Maroc: Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes examine le rapport du Maroc
Dans sa présentation du rapport, Mme Nouzha Skalli, Ministre marocaine du développement social, de la famille et de la solidarité, a souligné la méthode participative d'élaboration du rapport et de la large publicité qui en a été faite. Elle a fait valoir un contexte politique favorable à la promotion des droits des femmes au Maroc, la prise en compte de la promotion de l'égalité entre hommes et femmes dans les projets de développement social, économique et culturel. Elle a tenu à souligner que le Maroc a mis en place de nouvelles structures pour la promotion des droits humains lesquelles font une place de choix aux principes d'équité et d'égalité hommes-femmes; c'est le cas en particulier de l'Instance Équité et Réconciliation, du Conseil consultatif des droits de l'homme et de l'Initiative nationale de développement humain. La Ministre a indiqué que les diverses réformes entreprises, notamment le nouveau Code de la famille de 2004, la révision du Code pénal et du Code du travail prennent toute en compte les impératifs de promotion de la femme, que ce soit au niveau de l'accès au marché de l'emploi, de la lutte contre la violence à l'égard des femmes ou de leur représentativité en politique. La Ministre a qualifié ces réformes de «révolution tranquille» et a souhaité que les nouvelles lois contribuent à faire changer les mentalités.
L'importante délégation marocaine était également composée de M. Mohammed Loulichki, Représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies à Genève, de représentants du Ministère du développement social, de la famille et de la solidarité, de représentants de la Primature, du Ministère des affaires étrangères et de la coopération, du Ministère de la justice, du Ministère de l'économie et de finances, du Ministère de la santé, du Ministère de l'éducation nationale, du Ministère des habous et des affaires islamiques, du Ministère de l'intérieur. La délégation a répondu aux questions et observations des membres du Comité concernant les mesures de promotion de l'égalité entre les sexes, la loi sur la nationalité, les questions d'éducation et de santé, les mesures de lutte contre la marginalisation des femmes en zone rurale et leur intégration dans les stratégies nationales de développement; la persistance de dispositions discriminatoires dans la législation; la question de la violence faite aux femmes. À cet égard, la délégation a notamment précisé que le viol dans le couple n'est pas criminalisé dans le Code pénal, compte tenu du fait que l'acte sexuel constitue un devoir conjugal.
La Présidente du Comité a souligné que les progrès réalisés par le Maroc sont remarquables. Le pays connaît en effet une «révolution législative tranquille». Il faut pourtant supprimer certaines lois discriminatoires toujours en vigueur.
Mesures de lutte contre la discrimination et de promotion de l'égalité
En ce qui concerne le Conseil consultatif des droits de l'homme (CCDH) et la «perspective genre», la délégation a expliqué que les programmes de «réparation communautaire», notamment, ont intégré cette perspective afin de permettre aux femmes victimes de violations dans le passé et dans le présent de bénéficier d'une couverture sanitaire efficace.
Quant à la question de la représentation féminine au sein du CCDH et de l'Instance Équité et Réconciliation (IER), la Ministre a indiqué que les femmes y sont représentées à 20%, et que nombre d'entre elles sont connues depuis longtemps pour leur engagement en faveur des droits humains.
Sur la question des moyens humains et financiers à disposition pour la promotion du développement des femmes et de l'égalité de sexes, la Ministre a souligné que 60 provinces et préfectures mènent sur le terrain les actions décidées par son Ministère, lequel donne les orientations et coordonnent l'action avec les autres acteurs du développement. Nous avons donc les moyens d'infléchir notre action en faveur des femmes et de faire appliquer les décisions, a-t-elle ajouté, tout en soulignant le rôle de l'Initiative nationale de développement humain comme complément dans la lutte contre les disparités.
Sur la question des montants du budget consacrés aux questions sexospécifiques la délégation a déclaré que leur part a augmenté de plus de 16 % en passant de 375,97 millions de dirham en 2007 à 460 millions en 2008. Répondant à la question du lien entre stratégies nationales en faveur de l'égalité et des résultats obtenus, la délégation a tenu à préciser qu'il n'y a pas de séparation homme-femme dans la budgétisation «sensible au genre». Il s'agit d'agir selon une nouvelle conception du budget tenant compte des besoins spécifiques aux filles-garçons, en milieu rural et urbain. Elle a précisé que 17 départements se sont joints à l'évaluation de la dépense publique par genre, basée sur les indicateurs de performance. Ces réformes budgétaires ont eu un impact positif sur l'éducation, la réduction du taux d'analphabétisme, par le biais d'un programme d'alphabétisation des adultes, dont deux millions de femmes ont été les bénéficiaires. Elle a en outre ajouté que grâce aux mesures prises, 92% de la population marocaine rurale a accès à l'eau potable de nos jours, que 84% ont accès à l'électricité, ce qui décharge les femmes et fillettes de ces corvées. Quant au taux d'accessibilité à la santé, il a augmenté de 41% en 2003 à environ 60% en 2007.
La délégation a ajouté que la «dimension genre» constitue un critère majeur de sélection des projets de l'Initiative nationale de développement humain. En outre, la «dimension genre» s'est avérée essentielle dans la lutte contre la pauvreté ce que confirme les données sur les microcrédits souvent octroyés aux femmes pour gérer leurs propres activités.
Le Gouvernement a la ferme volonté d'augmenter la représentativité des femmes en politique et ceci aux niveaux régional, local et national, a assuré la délégation.
Violence à l'égard des femmes
Sur la question de l'augmentation de la violence à l'égard des femmes, la Ministre a indiqué que si les statistiques de violence ont augmenté, cela ne veut pas dire que la violence a augmenté mais que des moyens ont été mis en place qui permettent de nos jours de répertorier cette violence de manière plus efficace.
La délégation a ajouté qu'une enquête nationale sur la violence à l'égard des femmes fera partie du plan d'action 2008-2009. Selon les chiffres, 80% des femmes se plaignant de violence sont victimes de violence conjugale, mais des efforts restent à faire pour une connaissance fine de l'ampleur du phénomène. Au niveau législatif, un débat est en cours pour amender le code pénal afin d'y introduire des mesures incriminant les violences faites aux femmes. Les plans d'action du Ministère du développement prévoient l'extension des centres d'écoute, d'orientation et de formation, et des structures d'hébergement, avec la collaboration du Ministère de la santé notamment. Nous planifions un observatoire pour la lutte contre la violence faite aux femmes afin de collecter les données permettant une action ciblée et multidimensionnelle en coopération avec tous les acteurs de la société.
Revenant sur le thème des crimes d'honneur, la délégation a déclaré que les auteurs de ces crimes sont incriminés dans le code pénal. Il est toutefois vrai que le viol dans le couple n'est pas criminalisé dans le code pénal compte tenu du fait que l'acte sexuel constitue un devoir conjugal. Pour lutter contre la violence faite aux femmes, le Ministère de la justice reçoit les plaintes et les victimes bénéficient d'une aide judiciaire si nécessaire. Le Ministère a mis en place un guide englobant tous les textes juridiques pouvant être utiles aux victimes de même qu'aux magistrats et professeurs de droit.
Sur la question de la lutte contre les stéréotypes sur les femmes, la Ministre a tenu à saluer l'accompagnement de l'élément religieux au Maroc dans la coordination et la diffusion des campagnes de sensibilisation en la matière par le biais notamment des prêches du vendredi.
Santé, violence domestique
Des questions ont été posées par des membres du Comité sur l'incidence du VIH/sida, les réponses apportées au problème des grossesses non désirées et au danger des avortements clandestins, les solutions apportées pour faire face à l'augmentation de la mortalité maternelle, l'accès des femmes rurales aux services de santé, le fonctionnement du système d'assurance maladie obligatoire.
Répondant en outre à une question sur la situation des femmes victimes de viols conjugaux, la Ministre marocaine a indiqué que la question est au centre des débats sur la réforme du Code pénal s'agissant de la lutte contre les violences conjugales. Elle a reconnu que la tradition judiciaire au Maroc veut que la violence sexuelle soit traitée au tribunal par des gestes symboliques, afin d'éviter la parole. Ces gestes symboliques sont compris par le juge sans que la victime ait prononcé un mot et il prend des mesures.
La mortalité maternelle est une préoccupation du Ministère de la santé. La délégation a indiqué que le pays a connu 227 décès pour 100 000 naissances pour la période 1993-2003. depuis, des efforts ont été faits, mais la problématique de la mortalité maternelle reste préoccupante. Un plan d'action plus ambitieux est en cours d'élaboration, qu ivise à augmenter l'accessibilité de la femme aux services de santé et améliorer l'accueil. Il est en outre prévu que tout décès maternel fasse l'objet d'un audit. Un observatoire national sur les décès maternels contribue à répertorier et à lutter contre ce fléau. Le pays favorise l'implication du secteur privé et des citoyens dans l'effort de lutte contre la mortalité maternelle.
La délégation a par ailleurs indiqué que le budget pour les médicaments sera doublé pour atteindre 1 milliard de dirhams, afin que tout citoyen puisse bénéficier de soins.
Des moyens seront en outre mis à disposition pour les endroits difficilement accessibles.
La couverture médicale a commencé en mai 2002 dans le but d'améliorer les conditions de santé de la population, elle comporte deux volets, l'assurance maladie obligatoire pour les retraités, les travailleurs du public et du privé, d'une part, et d'autre part le «RAMED», à l'intention de la population démunie qui n'ont pas les ressources nécessaires pour une couverture de santé, soit environ 8,5 millions d'habitants. Ce volet du programme sera introduit dès mars prochain en phase pilote, pour une généralisation dès la fin 2008. Le programme vise à faire passer de 34% à 70% la couverture de santé de la population marocaine. Pour les indépendants, les 30% restant, des mécanismes spécifiques ont été élaborés.
Questions de suivi
Répondant à des questions sur les initiatives en faveur des femmes, la Ministre a indiqué que des projets de loi sont prêts, notamment les lois contre la violence, contre la pédophilie, sur la protection des femmes de ménage, sur la criminalisation des employeurs d'enfants. Sur la question de la représentation des femmes, modifier les mentalités ne se fait pas à court terme. Elle a aussi souligné que dans le contexte des votes tribaux, il y a peu de chance qu'une femme soit élue. Seules des mesures d'action affirmative peuvent permettre de renforcer la représentativité des femmes en politique. C'est un dossier prioritaire pour la Ministre.
Source: http://www.unog.ch.org via Global Rights Morocco
24 janvier 2008