Algérie: Violées et contraintes à l’avortement
Ces dernières formes de violence contre la femme ont fait leur apparition avec l’apparition du groupe terroriste, le GIA, en Algérie.
Le GIA enlevait les femmes, d’une part pour humilier les parents hostiles qui s’opposaient à eux, les utilisaient pour les basses besognes dans les maquis, mais surtout les violaient.
L’objectif immédiat reste de provoquer la terreur et pousser les femmes à obéir à leur injonction qui était de quitter la vie active, la sphère publique. C’était l’époque où le voile (le hidjab) était imposé à une majorité de femmes.
Depuis 1991, début effectif de la violence islamiste armée, il a été recensé au moins 6 000 femmes violées, une partie d’entre elles a été assassinée. D’autres ont pu être sauvées, mais avec le poids de grossesses indésirables. À partir du milieu des années 1990, le phénomène a pris de l’ampleur. Pour le seul mois d’avril 1998, des témoignages recueillis dans la région de Saïda avaient fait état d’un nombre variant entre 1 000 et 3 000 filles violées dans les maquis. Les médias avaient donné l’information; même la télévision algérienne a retransmis l’information. Réaction: le lendemain, une jeune fille de 17 ans a été enlevée et violée dans la même région.
Les terroristes utilisaient la religion pour justifier leurs actes, mais également la honte et le tabou d’origine tribalo-religieuse qui entoure les familles pour les faire abdiquer et rallier leur cause. Il n’est pas rare également de trouver des pères de famille, acquis totalement à la cause intégriste, offrir leurs filles aux “émirs” des groupes terroristes. Toutefois, aucun chiffre officiel sur ces situations n’est disponible pour l’instant. Encore moins sur les enfants nés dans les maquis dont le nombre demeure inconnu ou gardé secret.
Il aura fallu le courage d’un ministre de la Santé pour voir le drame des filles violées dans les maquis et tomber enceintes quelque peu atténué lorsqu’il autorisa leur avortement et, bien entendu, celui du ministre des Affaires religieuses qui donna le quitus religieux, en émettant une fetwa, pour légitimer l’avortement de ces filles. Cela ne concerna que les filles retrouvées ou qui se sont sauvées et ont pris contact avec les services de sécurité. Cela d’autant qu’une bonne partie des filles ayant subi cette douloureuse épreuve s’emmure dans un infranchissable silence. Surtout que la famille et les proches ne sont pas en mesure, honneur et tabou conjugués, de les prendre en charge.
C’est alors le mutisme qui entretient et prolonge la douleur et le traumatisme. Ce qui donne un caractère approximatif aux chiffres actuellement disponibles. Si au plan santé et religieux, ces filles sont considérées comme étant des victimes, les autres autorités continuent à ne pas jouer leur rôle. Cela d’autant que les filles violées n’ont pas eu droit aux indemnités accordées aux autres victimes du terrorisme. Cas qui n’ont pas été pris en considération, alors que certaines voix justifient cette omission par le fait que le versement d’une “pension” ou indemnité pour ces filles porte le risque de faire ressurgir dans leur mémoire les actes qu’elles ont subis.
Paradoxalement, cette catégorie de victimes auxquelles les pires sévices ont été infligés est cataloguée dans la rubrique générique pudiquement désignée: “atteinte à la pudeur”. Ce qui au plan juridique induit une confusion.
Ainsi, ces victimes endurent une double injustice. D’une part, elles sont déshumanisées, blessées, humiliées, de l’autre, elles ne sont pas prises en charge et ne bénéficient d’aucun statut si ce n’est celui qui les pousse à la solitude par la faute des autorités, de la famille et du conservatisme qui empêche toute velléité de voir “le problème” objectivement.
Par: Djilali Benyoub
25 juillet 2007