Les combats de Mohamed Gharbi
Suite à la condamnation à mort par la cour de Guelma du patriote et ancien moudjahid Mohamed Gharbi, El Watan Vendredi est allé voir ses proches ainsi que ses collègues à travers le pays pour revenir sur la situation de ceux que les autorités présentaient comme les « hommes debout ». Aujourd’hui, les patriotes se sentent abandonnés par ces mêmes autorités. Avant même l’énoncé du verdict qu’il savait déjà en faveur de l’autre partie, l’homme assis au banc des accusés lance avec fierté : « Tahia el-djazayer, yahia echaâb el-djazaïri » (vive l’Algérie, vive le peuple algérien).
Son fils Yazid, un garde communal âgé de 37 ans, nous a parlé pendant plus d’une heure des valeurs intrinsèques de son père, le patriote Mohamed Gharbi, et de ses convictions inébranlables par rapport aux constantes de Novembre. « En 1993, alors que le pays frôlait le chaos, mon père mobilisait moudjahidine, enfants de chouhada et des citoyens acquis à la cause nationale pour défendre la région contre les incursions terroristes en zone rurale », nous a-t-il confié avant de nous exprimer, les larmes aux yeux, son indignation : « Est-il possible de présenter au parloir de la prison de Guelma un septuagénaire, les mains menottées, malade de surcroît, après tant de sacrifices pour la patrie ? » Mourad, l’aîné des sept frères et sœurs, se demande, quant à lui, si la réconciliation peut inclure ceux qui bravèrent le colonialisme et ensuite les forces du mal et si des circonstances atténuantes à l’égard de son père seraient possibles, vu son âge et son état de santé. Il raconte, avec force détails, les péripéties ayant précédé l’acte de son père qui « était réellement menacé », estime-t-il, et cite des noms de témoins à décharge que la cour de Guelma n’a pas jugé utile de convoquer. Il raconte la présence, lors du procès, de dizaines de repentis, venus faire pression sur le juge. « A maintes reprises, mon père a été interrompu et sommé de changer ses propos, de quoi vous donner l’impression que la partie est déjà jouée dans les coulisses. Pis encore, des avocats, tous issus de la nébuleuse intégriste, sont tout de suite passés à l’invective et ont proféré des propos diffamatoires et injurieux à l’encontre de mon père sans que le magistrat responsable daigne les rappeler à l’ordre », a-t-il ajouté, la voix étouffée par l’émotion.
Le plus jeune des enfants de ammi Mohamed bouclera bientôt ses dix-neuf ans. Après une scolarité perturbée par l’incarcération de son père le 11 février 2001 alors qu’il avait à peine onze ans, il sombre dans une déprime totale et n’aspire ni aux études ni au travail. Tout comme sa mère et sa sœur qui vivent depuis huit ans au rythme des procès et de l’arrogance manifeste des partisans du parti dissous. Les membres de la famille regrettent à l’unisson l’absence de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM) et des autres organisations dites « de la famille révolutionnaire » qui, faut-il le rappeler, n’ont manifesté aucun signe de solidarité, même devant le doute semé autour du passé révolutionnaire de Mohamed Gharbi. Ammi Mohamed, moudjahid à l’âge de quatorze ans, ex-officier de l’ANP, sorti avec les honneurs et un dossier étoffé de reconnaissances de la part de ses responsables militaires, reprend en 1994 le chemin du maquis pour défendre les idéaux d’une révolution qu’il a refusé de trahir même pendant les moments les plus difficiles. A qui le tour après Mohamed Gharbi ?
19 juin 2009
Par A. Djafri
Source : El Watan