Mondiale: "Comment mettre fin à l’islamophobie" - Par Tawfik Hamid

Source: 
Wall Street Journal
Le Dr Hamid, a été membre de la Jemaah Islamiya, un groupe terroriste islamiste. Il est aujourd’hui médecin et musulman réformiste libéral. Il vit en Occident.
Les organisations islamistes accusent régulièrement les non-musulmans d’islamophobie, définie comme la crainte et le dédain envers tout ce qui est musulman. Le 17 mai dernier, cette accusation a de nouveau été brandie par les ministres des affaires étrangères de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) qui assimilèrent l’islamophobie à «la pire forme de terrorisme».
Ces ministres affirmèrent aussi que, d’après les informations du monde arabe, cette forme de discrimination induirait des millions de musulmans des pays occidentaux, déjà défavorisés, à se sentir encore plus exclus. Aux U.S.A, l’association la plus en vue qui accuse systématiquement ses adversaires d’islamophobie est le Conseil des relations américano islamiques (CAIR). Le CAIR a pris en main la défense des «Imam volants», six individus qui ont été expulsés d’un avion de la U.S Airways à Minnéapolis, en novembre 2006, après avoir manifesté une attitude suspecte avant le décollage. Il n’y a pas longtemps, le CAIR a engagé des poursuites (de type John Doe) contre les passagers de cet avion pour plaintes malveillantes envers les passagers musulmans suspects.

A l’époque, lors d’une interview, Nihad Awad, le porte-parole du CAIR, a accusé le représentant républicain Peter King (New York), d’être un «extrémiste» encourageant l’islamophobie et cela, pour avoir mis l’accent sur un point qui semble évident pour la plupart, à savoir que ce genre de poursuites pourrait avoir un effet glaçant sur des passagers qui seraient témoins de conduites inquiétantes et souhaiteraient le signaler. Nous pouvons supposer que Mr. Awad considère que les passagers devraient rester passivement dans un état de peur pendant le trajet et risquer leur vie docilement. Si tel est le cas, le Congrès agit de manière appropriée en faisant voter une loi proposée par Mr King afin de garantir l’immunité des passagers qui se trouveraient en une telle situation.

Cela peut paraître bizarre mais les musulmans libéraux ne sont pas non plus à l’abri de l’accusation d’islamophobie. Depuis vingt ans, je prône une interprétation réformiste de l’islam qui promeut la paix et le respect des droits de l’homme. J’ai toujours critiqué -tout comme des dizaines d’autres réformateurs arabes ou musulmans- les mauvais traitements à l’encontre des femmes, des gays, des minorités religieuses qui prévalent dans le monde islamique. Nous avons dénoncé les enseignements violents du salafisme et défendu la nécessité pour l’Occident de s’en prémunir. D’après Zeinab Chami, la porte-parole du CAIR pour le Michigan, je suis l’arme dernier cri dans l’ «arsenal islamophobe». Si le fait de s’opposer à la violence de la Charia revient à être islamophobe, alors je considérerai son accusation comme une distinction honorifique.

Les musulmans doivent d’abord se demander ce que cette «phobie» sous-entend. Quand en Occident, nous considérons les atrocités qui sont perpétrées, chaque jour dans le monde au nom de l’islam, il est vital de nous demander, si nous, musulmans, devons blâmer les autres pour l’islamophobie ou si nous devons d’abord porter le regard sur nous-mêmes.

D’après une étude récente réalisée par le Pew Global Attitudes, les jeunes musulmans américains sont plus susceptibles que leurs aînés de défendre l’idée que les attentats-suicides pour la défense de l’islam peuvent, au moins dans certains cas, être justifiés. Environ un musulman américain sur quatre de moins de trente ans considère que l’attentat –suicide pour la défense de l’islam est justifié en certaines circonstances. Vingt-huit pour cents d’entre eux pensent que ce ne sont pas des musulmans qui ont perpétré les attentats du 11 septembre et trente-deux pour cents refusent de répondre à cette question.

Alors que cette étude a été publiée dans les media comme preuve de ce que les musulmans américains sont modérés, les résultats devraient en réalité conduire à la conclusion opposée. Si, ainsi que l’estime l’étude Pew, il y a 2.35 millions de musulmans aux Etats-Unis, cela signifie qu’il y a un nombre substantiel de personnes aux U.S.A qui considèrent que les attentats-suicides sont justifiés. De la même façon, si 5% de musulmans américains soutiennent al Qaida, cela représente plus de 100.000 personnes.

Pour mettre fin à l’islamophobie, il faut utiliser une méthode holistique qui s’attaque au cœur du problème. Il ne suffit pas de simplement supprimer les symptômes.

*il est impératif d’adopter un nouvel enseignement de l’islam qui n’autorise pas le meurtre des apostats (loi de redda).

*les autorités islamiques doivent fournir des manuels de base sur l’islam qui interdisent la polygamie et les actes de violence contre les femmes.

*la doctrine islamique traditionnelle devrait s’élever avec force contre l’esclavage et le viol des femmes prisonnières de guerre comme c’est le cas au Darfour suivant les prescriptions explicites de la Charia. (‘ma malakat aimanikum’).

*Les musulmans devraient enseigner partout et universellement que le témoignage d’une femme devant un tribunal vaut celui d’un homme, qu’une femme ne devrait pas être punie pour avoir épousé l’homme de son choix ou pour s’habiller comme elle en a envie.

Nous, musulmans, devrions publiquement témoigner de notre désapprobation vis-à-vis des attaques de plus en plus nombreuses perpétrées contre les autres religions et contre d’autres musulmans. Ne nous étendons pas sur Nine eleven, ni sur Madrid, Londres, Bali et les innombrables autres scènes de carnage. On estime que sur les deux millions de réfugiés qui ont fui la terreur islamiste en Irak, 40% sont chrétiens et cherchent un abri au Liban où la population chrétienne a elle-même décliné de 60%. Même en Turquie, des islamistes ont jugé nécessaire de trancher la gorge à trois chrétiens coupables d’avoir édité une bible.

Bien sûr, les attaques islamistes ne sont pas dirigées uniquement contre les chrétiens et les juifs.

-pourquoi n’entendons-nous aucune voix musulmane condamner les atrocités commises contre les bouddhistes en Thailande par des groupes islamistes?

-Pourquoi ce silence assourdissant à propos du train explosé à Bombay faisant 200 morts hindouistes en 2006?

Nous ne pouvons oublier que des musulmans innocents souffrent également. De fait, la plupart des meurtriers de musulmans sont et ont toujours été d’autres musulmans. Où sont les protestations musulmanes contre les violences entre sunnites et chiites en Irak?

L’islamophobie se terminera quand des masses de musulmans défileront dans les rues pour dénoncer les vidéos montrant des décapitations d’innocentes victimes avec la même vigueur que pour dénoncer les compagnies d’aviation, Israël ou les caricatures de Mahomet. Elle cessera quand les musulmans, sans ambiguïté et publiquement affirmeront que la charia ne doit avoir aucun statut légal dans nos sociétés libres et démocratiques.

Il est grand temps que les musulmans cessent d’utiliser l’accusation d’islamophobie comme un outil d’intimidation et de chantage à l’encontre de ceux qui dénoncent des passagers suspects dans un avion ou de ceux qui critiquent à juste titre des pratiques courantes et des discours de prédication. Au contraire, les musulmans doivent se livrer à une introspection humble et honnête, les musulmans doivent développer des stratégies pour sauver notre religion en combattant la tyrannie de l’islam salafiste et ses épouvantables conséquences. Et, un résultat parmi d’autres plus importants de ces combats sera qu’il sera mis fin à cette soi-disant islamophobie.

25 mai 2007