Dossier 20
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Ce Dossier commence par un exposé de Deniz Kandiyoti sur la position et le rôle des femmes dans les luttes anti-coloniales et dans le projet nationaliste. Les mouvements nationalistes, presque partout, ont bénéficié de la mobilisation des femmes chaque fois que c’était nécessaire, même au front. Cependant, l’indépendance nationale obtenue, les femmes ont été, encore une fois, reléguées au second plan et renvoyées à la sphère privée.
Ecrivant il y a environ 20 ans, Magida Salman exprime d’une voix puissante les craintes des féministes socialistes concernant le discours nationaliste et populiste des régimes arabes et parle de la manière dont l’Islam a été utilisé par les régimes arabes post-nationalistes pour se légitimer, dominer et contrôler les femmes.
Alors que s’estompe le souvenir des années d’indépendance, les questions soulevées par Magida Salman semblent encore être d’actualité dans certaines parties du monde arabe d’aujourd’hui. Des décennies après l’indépendance, l’élite dirigeante “laïque” algérienne, qui se bat aujourd’hui pour survivre aux attaques des fondamentalistes, refuse de réviser un Code de la famille discriminatoire pour les femmes. L’Etat a invoqué l’Islam pour justifier ce Code. Manifestement, les islamistes, qu’ils soient ou non au gouvernement, ont une préoccupation commune : comment tenir les femmes sous contrôle ?
Tout en examinant la façon dont les élites politiques nationalistes se sont appropriées la religion, nous devons également nous intéresser de près aux comportements progressistes ou conservateurs dans l’espace religieux nonétatique lui-même. L’Islam contemporain a été marqué par la tension entre religieux conservateurs et théologiens progressistes.
Ebrahim Moosa fait ressortir que, dans leur programme, les oulémas conservateurs d’Afrique du Sud ne semblaient pas être dérangés par la profonde discrimination de l’apartheid. Asghar Ali Engineer fait un rapide survol des initiatives en faveur des réformes dans l’Islam en Inde ces 50 dernières années. Les nouveaux “immigrants” de l’Islam de la diaspora, installés maintenant dans les anciens pays colonisateurs européens, se trouvent aujourd’hui confrontés à un processus singulier de construction culturelle. Ici, la tradition, la religion, les lois de la terre d’origine se heurtent aux règles de l’Etat-nation local ; ce phénomène entraîne une classification purement religieuse ou ethnique de ces minorités immigrantes. Au lieu d’Egyptiens, d’Algériens, de Pakistanais ou de Bangladeshis, cette minorité hétérogène d’immigrants est reconnue comme communauté minoritaire d’“ethnie musulmane”. Tout comme les élites locales étaient sollicitées à l’époque par l’administration coloniale pour servir d’interlocuteurs, aujourd’hui encore, on fait appel à des hommes “respectables” pour servir d’intermédiaires entre l’autorité gouvernementale et cette nouvelle communauté soigneusement “uniformisée”. Les femmes sont une fois de plus marginalisées et lésées, comme chaque fois que des hommes deviennent les représentants de la communauté. Nous présentons trois articles distincts traitant de la difficile condition des femmes de la minorité musulmane britannique. Le premier article de Yasmin Ali présente la vie des femmes musulmanes dans le nord de l’Angleterre avec, en toile de fond, les processus d’ethnicité et de construction culturelle. L’article se préoccupe principalement des conséquences de la politique multiculturelle sur les droits des femmes. Kenan Malik fait une critique plus générale sur le multiculturalisme qui incite à davantage de réflexion. Lucy Carroll s’intéresse en particulier aux implications juridiques des mariages arrangés au Royaume-Uni pratiqués par les musulmans immigrés en provenance de l’Asie du Sud.
Complétant l’article précédent, un autre exposé montre l’attitude dangereuse des pères et des familles au Royaume-Uni qui marient leurs filles contre leur gré. Fidèles à notre engagement pour une meilleure compréhension des mouvements fondamentalistes et de leurs politiques et projets, nous nous sommes principalement intéressés à la Jordanie, au Soudan et aux Etats-Unis. Lisa Taraki décrit comment en Jordanie ceux qu’on appelle les “Islamistes modérés” semblent obsédés par la faÁon dont les femmes s’habillent. Un article sur le Soudan accuse le régime islamiste d’instituer une discrimination au nom de la religion. Un article détaillé de Nina Ascoly sur la “Nation de l’Islam” aux Etats- Unis montre comment ce mouvement politico-religieux n’a comme objectif principal que la propagation de sa propre version du patriarcat et d’une politique de droite.
Enfin, un bref article sur la Turquie expose les problèmes et les perspectives relatifs à l’organisation de la communauté lesbienne.