Mondiale: 2006: "Al-Azhar condamne l'excision des femmes"
Impossible, désormais, de tolérer la pratique de l'ablation du clitoris sous prétexte que la religion musulmane ne la proscrit pas explicitement. Le grand mufti d'Egypte Ali Goma'a et dix autres figures éminentes du monde musulman ont ensemble tranché la question. L'islam, disent-ils, interdit d'infliger des souffrances aux autres. Or, c'est précisément ce que font les parents qui excisent leurs filles, dans l'espoir que cela les empêchera de mener une vie dissolue. En réalité, c'est surtout une opération qui détruit la sensibilité et provoque souvent des douleurs sans fin.
La fatwa doit maintenant être propagée dans le monde musulman, mais en particulier dans l'Afrique noire, au Soudan et surtout en Egypte, où 97% des femmes ont subi l'excision, selon les estimations de l'Unicef. Une plaie qui toucherait encore une adolescente sur deux dans ce pays.
L'effet Al-Jazira
La condamnation d'al-Azhar a-t-elle la moindre chance de porter des fruits? A Genève, Hasni Abidi veut le croire. Le directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam) assure qu'une fatwa de la célèbre université du Caire, «ça donne énormément de poids au travail de ceux qui œuvrent sur le terrain pour en finir avec cette pratique.»
Et puis, relève le chercheur, parmi les dix érudits qui ont prononcé la fatwa figure le nom du cheikh Yusuf Qaradawi. «Cet Egyptien proche des Frères musulmans est sans conteste le prêcheur le plus écouté du monde arabe. Tous les dimanches soir, il anime sur Al-Jazira l'émission «La charia et la vie», au cours de laquelle il répond aux questions des téléspectateurs. Les femmes l'interrogent beaucoup sur l'excision.» A l'envergure médiatique de Qaradawi vient s'ajouter sa stature de président des muftis du monde entier. Chacun de ces muftis dépend dans son pays du ministre des affaires religieuses. Il s'agit donc d'un islam officiel, soutenu par le gouvernement.
Aussi en Suisse
Bref, c'est là un formidable appui offert aux nombreuses musulmanes qui militent très activement pour l'abolition de l'excision. C'est aussi le signe réjouissant que ceux qui font autorité dans l'islam n'ont pas été insensibles aux campagnes internationales menées ces dernières années par l'Organisation mondiale de la santé et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (Unicef).
Cela dit, si la guerre est déclarée, le combat sera long. La tradition est terriblement ancrée dans la population, y compris parmi les Coptes (chrétiens), car elle existait bien avant l'apparition des religions monothéistes. Elle a également été exportée en Occident à travers l'immigration. En Suisse, par exemple, l'Unicef estime qu'il y aurait 7000 femmes excisées. Six gynécologues sur dix en compteraient au moins une parmi leurs patientes. Et des membres du corps médical ont eu vent de cas de mutilations génitales pratiquées dans notre pays par des médecins étrangers. Ou encore, bien sûr, de jeunes filles envoyées à l'étranger pour se faire exciser.
6 decembre 2006
Source: www.lemaroc.org