Egypte: Un massacre aggrave le désarroi de la communauté copte
La mort de six fidèles accroît les inquiétudes d'une minorité: Une fusillade à l'arme automatique visant des coptes devant l'église du village de Nagaa Hammadi, en Haute-Egypte, mercredi 6 janvier, a fait sept morts, dont six parmi les fidèles venus assister à la messe de Noël copte qui suit le rite orthodoxe, et un policier, ainsi qu'une dizaine de blessés. Des affrontements violents, parfois sanglants, opposent de manière récurrente des musulmans à cette minorité chrétienne, en proie à un sentiment croissant d'isolement et de menace.
L'intervention erratique des forces de l'ordre, répondant avec grenades lacrymogènes et lances à incendie aux jets de pierres de la foule venue assister aux funérailles des victimes, jeudi, ne risque guère de contribuer à dissiper le profond malaise de la communauté copte qui dénonce régulièrement le "laisser-faire" des autorités égyptiennes censées la protéger.
L'Eglise copte d'Egypte prétend rassembler 10 millions de fidèles sur une population de 72 millions, soit quasiment deux fois plus que les statistiques officielles (entre 5 et 6 millions). L'extrême sensibilité de la question copte, perçue comme incompatible avec la sacro-sainte "unité nationale" professée par le régime égyptien depuis la révolution, explique l'absence de données fiables.
Un embryon de débat en 2005 autour de la création d'un parti copte a tourné court, une législation interdisant depuis tout parti à référence religieuse. Cette mesure visait surtout à endiguer la montée en puissance des Frères musulmans, principale force d'opposition au pouvoir du président Hosni Moubarak.
Mais ni le frein posé par le régime aux prétentions des Frères, ni les tentatives de l'organisation islamique d'intégrer les chrétiens dans leur projet politique ne sont parvenus à rassurer les coptes, marginalisés sur le plan politique et inquiets de l'islamisation visible de la société égyptienne.
Objets d'une discrimination officieuse, ils sont écartés des postes clés de l'armée, de la police ou des universités, à l'exception des nominations directes, souvent perçues comme une forme de clientélisme ne bénéficiant pas nécessairement à la communauté. En 2006, M. Moubarak a ainsi nommé un copte à la tête d'un gouvernorat (Qena), pour la première fois en trente ans.
PRATIQUE DE LA VENDETTA
Malgré les déclarations présidentielles niant toute discrimination à l'égard de cette minorité, seuls deux coptes figuraient sur la liste des 444 candidats du Parti national démocratique (PND, parti de M. Moubarak) présentée lors des dernières élections législatives en 2005. Malgré le soutien électoral apporté par le pape Chenouda III. Le premier, Youssef Boutros Ghali, était (et est resté) ministre des finances. Le second, Maher Khéla, avait renoncé après les émeutes anticoptes qui avaient fait trois morts, en septembre 2005, à Alexandrie.
Depuis, les incidents – autour de projets de construction d'églises ou de rumeurs de "conversions forcées" à l'islam – se sont multipliés, provoquant un repli de la communauté chrétienne, son émigration ou sa radicalisation.
La Haute-Egypte compte les plus fortes concentrations de coptes, atteignant parfois un tiers de la population, notamment dans le gouvernorat de Qena, où s'est produite la fusillade de mercredi. La région a longtemps abrité les groupes islamistes radicaux qui avaient fait des chrétiens égyptiens leur cible. Ces cellules ont depuis été éradiquées, mais le sud égyptien continue à être endeuillé par la pratique du tha'r, code de l'honneur assimilable à la vendetta, engageant l'ensemble d'un clan. L'implication d'un copte dégénère souvent en affrontement interconfessionnel.
Les témoignages recueillis par la presse autour de l'église de Nagaa Hammadi semblent ainsi indiquer que le viol d'une fillette musulmane par un jeune copte dans un village voisin, en novembre2009, aurait déclenché la vendetta meurtrière de Noël.
8 janvier 2010