Afghanistan: WLUML/SKSW communiqué: Arrêter la lapidation et les autres formes de punitions cruelles par le Taliban
La Campagne mondiale «Arrêtons de tuer et de lapider les femmes» et le Réseau international de solidarité Femmes sous lois musulmanes (WLUML) condamnent les punitions violentes, commises récemment par les Talibans en Afghanistan. Dimanche dernier, les Talibans ont exécuté par lapidation un couple dans la vingtaine, dans un village contrôlé par leurs forces à Kunduz, dans le nord de l’Afghanistan. Ce couple s’était enfui au Pakistan pour se marier, même si l’on avait raconté qu'’ils avaient été fiancés à d’autres personnes. Peu de temps après, ils retournaient ensemble dans leur village de Mullah Qulli, dans la région de Archi au Kunduz. Certains rapports indiquent que leurs familles avaient accepté de les marier, tandis que d’autres affirment que le jirga avait décidé de leur pardonner, si l’homme s’acquittait d’une compensation. Les Talibans les arrêtèrent tous les deux pour crime d’adultère et les lapidèrent, dans un bazar de la quartier de Dasht-e Archi. Ce crime a été confirmé par le gouverneur de Kunduz, Mohammad Omar.
Une semaine avant cette exécution, une autre femme, Bibi Sanubar- veuve et enceinte - avait reçu, comme punition, deux cents coups de fouet, face à la foule, avant d’être exécutée par un commandant taliban, dans la province nord-ouest de Badghis. Elle aussi avait été accusée d’adultère et avait été condamnée, après passé trois jours en prison. On rapporte que son l’homme, qui était son partenaire, n’a pas été puni pour ses actes et qu’il continue de vivre au même endroit.
Il est clair que ces deux incidents signalent un développement très inquiétant, après que le Conseil des Ulémas, le corps islamique le plus élevé de l’Afghanistan, ait demandé, au gouvernement afghan, l’application stricte du “hudud” -punition corporelle- prescrit par la Shari’a. Cette adoption par le Conseil est considérée comme une concession aux Talibans pour mettre un terme au conflit avec le gouvernement afghan. Sous les Talibans, les punitions “hudud” comprenaient la lapidation en public, l’amputation et la flagellation, y compris pour de prétendues transgressions de normes sociales.
Depuis l’intervention de 2001 pour chasser le régime des Talibans en Afghanistan, il y a eu beaucoup de progrès dans le domaine des droits de l’homme, particulièrement dans les droits des femmes et l’égalité entre les sexes. Il y a grand danger de voir ces gains fragiles érodés davantage, car le gouvernement Karzai et ses alliés étrangers témoignent d’une tendance à compromettre les droits de l’homme et à les troquer contre des accords militaires ou politiques à court terme avec des groupes armés d’insurgés. Ces groupes sont particulièrement bien représentés parmi les Talibans. Dans les régions qu’ils contrôlent encore, les Talibans continuent de jouir de l’impunité et n’accordent que peu d’égard aux droits de l’homme et aux lois de guerre. Ils ciblent délibérément les civils, les humanitaires, ainsi que les écoles (et plus particulièrement celles des filles). Ils ont aussi largement entravé les droits des femmes à l’emploi, leur liberté de mouvement, leur participation et représentation politiques.
Nos exigences:
Nous appelons le gouvernement afghan et ses alliés de l’OTAN à refuser que les droits de l’homme, surtout ceux des femmes et des filles, soient sacrifiés au prix d’une réconciliation avec les Talibans et les autres groupes d’insurgés. On doit garantir et veiller au respect des droits de l’homme dans tous les efforts de réconciliation avec ces forces. Nous soutenons l’appel des femmes afghanes à être représentées de manière significative dans la planification et la mise en œuvre de ces efforts de réconciliation, en ligne avec la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité de l’ONU.
Nous apprécions la déclaration du Président Karzai, pour qui « la décision de groupes armés illégaux de lapider le jeune couple afghan, sans procès équitable, est contraire à tous les principes humains et islamiques ». Nous exhortons le gouvernement afghan à exercer tout son pouvoir pour modifier ou abolir les lois existantes (comme celles établies dans le code pénal), toutes les règlementations, les coutumes et les pratiques et sociales qui s’avèrent systématiquement discriminatoires à l’encontre des femmes dans les questions familiale, pour:
- S’assurer que l’on accorde aux femmes une égalité juridique non qualifiée avec les hommes, devant la loi comme en pratique, pour : choisir librement son époux ; consentir pleinement et librement au mariage; avoir des droits et des devoirs égaux durant le mariage et lors de sa dissolution; et avoir le droit de ne pas se marier.
- Criminaliser les formes de violence suivantes envers les femmes et les filles: violences familiales comprenant les crimes d’honneur ; don des femmes et des filles en mariage comme moyen de résolution des conflits; obligation des femmes et des hommes à se marier contre leur gré ou sans en être informés, en particulier pour les garçons et les filles qui n’ont pas encore atteint l’âge légal minimum au mariage; viol, y compris viol conjugal et viol des enfants; et autres crimes sexuels.
- Mettre fin à la détention, à l’emprisonnement et à toute autre action officielle contre les femmes pour le soi-disant délit de “fuite” de la maison et donner la priorité au droit des femmes à conserver leur mobilité.
Traduction par Vanessa Morrell et Fatou Sow