Koweït: Extraits d'interview avec l’intellectuel koweïtien Ahmad Al-Baghdadi
Al-Bagdadi regrette que « la démocratie dans les pays arabes n’est pas encore un mode de vie, mais un mode de gouvernance, avec les défauts que cette différence implique. Le Koweït par exemple applique une démocratie erronée et n’est pas encore parvenu à séparer les pouvoirs. L’appartenance tribale et confessionnelle a supplanté l’appartenance nationale. Ce qui nuit aux libertés et favorisent la corruption. Aussi, l’influence de la religion empêche l’émancipation des libertés politiques et individuelles… ».
Al-Baghdadi dénonce la mainmise des courants religieux sur la politique et sur le Conseil de la nation. « La soumission de la politique au religieux réduit considérablement les marges de liberté et certains législateurs exploitent la religion pour réduire la liberté d’expression. L’absence de transparence et de toute forme de lutte contre la corruption favorisent ce fléau. Pour des calculs politiciens liés aux services échangés, certains députés refusent de questionner des ministres sur la corruption, afin que ces ministres facilitent et accélèrent le traitement de dossiers administratifs qui intéressent les élus ». Al-Baghdadi donne l’exemple des ministres de l’Intérieur et de la Défense qui échappent à tout contrôle législatif. « Car les députés ont besoins de leurs services dans les visas, les permis de travail pour les étrangers, et les naturalisations… ».
L’universitaire n’est pas tendre avec les gouvernements arabes, qui « s’allient avec les intégristes car les gouvernements ont besoin du concours des extrémistes dans la stabilisation sociale des pays. Les pouvoirs établis sont conscients du poids social des courants islamistes et exploitent cette situation pour imposer certaines décisions, comme notamment la paix avec Israël. Les gouvernements ont ainsi besoin de l’avis religieux des extrémistes pour justifier la paix. En contrepartie, ils leurs accordent les concessions… ».
Al-Baghdadi regrette que « les extrémistes recourent à la rumeurs pour accuser les intellectuels et les libéraux de collusion avec l’Occident, afin de mettre en échec les tentatives de réformes libérales. Les religieux craignent, à terme, que la société ne finisse par accepter les idées défendues par les libéraux et de tourner le dos aux religieux. Ce qui leur enlève toutes leurs prérogatives. Le libéralisme est le pire ennemi des islamistes... ».
Enfin, Al-Baghdadi constate que « le monde arabe demeure rebelle et impossible à réformer. Et ce, pour plusieurs raisons. L’identité de l’Arabe et son caractère oppressif (au domicile, avec sa famille, ou dans son travail) rendent toute réforme libérale difficile à proposer et à appliquer. Le citoyen Arabe n’a aucune notion de la démocratie et de la liberté, ce qui rend toute démocratisation imposée par l’extérieur impossible. Il sera difficile d’instaurer la démocratie, la liberté, la justice et l’égalité dans les sociétés arabes. Car, outre le rejet individuel de ces valeurs, lié à l’identité propre, il est impossible de trouver un seul gouverneur qui accepte de se soumettre au contrôle du peuple, alors qu’il est par définition supérieur au peuple... Comment imposer l’égalité alors que l’islam différencie l’homme de la femme, et les musulmans par rapport aux non-musulmans ? Comment peut-on adopter la Charte universelle des droits de l’homme alors que l’islam s’y oppose fondamentalement ? »
En conclusion, Al-Baghdadi constate que « le blocage est total, car les dirigeants arabes craignent les réformes préconisées par l’Occident, de peur de perdre le contrôle de la situation. Franchement, les Arabes ne méritent ni la liberté ni la démocratie (...) car ils ne savent pas en apprécier les résultats. D’autant plus que les gens prouvent, par le soutien aux mouvements islamistes radicaux, qu’ils s’opposent à la démocratie. Je pense que la seule solution réside dans le retour du colonialisme occidental pour quelques années, afin d’enseigner les valeurs de la liberté et de la démocratie à ces peuples, et de remettre la religion à sa place, loin de la société civile ».
17 septembre 2007
Traduction de Chawki Freïha