Suisse: L'usage d'Internet par l'islamisme radical en procès devant le Tribunal pénal fédéral
Cet homme, âgé de 39 ans, est principalement poursuivi pour avoir, entre juin 2004 et mai 2005 alors qu'il était domicilié à Guin, dans le canton de Fribourg, créé successivement quatre sites et forums de discussions destinés à la propagande extrémiste et à l'échange d'informations par des groupes terroristes.
La femme, 48 ans, de nationalité belge, est accusée d'avoir conseillé, encouragé et inspiré le premier dans ses activités sur la Toile. Elle se voit également reprocher d'avoir administré son propre site qui servait à la diffusion de son livre Les soldats de lumière, écrit en sa qualité de veuve d'Abdessater Dahmane, l'un des deux protagonistes ayant participé à l'opération-suicide contre le commandant afghan le 9 septembre 2001.
Soutien au crime organisé
Le procureur général suppléant Claude Nicati estime que la mise à disposition de ces forums ? où plusieurs personnes se réclamant de groupes terroristes connus (Armée islamique d'Irak et autres nébuleuses liées à Al-Qaida) ont échangé des messages conspiratifs, prôné la cause djihadiste et revendiqué des attentats? relève du soutien à une organisation criminelle. «L'accusé principal a ainsi fourni un outil de communication rapide, discret et efficace à des individus et organisations dont il connaissait les visées, même s'il ne pouvait être au courant des actions spécifiques de chaque groupe», précise l'acte d'accusation.
Le couple, leur mariage religieux n'est pas reconnu en Suisse, est aussi poursuivi pour provocation au crime ou à la violence. Le Tunisien aurait ainsi proposé par le biais de ces forums que les deux journalistes français détenus en otage, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, soient échangés contre une rançon, exécutés ou graciés. Elle, intervenant sous le pseudonyme d'Oum Obeyda, aurait conseillé à un autre d'aller «guerroyer en Irak».
Exécutions et mutilations
De nombreuses images et séquences ont été conservées sur l'ordinateur et les supports informatiques appartenant à l'accusé. Celles-ci? le procureur Nicati en a dénombré 52? montrent l'exécution d'un chauffeur égyptien, le massacre d'occupants civils d'un bus en Irak, des personnes défigurées «pour qu'on ne voie pas leur sourire lorsqu'elles arriveront au paradis», la décapitation d'un otage coréen, l'égorgement d'un agent américain, la profanation de cadavres et autres mises à mort. Cette macabre collection devrait leur valoir une condamnation pour représentation de la violence, retient Claude Nicati.
Le Ministère public de la Confédération a demandé la présentation d'extraits choisis des vidéos lors du procès tout en précisant que ces images pourraient heurter la sensibilité des personnes présentes dans la salle d'audience. Ce sera au président de la Cour, le juge genevois Bernard Bertossa, de décider si ce visionnement est vraiment nécessaire à la compréhension de cette affaire.
Les deux accusés ont retrouvé leur liberté après avoir passé 23 jours, pour lui, et dix jours, pour elle, en détention préventive. C'était à la fin février 2005. La femme, interdite de séjour en Suisse, est depuis lors retournée en Belgique. Un sauf-conduit lui a été octroyé afin qu'elle puisse assister à son procès. Son avocate, Me Anne Girardet, se refuse encore à préciser si celle-ci, alias Oum Obeyda, compte faire le déplacement.
Intention contestée
Lors de l'enquête, les deux prévenus ont contesté avoir su ou voulu tout ce qui se montrait et se disait sur ces sites. Islamistes convaincus, ils se prétendent favorables à la résistance aux oppresseurs mais opposés aux massacres d'innocents. Oum Obeyda, qui affirme ne pas parler un traître mot d'arabe, continue d'exprimer ses convictions via un nouveau site inauguré en 2006 et de dire tout le mal quelle pense du Ministère public de la Confédération et des manières de la police judiciaire fédérale.
Second dossier sensible
Il s'agit du second dossier lié au terrorisme qui est porté devant le Tribunal pénal fédéral. La première affaire, plus connue sous le nom de «Saoud», s'était achevée le 28 février dernier par un acquittement général sur tout ce qui touchait à l'organisation criminelle. C'est dire l'enjeu de ce nouveau procès pour le procureur Nicati. Peut-être que l'accusation aura cette fois plus d'éléments pour espérer convaincre.
Par: Fati Mansour
18 juin 2007