France : Réactions à l’attentat contre Rayhana
Comment ne pas réagir à l'agression, le 12 janvier à Paris, contre Rayhana, dramaturge et actrice algérienne, auteure de la pièce "A mon âge, je me cache encore pour fumer"! L'attaque dont elle a été victime est d'une extrême violence et nous saluons non seulement son courage face à cette attaque mais tout son engagement de femme et d'artiste.
Qu'il s'agisse d'attaques à l'acide ou à l'essence, cet acte extrême est utilisé à travers la planète contre les femmes dès qu'elles luttent pour leurs droits et leur liberté ! C'est un acte qui a pour objectif non seulement de les terroriser mais surtout de les défigurer à vie physiquement, psychologiquement et de faire disparaître socialement les femmes.
Cependant nous ne pouvons pas rester simplement dans la condamnation d'un acte et ne pas nous interroger sur ses causes. Il est d'autant plus important de nous interroger sur la portée de cet acte dans un pays où la laïcité est consacrée dès l'article premier de la Constitution.
Pourquoi ? La République laïque, dans laquelle nous sommes néEs ou bien avons choisi de vivre doit être respectée dans son essence parce que la France des Lumières n'a pas le droit de brader les valeurs fondamentales pour lesquelles se sont battus des millions de Françaises et de Français de 1789 à nos jours.
Que cela signifie-t-il ?
D'une part, la laïcité conjugue la liberté de conscience, qui permet aux options spirituelles de s'affirmer sans s'imposer, l'égalité des droits de tous les citoyens et citoyennes sans distinction d'option spirituelle et la définition d'une loi commune à tous visant le seul intérêt général.
D'autre part, des femmes et des hommes, qu'ils soient néEs ou aient choisi de vivre en France sont dans un Etat laïque où la liberté de conscience est garantie par la loi. L'instauration « des lois divines » dans différents pays (Iran, Algérie, Soudan, Egypte, etc.), les violences et les actes terroristes qui sont perpétrés contre les femmes et les hommes porteurs de valeurs laïques, de liberté de conscience ont été poussés à l'exil. Ces femmes et ces hommes ont choisi de vivre dans une démocratie où la laïcité fait place à la liberté et aux rapports humains dans une société vivable pour toutes et tous.
Au cours de ces dernières années, nous n'avons eu de cesse d'interpeller les décideurs politiques pour rappeler que la laïcité, la mixité et le principe d'égalité entre les femmes et les hommes sont des valeurs non négociables du vivre ensemble. A chaque fois qu'un responsable politique cède sur les principes fondateurs de la République au nom de la liberté de religion, il met en péril le principe de laïcité et de ce fait, ouvre la brèche au particularisme et au communautarisme.
Nous ne sommes pas surpris par l'agression de Rayhana. L'avancée de l'islamisme politique est une réalité quotidienne pour nos concitoyennes de Paris à Marseille, Lille, Lyon, Montpellier, Montataire, Creil, Orly, Saint-Denis..
Qu'il s'agisse de la pression sociale du groupe ou du quartier, des agressions verbales et physiques dont elles sont victimes, elles le vivent dans la plus grande indifférence mais aussi dans le déni d'une majorité des décideurs politiques. S'il n'existait pas des associations progressistes et laïques, des initiatives citoyennes au sein des quartiers, les femmes auraient été encore plus rapidement éradiquées de l'espace public et de la vie sociale.
Ce n'est pas faute d'avoir exprimé notre inquiétude face à la montée de l'Islamisme en France, comme en Europe. Un grand nombre de défenseurs des droits humains, des forces de droite et de gauche ont fait le lit de ces intégristes religieux.
Les luttes des féministes contre le patriarcat et l'interprétation des «lois divines» les amènent à être taxées de « féministes blanches » par les groupes communautaristes, les islamistes et les islamo-gauchistes. Si, elles sont féministes, laïques et de naissance musulmane, c'est d'occidentalisées, de traitres à leur culture, d'islamophobes qu'elles sont accusées dès qu'elles dénoncent les atteintes aux droits fondamentaux des femmes et le relativisme culturel de ces «penseurs du communautarisme ».
Ces penseurs communautaristes ont amené les citoyens et citoyennes à avoir un langage stéréotypé et une pensée aseptisée : 'C''est leur culture.', institutionnalisant un racisme différentialiste.
Nous ne pouvons pas oublier Sohane, brulée vive, Samira Bellil dans l'enfer des tournantes, les jeunes filles mariées de force et celles tuées « au nom de l'honneur ». Les femmes, dès qu'elles veulent exprimer leur émancipation ou revendiquer une autre façon de vivre, de penser, sont les victimes de l'ordre moral codifié par le patriarcat en pleine expansion par la montée de l'intégrisme religieux.
Aujourd'hui, la régression est telle que l'on voit fleurir non seulement le voile, le niquab et la burqa mais aussi les accommodements de tout genre : des repas hallal dans les cantines scolaires, le choix du médecin dans les hôpitaux. Dans une commune, il a été demandé aux fonctionnaires de sexe féminin d'apporter une attention particulière à leur tenue vestimentaire afin de ne pas agresser ou provoquer .les usagers « d'obédience musulmane » !!
Dans certaines villes et quartiers, il a même été instauré . un couvre-feu de fait ! Au delà d'une certaine heure, les femmes et les jeunes filles doivent se claquemurer chez elles faute de quoi elles sont considérées comme des femmes aux mours légères, exposées aux insultes voire à la violence.
Tous ces exemples, ne sont pas de l'ordre du fantasme. Ils sont une réalité quotidienne !
Lors du rassemblement devant la Maison des Metallos, samedi après-midi, nous avons été bien aise d'apprendre que l'Imam de la mosquée du quartier avait condamné l'attaque dont a été victime Rayhana.
Il est aisé de condamner un acte, par une déclaration aux autorités locales ou à la presse, cela s'appelle avoir une bonne politique de communication. Qu'en est-il des prêches incendiaires de cet imam dont le fonds de commerce est la haine des femmes, la chasse aux mécréants et mécréantes.
La situation est telle que, dans sa tentative de fuir ses incendiaires, Rayhana n'a trouvé ni refuge, ni main protectrice dans le quartier. C'est dire qu'il existe déjà dans une partie du territoire du XIème arrondissement de Paris, un ordre islamiste qui quadrille le quartier et impose son diktat par la terreur et la peur.
Quand nos décideurs politiques arrêteront-ils de penser que l'on règle les problèmes en faisant appel aux imams et autres représentants religieux ? La réponse au repli identitaire et au déni de citoyenneté ne se résout pas en accordant un rôle politique aux représentants religieux. Ils ne sont en aucun cas les représentants des citoyennes et des citoyens dans la Cité. Ce n'est pas non plus en offrant, à la place des services publics, des salles de prière, des terrains pour la construction de mosquées ou en permettant l'éclosion de commerces à dominante cultuelle.
Nos décideurs politiques ont tellement cherché la paix sociale, par peur d'être accusés de racistes, qu'ils ont pactisé avec la pensée islamiste. Ils ont offert à ses représentantes et représentants des tribunes, des plateaux de télé et tout un espace social et politique au sein de la Cité. Est-ce par naïveté ou par calcul politique, toujours est-il qu'ils ont contribué à l'islamisation des esprits.
Ils ont refusé d'écouter la voix des forces progressistes laïques, des féministes. Ils ont entériné le recul de la laïcité en la confinant exclusivement dans le respect et le dialogue des religions. La laïcité, est d'abord et avant tout liberté de conscience, séparation de la sphère politique et de la sphère religieuse.
La vraie réponse au recul de la laïcité, de la mixité c'est la reconnaissance d'une pleine citoyenneté, un enseignement laïque avec la protection de l'école publique laïque - abandonnée au nom du choix de la carte scolaire -, la défense des services publics de proximité, de maisons de jeunes, de maisons de quartiers dignes de ce nom, d'acteurs sociaux prônant des valeurs de laïcité, d'égalité, de mixité. Ce qui est loin d'être une réalité aujourd'hui.
Les jeunes filles et les jeunes hommes, les citoyennes et les citoyens aspirent à un avenir dans notre société laïque, démocratique et sociale. Ils souhaitent vivre dans l'égalité politique, économique et sociale et non dans un quelconque attachement ou appartenance à une communauté religieuse. Dans une société laïque, l'individu est d'abord un CITOYEN !
Les responsables politiques étaient certes présentEs à ces rassemblements mais quand sortiront-ils de l'ambiguïté et l'inaction pour qu'enfin se décide dans toute sa rigueur le respect du principe de Laïcité ?
A moins qu'il ne faille commencer à compter nos morts, ICI, pour que les lois de la République reprennent naturellement leur place dans la société.
INITIATIVE FEMINISTE EUROPEENNE OBSERVATOIRE DE LA LAICITE
IFE - France DE SAINT-DENIS
SOCIETE DE DEFENSE DES LAIQUES
Non croyants, non croyantes
et athées de Saint Denis
COMMUNIQUÉ PRESSE par Coordination Française Marche Mondiale des Femmes: Soutien à Rayana. Se battre contre les violences faites aux femmes et pour la liberté d’expression ! Nous venons d’apprendre avec horreur et colère l’agression dont a été victime hier l’auteure et comédienne féministe d’origine algérienne, Rayhana, qui se rendait à la maison des Metallos où se joue sa pièce : " A mon âge, je me cache encore pour fumer ! ".
La comédienne aurait été aspergée d’essence et ses " agresseurs lui ont ensuite jeté une cigarette au visage, fort heureusement sans enflammer la jeune femmeŠ L’agression physique s’est doublée d’une agression verbale qui laisse peu de doutes sur le lien existant entre cette tentative d’homicide et les représentations en cours qui se poursuivront jusqu’à la fin " (déclaration de ses proches).
La Coordination Française de la Marche Mondiale des Femmes condamne cet acte intolérable de violence et apporte tout son soutien a Rayhana, aux comédiennes de la pièce et à la Maison des Métallos. Elle invite toutes celles et tous ceux qui soutiennent la liberté d’expression et se battent contre les violences faites aux femmes à se rendre aux prochaines représentations de sa pièce. Tant que toutes les femmes ne seront pas libres, nous resterons en marche !
Paris le 14 janvier - 11 heures
NPNS REVOLTE FACE A L’AGRESSION DE RAYHANA ASPERGEE D’ESSENCE AVANT UNE REPRESENTATION.
A l’heure où certains n’ont pas le courage d’agir contre l’obscurantisme, Rayhana, une comédienne algérienne, a été aspergée d’essence mardi soir devant la maison des Métallos (XIe) par un individu avant de lui jeter sans succès une cigarette au visage.
La comédienne joue actuellement une pièce « A mon âge je me cache encore pour fumer » dénonçant la montée de l’intégrisme qui grignote l’espace public, et confine les femmes.
Après Chahrazade, Fatima, Kavidah qui est toujours entre la vie et la mort, c’est dans l’indignation que Ni Putes Ni Soumises apprend l’agression de la comédienne algérienne.
Les femmes sont sur le front face à l’intégrisme rampant et sont les premières victimes de leurs attaques. Nous appelons toutes les forces progressistes, les républicains, à soutenir dans les actes les femmes et les hommes qui se battent contre l’obscurantisme.
Rayhana, femme de courage, a tenu à monter sur scène le soir même.
Quelques mots à mes amis de France à la suite de l’agression de Rayhana
Lettre Ouverte de Djemila Benhabib
Comme plusieurs d’entre vous, je suis terrassée par l’agression barbare dont a été victime, en plein cœur de Paris, le 12 janvier dernier, la comédienne Rayhana, à quelques pas de la Maison des Métallos où elle devait monter sur les planches le soir même. Je lui exprime toute ma solidarité ainsi que ma profonde sympathie.
Nous nous sommes rencontrées à Ottawa, en mars 2009, alors qu’elle était invitée par Esther Beauchemin au Théâtre de la Vieille 17 pour présenter une lecture-spectacle de sa pièce intitulée « A mon âge, je me cache encore pour fumer », à l’occasion de la Journée internationale des femmes. J’ai vite été enveloppée par la moiteur du Hammam, emportée par ses intrigues et littéralement conquise par le caractère libérateur et voir même libertin de quelques personnages. Nul interdit ne subsistait. Nulle place au conformisme. Rayhana avait fait péter tous les verrous et du même souffle avait suspendu tous les tabous. J’avais oublié le froid glacial de cette nuit hivernale. Ottawa avait disparu, englouti sous le Hammam qui avait pris ses aises. Aspergée par les vapeurs, je me voyais là, débarrassée de mes lainages, quelque part entre ces femmes dont les voix étouffées s’étaient furtivement libérées, partageant leurs rêves et leurs blessures. On aurait cru que l’Algérie entière s’était donné rendez-vous dans ce théâtre et que la vie de ces femmes convergeait toute vers le même idéal : leur émancipation. C’est précisément cette fin, un peu idéaliste et triomphaliste, qui m’a laissée perplexe. Autant admettre que je suis de celles qui ne croient pas en la vertu d’une solidarité féminine intrinsèque. Dans ma pensée, les lignes de démarcation transcendent les sexes et sont bien naturellement idéologiques. Pour ma part, les revendications féministes s’inscrivent toujours dans le champ du politique par leurs objectifs de transformation du système juridique et du modèle patriarcal. Cependant, cette réserve n’avait aucunement freiné mon élan. Lors de l’échange qui a suivi avec Rayhana, je saluais, émue, son souffle théâtral ô combien rafraichissant et courageux. Je découvrais aussi une femme d’une incroyable vivacité et immensément belle…parce que digne. Qui d’autre mieux que cette artiste pouvait incarner l’histoire de l’Algérie ? Elle qui est née dans un quartier populaire et a choisi de faire un métier interdit aux femmes. Elle qui se faisait traiter de pute depuis toujours ou presque. C’est ainsi qu’elle devient comédienne et féministe. Était-ce pour conjurer le sort ? Avec la montée de l’islamisme politique, vivre en Algérie ne lui était plus possible. Fatiguée de jouer à cache à cache avec la mort, elle a fui Alger, il y a une dizaine d’année, meurtrie, endeuillée par tant de haine et de violence. A la fin de la pièce, elle m’a racontée, en aparté, les conditions difficiles de son départ. Elle m’a révélé, avec retenue, les énormes sacrifices auxquels elle a consenti pour regagner l’autre rive et les difficultés de vivre à Paris. Ses yeux étaient embués et son rire était devenu plus discret. Nous avons évoqué Alloula et Medjoubi, ces deux géants du théâtre algérien, tous deux assassinés. Puis, nous avons pleuré l’une dans les bras de l’autre car une même douleur traversait nos corps. La douleur d’être femme lorsqu’on est de culture musulmane.
Bien que je me réjouisse de la vague de sympathie envers Rayhana, certaines réactions me laissent dubitatives. En effet, plusieurs voix s’élèvent, en France, pour demander s’il y a réellement un lien entre la nature de cette agression et sa pièce de théâtre. D’autres encore appellent à la prudence et à la patience en évoquant l’enquête policière qui suit toujours son cours. Je vous le dis d’emblée et probablement d’une façon brutale : vos réactions me gênent profondément. Non pas que je doute, une seule seconde, de votre compassion, mais votre attitude donne à penser qu’on pourrait saucissonner Rayhana. Est-ce la comédienne qu’on a voulu punir ou bien la féministe ? Est-ce tout simplement la femme ? Et si c’était tout cela en même temps ? Et si toutes les facettes de cette femme incarnaient en soi un parti pris pour la liberté, pour l’émancipation des femmes et le triomphe de l’art ? Et qui donc Rayhana dérange-t-elle autant ? Qui traite de putains, de mécréantes et d’occidentalisées à longueur de prêches toutes les femmes qui sortent du rang ? Qui est obsédé par la sexualité et le corps des femmes ? Qui veut les voir brulées, crevées, cachées, voilées, terrées, emprisonnées et anéanties ? Qui déverse sa haine sur les journalistes, les écrivains, les caricaturistes, les poètes, les peintres, les dramaturges, les comédiens et les musiciens ? Qui manie le sabre pour sectionner les têtes des libres-penseurs ? Qui arrose ses mercenaires de la mort de millions de dollars pour mettre à prix la tête de telle femme ou tel homme qui n’ont que pour seul tort de « mal penser » ? Qui donc a donné l’ordre par une fatwa d’assassiner le romancier Salman Rushdie ? Qui a eu l’audace criminelle d’attenter à la vie du seul prix Nobel de littérature du monde arabe, Naguib Mahfoud, alors âgé de 83 ans, en le poignardant ? Qui a condamné à mort la féministe Nawal Saadawi en l’accusant d’apostasie et de non-respect des religions ? Qui a tenté d’assassiner le caricaturiste danois Kurt Westergaard, âgé de 74 ans le 1er janvier dernier en soirée ? Devrait-on penser à monter un spectacle planétaire intitulé Bas les masques ! J’ai bien peur que la fiction serait dérisoire tant la terrible réalité surpasse l’entendement lorsqu’il est question de l’islamisme politique et de ses nombreuses manifestations. Quiconque est familier, un temps soi peu, avec la rhétorique des islamistes est forcé de reconnaitre que l’idéologie qu’ils vocifèrent nourrit et perpétue toutes ces violences. S’élever contre l’agression de Rayhana, c’est d’abord et avant tout condamner l’idéologie islamiste. Sans cela, on contribue à isoler la main de l’agresseur de sa tête gangrenée par la haine des femmes, le passage à l’acte ne constituant qu’une étape d’un long processus jonché par la détestation et le mépris des femmes.
J’en arrive alors à la deuxième ambigüité qui sous-tend la prise de position précédemment citée. En évacuant le lien de cause à effet qui existe entre la main et la tête de l’agresseur, on situe l’agression hors du temps et hors de l’histoire. C’est comme si la pièce ne faisait plus partie de l’histoire. C’est comme si Rayhana n’appartenait plus à l’histoire. C’est comme si les personnages étaient soudainement devenues a-historiques. Et tout compte fait c’est comme s’il fallait occulter le contexte politique, aussi bien en France qu’ailleurs, dans lequel l’agression s’est produite. C’est comme s’il fallait soudainement devenir amnésique et vider l’histoire de son sens. Est-ce un hasard si l’ordre islamiste régule le quartier ou Rayhana a été agressée ? Est-ce encore un hasard si les commerces communautaires ont écrasé de tout leur poids le reste des échoppes avoisinantes ? Est-ce un hasard encore si la burqa se commercialise dans le quartier ? Est-ce toujours un hasard si la mosquée du quartier rythme la vie des riverains ? Je vous surprendrai peut-être, mais pour vous dire vrai, je ne suis aucunement surprise par l’agression de la comédienne. Depuis quelques années déjà je suis constamment alertée par des amis extrêmement inquiets de l’avancée de l’islamisme politique au sein même de leur quartier et de leur ville. A Marseille, à Lyon, à Lille, à Paris et en région parisienne ou ailleurs, plusieurs de mes amies ont été victimes d’agressions verbales et physiques. On les accusait toujours des mêmes maux : de mécréantes et de putains. C’est dire qu’une violence, avant d’être physique, est d’abord verbale et porte en elle une profonde charge symbolique. Aujourd’hui, j’en arrive à me demander combien sont-ils, en France, à subir des menaces et des intimidations sans jamais rien dire ni porter plainte ? Combien sont-elles à emprunter des ruelles sinueuses les entrailles nouées par la peur ?
Cet état de fait est une conséquence directe d’une situation particulière qui se caractérise par un recul de la laïcité, de la mixité, un affaiblissement des services et de l’école publics. Dans ce contexte, le lien social se fissure, et viennent se loger dans ces trous béants de la République des poches de régression qui échappent totalement à ses lois, à ses valeurs et à ses principes. Il ne fait aucun doute pour moi que la mouvance islamiste, extrêmement bien organisée, s’est greffée à toutes les sphères de la société française y compris la sphère économique et financière. Elle a ses entrées partout, ses représentants sont reconnus et reçus par tous les paliers gouvernementaux du municipal au national en passant par le régional ; ses prédicateurs, à travers le bruyant Tarik Ramadan, reçoivent toute l’attention des médias. La mouvance islamiste n’avance plus sur la pointe des pieds. Elle est dans la démonstration de sa force et de son arrogance. En ce sens, l’occupation des rues le vendredi après-midi lors de la prière en est un bon exemple. La multiplication des voiles, du hidjab à la burqa, en est une autre. Pendant ce temps, ceux qui osent dénoncer ces pratiques se font rabrouer et accuser de racistes et d’islamophobes alors que d’autres sont menacés et agressés. Se peut-il qu’il soit devenu périlleux de défendre les idées de Voltaire dans le pays des Lumières ? J’en ai bien peur. Ce ne sont pas que là des mots que je lance à la légère. C’est le fruit d’un constat auquel je suis arrivée après avoir goutté un peu à la médecine des islamistes, en France, lors du lancement de mon livre Ma vie à contre-Coran à l’automne dernier. Cela ne signifie nullement que l’adversité me fait reculer. Absolument pas. Je dis seulement qu’il est urgent d’unir nos forces pour que la République reprenne ses droits. Dans cette épreuve, j’ai besoin de croire en votre solidarité concrète et de lever toutes les ambigüités qui viendraient la parasiter. Ce n’est que de cette façon que les Rayhana de France et d’ailleurs feront éclater leurs talents sans jamais craindre pour leur vie. Rayhana quant à toi, je souhaite que la France entière, que dis-je ? que le monde entier, se transforme en un gigantesque théâtre pour accueillir ton Hammam.
Djemila Benhabib, auteure de Ma vie à contre Coran
djemilabenhabib(at)yahoo.ca