Elle a relevé, par ailleurs, un déficit dans la prise en charge institutionnelle, avouant qu’aujourd’hui, les filles victimes de violence sexuelle sont transférées vers des centres réservés aux filles délinquantes. La mise en place d’un centre d’accueil pour les filles maltraitées est nécessaire.

Enquêtes délicates et loi du silence

L’oratrice a, en outre, plaidé pour des campagnes de sensibilisation vis-à-vis des familles et pour des programmes spécifiques à l’école. Elle appelle à une coordination étroite entre les différents services (police, gendarmerie, justice, école, société civile…). La commissaire a annoncé que des sessions de formation assurées par des experts européens sont lancées, notamment concernant l’investigation sur les violences sexuelles. En outre, la DGSN est dans l’attente de la mise en place de l’enregistrement vidéo pour les témoignages des enfants maltraités. Pour les violences sexuelles, elle a affirmé que la police dispose de techniques modernes comme les prélèvements de sang et les analyses ADN pour identifier le responsable de l’acte. De son côté, Mlle Zohra Boukaoula (Gendarmerie nationale) a déclaré que 1677 cas de violence contre les enfants ont été enregistrés en 2006 et 126 cas en janvier 2007. 7 enfants ont été assassinés en 2006 et 1 enfant en janvier 2007. Pour les viols, 135 cas ont été constatés en 2006 et 10 cas en janvier 2007. 5 cas d’inceste enregistrés en 2006 et 1 cas en janvier 2007. Des statistiques qui couvrent des zones rurales. Mme Merrah, professeur au CHU de Beni Messous, rappelle que le code pénal prévoit de 1 à 5 ans de prison pour toute personne qui exerce une maltraitance contre un enfant. Cependant, regrette-t-elle, le dispositif juridique en vigueur ne précise pas les autorités qui doivent être informées pour ces cas de maltraitance. Le problème de signalement est une autre fois posé. Selon elle, une étude épidémiologique a montré que les auteurs de la maltraitance sont d’abord le père, puis l’éducateur, la mère puis le voisin. Pour sa part, le docteur Mahmoud Benrédouane (CHU Mustapha) a souligné l’importance impérieuse accordée par l’Islam à l’enfant en lui garantissant droits et protection avant même sa naissance. Il a indiqué que l’Islam n’interdit pas à l’enfant de protester et de signaler son cas s’il est victime de maltraitance. Prenant la parole, le docteur Radjia Bénali (université de Batna) a annoncé les conclusions de son enquête selon lesquelles les punitions corporelles sont très fréquentes dans la famille algérienne. Il faut souligner que l’Observatoire des droits de l’enfant (ODE) a mis en place à la disposition des enfants, des parents ou de toute autre personne un numéro vert national (1555) pour toute assistance ou orientation psychologique ou judiciaire.

Par: Mustapha Rachidiou

31 mars 2007