France: Ni putes ni soumises sans frontières

Source: 
Libération
Le mouvement tient ses rencontres-débats à Dourdan avec des intervenantes internationales.
«Le combat féministe aujourd'hui est international.» D'un léger coup de menton, Fadela Amara renvoie au «Ni putes ni soumises» de son tee-shirt, décliné en plusieurs langues et plusieurs alphabets : «Ni putas, ni sumisas» ; «Neither bitch nor submissive» ; «Varken hora eller kuvad»...
La présidente du mouvement né il y a trois ans de la colère des filles des cités admet ne pas toujours savoir à quelles femmes s'adressent ces slogans. A vue de nez, tout le pourtour méditerranéen s'y retrouve, Arabes comprises. Elle concède : «Dans certaines langues, on modifie notre nom, histoire de ne pas choquer, d'être audible.» Refusant de s'appesantir sur ces adaptations lexicales, Fadala Amara enchaîne : « Si on ne lutte pas contre l'intégrisme religieux, quel qu'il soit, on restera impuissantes face à la recrudescence de pratiques archaïques comme les mariages forcés, le retour en force du symbole de la virginité ou les mutilations sexuelles.» De cette profession de foi, les Ni putes ni soumises font le fil conducteur des débats-rencontres qu'elles organisent à compter d'aujourd'hui et jusqu'à dimanche à Dourdan (Essonne). L'occasion de réunir des intervenantes étrangères de premier plan. A l'instar de Rania El Baz, journaliste vedette de la télé saoudienne, sauvagement battue et laissée pour morte par un époux jaloux de sa réussite, de Nawal Saadaoui, figure historique du mouvement féministe égyptien, mais aussi de Talisma Nasreen, écrivain bengalie en exil depuis 1994, auteure de Lajja (la Honte). De quoi asseoir un peu plus l'image d'une association qui polarise depuis trois ans l'attention politique et médiatique.

Mais Fadela Amara voit au-delà de l'affiche. La présidente des NPNS veut désormais essaimer : «La constitution d'un réseau à l'étranger est pour nous un objectif politique.» L'idée a pris corps cet hiver, avec la traduction en plusieurs langues, dont le suédois, du livre Ni putes ni soumises. «L'ouvrage a fait débat à l'étranger et j'ai été invitée un peu partout pour parler du relativisme culturel, raconte-t-elle; par la suite des femmes nous ont recontactées pour nous proposer de créer des antennes de NPNS chez elles. Ce fut notamment le cas pour la Suède, paralysée face à la question des crimes d'honneur. De fait, les pays européens ne savent pas toujours réagir face aux pratiques de communautés immigrées d'implantation récentes. Or, pour nous, c'est clair : on ne peut admettre que le droit à la différence aille jusqu'à tolérer n'importe quoi, y compris qu'on porte atteinte à l'intégrité physique et moral des femmes.»

A en croire Fadela Amara, l'internationalisation du mouvement va bon train. «Nous n'avons pas de place dans des pays comme l'Allemagne, où les associations féministes sont fortes même si elles sont désarmées devant l'oppression de certaines femmes issues de l'immigration turque», précise la responsable du mouvement. «Les militantes qui nous ont proposé de créer des comités NPNS dans leur pays l'ont fait parce que la France reste une référence en matière de laïcité.» Les Ni putes ni soumises auraient ainsi «spontanément» essaimé à Stockholm, Barcelone, Amsterdam, Genève, Bruxelles et New York. La réalité est moins épique. C'est par exemple à l'initiative de la vice-présidente des NPNS, Sihem Habchi, qu'a été créé le comité de Barcelone, un des rares en activité (lire ci-dessous) à ce jour. La plupart des antennes dont se prévaut le mouvement n'existent encore que sur le papier ou au travers d'une adresse e-mail, faute de militants disponibles. Péché de jeunesse ou question de temps

Par Nathalie RAULIN
vendredi 30 septembre 2005