Dossier 11-12-13: Imposition du voile en Iran

Publication Author: 
Connexions
Date: 
juin 1996
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doss11-12-13/f
number of pages: 
262
Les hommes ont de l’autorité sur les femmes parce que Dieu les a créés supérieurs à celles-ci et parce qu’ils dépensent leur fortune pour subvenir à ses besoins. Les femmes de bien sont obéissantes ; elles gardent cachées leurs parties intimes car Dieu les a gardé cachées. Quant à celles qui se révoltent ou qui désobéissent, il faut les réprimander, les renvoyer seules à leur couche, et les BATTRE. Cependant, si elles obéissent, n’entreprenez plus d’action contre elles. Dieu est le chef suprême. - Sureh Nisa - 34

Tels sont les paroles de Dieu telles qu’elles ont été rapportées par son Prophète Mohammed, qui justifient la violence des hommes contre les femmes. Mais non contre toutes les femmes. Seulement contre celles qui se révoltent ou qui désobéissent. Comment ces femmes sont-elles traitées actuellement en Iran? Cette violence a plusieurs dimensions et apparait sous des formes, dans des circonstances et en des lieux différents. Mais regardons la violence telle qu’elle existe dans les endroits publics. Que ce soit sous le régime du Shah ou sous Khomeini, le harcèlement a toujours été présent (mais sous différentes formes). Il n’a jamais été facile pour les femmes de sortir en public sans être agressées, soit verbalement soit physiquement.

Marcher dans la rue et faire ses courses a toujours été un tracas. Chaque fois qu’un homme passait près de nous, s’il pouvait s’approcher, il nous faisait subir une forme ou une autre d’agression physique, s’il n’était pas proche, c’était une agression verbale, ou même les deux. Nous les femmes, avons donc appris à observer et à agir vite. Nous sommes constamment sur le qui-vive et nous zigzagons d’un bout à l’autre de la rue.

Sous le Shah, il n’y avait pas de code vestimentaire officiel pour les femmes. Le comportement des voyous, auteurs des harcèlements, n’était accepté ni moralement ni socialement. Ils pouvaient être inquiétés si un policier était présent. Même si les autorités gouvernementales étaient en mesure d’empêcher le harcèlement dont les femmes étaient victimes, ces autorités ne s’en préoccupaient pas assez pour imposer des lois contre le harcèlement. A un niveau, les actions de ces voyous étaient sanctionnées ; à un autre niveau, elles n’étaient pas prises suffisamment au sérieux pour qu’il y soit mis un terme définitivement. Ces comportements agressifs permettaient aux hommes de se défouler de leurs frustrations.

Après le renversement du Shah, les femmes espérèrent qu’elles jouiraient auprès du gouvernement d’une plus grande protection ou d’un plus grand droit à la parole. Mais tout au contraire, la situation empira. Les harcèlements se poursuivirent, mais dorénavant, avec l’aval du pouvoir. La politique islamique officielle promulgua un code vestimentaire pour les femmes. Celles qui ne se pliaient pas à ce code subissaient des punitions sévères. Le code vestimentaire est appelé “Hijab-islami”, Hijab qualifiant tout ce qui sert de séparation entre deux choses. Dans le Coran, ce mot a le sens de rideau ou de voile. En Iran, il a le sens plus spécifique de “couverture”. La femme est supposée se couvrir de la tête aux pieds. Elle n’est autorisée à montrer que son visage et ses mains. Le vêtement qu’elle porte par dessus ses habits doit être ample afin de ne pas laisser apparaître les formes de son corps. Il doit également être de couleur sombre ou terne. La Musulmane idéale porte un chador noir - un tissu qui drape le corps de la tête aux pieds, de façon ample. Elle porte également des talons plats, les talons hauts étant prohibés car le bruit qu’ils font sont supposés exciter les hommes. Le maquillage est également interdit pour les mêmes raisons. En fait, la femme discrète cache tout sous son chador, excepté ses yeux.

Un religieux a narré à la télévision l’incident suivant :

“Un homme passa près d’une belle femme dans la rue. La femme était entièrement couverte, excepté son visage, qui était trop beau pour passer inaperçu. L’homme, naturellement, ressentit un tel désir pour elle que, frustré, il rentra chez elle et battit sa femme. La morale de l’histoire est que si le beau visage de la femme avait été couvert, il ne serait rien arrivé et tout le monde aurait été heureux.”

Afin d’empêcher les femmes “désobéissantes” d’apparaître en public, quatre gardiens de la révolution ainsi que des femmes (des femmes identifiées à des hommes) arpentent les rues jour et nuit. Ils arrêtent toute femme dont le comportement n’est pas conforme à la loi islamique ou à la loi personnelle des gardes.

Il n’y a pas de sanction prévisible pour les femmes. Une fois arrêtée, la femme peut recevoir 80 coups de fouet, être emprisonnée, être injuriée, ou relâchée, le tout dépendant de son comportement. Si la femme arrêtée garde un profil bas et se fait humble, elle peut être relâchée, mais si elle discute ou même si elle résiste à l’arrestation, cela pourrait lui coûter cher.

Les gardes révolutionnaires ne sont pas les seuls à être habilités à exécuter une punition. Il est du devoir de tout bon Musulman de donner un avertissement ou d’essayer d’arrêter les femmes qui, selon lui, est entrain de mal agir.

Il y a quatre ans, alors que je me trouvais en Iran, je me suis rendue à la mer Caspienne avec deux autres femmes pour m’occuper de quelque affaire de famille. Nous décidâmes, un jour, d’aller nous promener dans un endroit où nous avions l’habitude de faire de beaucoup de marche du temps du Shah. Pendant que nous déambulions, un homme s’approcha de nous et nous demanda ce que nous faisions là et qui nous étions. Comme nous étions vêtues conformément au code officiel, nous lui répondîmes qu’il n’avait aucun droit de nous dérange, d’autant plus qu’il n’était pas un gardien de la Révolution. Il nous rétorqua que, dans la République Islamique, tout homme est un gardien de la Révolution et qu’il était de son devoir de Musulman de nous empêcher de nous promener. Il s’ensuivit une discussion longue et pénible. Pendant ce temps, d’autres hommes arrivèrent pour le soutenir. Finalement, il nous dit qu’il ne se fiait pas à notre intelligence et s’en alla quérir les gardiens. Frustrées et en colère, nous avons rebroussé chemin, craignant d’être arrêtées et emmenées à tout moment.

Au cours des quatre jours que nous passâmes au bord de la mer Caspienne, on nous arrêta et on nous interrogea à trois reprises. La dernière fois, nous étions en route pour Téhéran. Alors que nous prenions de l’essence, quatre gardiens nous arrêtèrent, nous ramenèrent à l’endroit dont nous venions pour nous interroger, ainsi que les gens chez qui nous habitions. Ils nous firent subir un interrogatoire serré, et au bout de deux heures, nous laissèrent repartir, parce que nous gardions un profil vraiment bas.

Chaque fois qu’une crise survient, et afin de détourner l’attention de la population, le gouvernement se focalise sur les femmes et le harcèlement s’intensifie. Les média se mettent à s’en prendre à la façon incorrecte de porter le hijab dans la rue et à l’école. Le lieu de travail devient une geôle. Il y a quelques mois, durant une de ces campagnes contre les femmes, les autorités demandèrent aux écoles de filles de surveiller leurs élèves. Une fille âgée de 16 ans, qui avait reçu plusieurs avertissements en raison de sa “mauvaise” conduite, fut renvoyée de l’école. Selon sa mère, après une grave dépression, elle se suicida.

Mais les femmes résistent à l’oppression et à l’annihilation par l’Etat. Les femmes utilisent tous les canaux possibles pour s’exprimer. Dans leur vie quotidienne, elles résistent à l’imposition du hijab-e-islami. Il y a actuellement plus de femmes écrivains que durant le règne du Shah. L’une d’entre elles a été arrêtée et emprisonnée en raison de son livre intitulé, “The Women Without Men” - Les femmes sans hommes. De plus en plus, les femmes apparaissent dans les lieux publics et critiquent le gouvernement, en dépit de la situation extrêmement dangereuse. Elles ne cèdent pas.

Reproduit de: Connexions, N° 34, 1990, pp. 7

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