« La lutte pour les droits des femmes n’est pas une ligne droite » dit Mariam Diallo-Dramé, présidente fondatrice de l’AFLED
Mariam Diallo-Dramé, présidente fondatrice de "l'Association Femmes Leadership et Développement Durable" (AFLED) du Mali, et WLUML networker, a reçu la Médaille du Mérite, décernée par le gouvernement du Mali en janvier. Ici, elle parle à WLUML au sujet de sa vie et sa travail.
Quel est votre rôle avec l’Association Femmes Leadership et Développement Durable (AFLED)?
Je suis la Présidente fondatrice d’AFLED.
Pouvez-vous nous décrire le travail d’AFLED au Mali?
AFLED a été crée pour favoriser l’émergence d’une nouvelle génération de leaders. Les femmes qui animent la société civile ont beaucoup d’années d’expérience, nous leur offrons la possibilité de partager cela avec nous pour garantir la survie de la lutte pour les droits des femmes. AFLED travaille sur 5 axes : le leadership, la santé, l’éducation, l’entreprenariat, et le développement durable. Depuis la crise en 2012 nous travaillons beaucoup dans «l’urgence» (assistance aux déplacées…). Actuellement nous sommes plus tournées vers la paix et redonner du travail aux femmes et aux jeunes.
Quelle est la situation des femmes et des filles dans Mali maintenant?
Les femmes font plus de la moitié de la population. Elles sont pour la plupart analphabètes mais travaillent beaucoup dans le secteur informel. Le taux de natalité est très élevé ainsi que la mortalité maternelle et néonatale. Les femmes ont très peu accès à la terre et ont un pouvoir d’achat très faible. La majeure partie de cette population féminine est jeune et victime de mariage précoce, de décrochage scolaire. C’est cette tranche que nous ciblons dans nos activités. Les femmes sont très faiblement représentées dans la vie politique (10% au parlement) et nous n’arrivons pas à obtenir le vote de la loi sur le Quota. Par ailleurs, le Code de la Famille adopté en 2009 a fait perdre beaucoup de droit aux femmes.
Qu'aimez-vous le plus dans votre travail?
Chaque jour je réalise le changement positif chez les jeunes filles de l’association elles progressent. Nous avons réussi à nous imposer dans la société civile comme une association crédible qui a toute sa raison d’être. J’aime impulser le changement, j’aime servir. Quand je vois la joie sur le visage des filles déplacées qui reçoivent des matériels pour travailler c’est réconfortant.
Quelles sont les difficultés dans votre travail?
Au plan interne nous passons beaucoup de temps à former les membres pour être à même de rédiger des projets ou de représenter l’association. Sinon les reste des défis nous nous efforçons de les transformer en opportunité. Ce qui est difficile pour nous aujourd’hui c’est l’islamisation du pays qui perd de sa laïcité et veut empêcher les femmes de s’émanciper.
Est-ce que votre école a encouragé les ambitions des filles?
J’ai grandi dans une famille où ma mère s’est donné comme priorité notre éducation. Mon père est issu d’une famille conservatrice, mais il a refusé de nous balafrer et de nous marier de manière précoce. Il s’est investi dans l’avènement de la démocratie en 1991 sans rien demandé à personne en retour. J’ai très tôt était interpellé par les enfants de la rue, j’ai donc intégré à 13 ans une association qui luttait pour les droits des enfants. Ensuite, j’ai fais mes premiers pas au Parlement des Enfants et après mes études de retour au pays j’ai vu l’état dans lequel se trouve la jeunesse et particulièrement les jeunes femmes. J’ai considéré que je ne pouvais continuer à m’occuper de ma petite vie et qu’il fallait que je m’engage.
Que pensent votre famille et vos amis de votre choix de carrière?
Mes parents ont toujours été un peu perplexes face à la précocité de mon engagement mais ils m’ont toujours dit de faire ce que je trouvais juste. Je suis mariée et mère de trois enfants ce n’est pas toujours facile pour eux parce que ca demande beaucoup de temps et je fais de gros efforts pour concilier les deux vies.
Comment avez-vous réussi à étudier en France et au Canada et ensuite avoir rendez-vous avec Président Obama?
J’ai commencé à étudier le droit en France mais cela ne m’intéressais plus je voulais approfondir mes connaissances en science politique. J’ai eu une bourse pour aller au Canada et je faisais des jobs d’étudiants pour arrondir les fins de mois. C’est après la création d’AFLED qu’un appel à été lancée par le département d’état en 2010, il recherchait des jeunes africains leaders dans la société civile, il est évident qu’au regard de ma petite expérience quand ils ont étudié mon dossier, ma candidature à été retenue pour aller à la Maison Blanche et échanger avec le Président Obama de notre vision des 50 années à venir de l’Afrique. Ce fut une expérience unique que je n’oublierai jamais.
Intervention a Washington lors du forum Young African Leaders Initiative. Photo : Mariam Diallo-Dramé.
Qui est la personne vivante que vous admirez le plus, et pourquoi?
Ma mère. Elle a toujours de l’énergie pour servir les autres. C’est elle qui suivait nos devoirs et nous exigeait d’être les meilleures dans nos classes. Elle a travaillé toute sa vie comme fonctionnaire avec un salaire faible mais elle voulait travailler. Aujourd’hui à la retraite elle est toujours présente auprès de ses amis et de sa famille pour partager avec eux leurs joies et leurs peines. Elle m’a appris l’humilité et le bonheur qu’on peut avoir avec peu de choses matérielles. Je lui dis merci !
Quelle est votre plus grande réussite?
Mon mariage et mes enfants j’en suis fière, je suis une épouse et une mère comblée.
Comment aimez-vous vous détendre?
Je fais du sport ca fait beaucoup de bien c’est un bon investissement pour la santé!
Racontez-nous une blague?
J’arrive dans une formation avec des femmes politiques à Jobourg j’étais alors coordinatrice régionale d’iKNOW Politics, je rentre dans la salle je prends place et une femme s’exclame mais où est la fameuse madame Dramé je dis c’est moi elle dis ce n’est pas possible vous être trop jeune !!!!
Quelles sont les qualités dont, a votre avis, un leader femme a besoin?
L’humilité, la générosité et le courage.
Comment voyez-vous l'avenir pour les droits des femmes au Mali?
En toute honnêteté nous vivons des moments très difficile. Mais nous pouvons espérer que l’économie va redémarrer que la scolarisation des filles va se poursuivre et que les femmes continueront leurs émancipations et participerons au développement du Mali.
Quelles sont vos priorités pour 2015?
Continuer le développement et le renforcement d’AFLED. Contribuer à la recherche et la consolidation de la paix au Mali.
Quel rôle peuvent les réseaux internationaux (comme WLUML) jouer dans les travaux futurs de femmes activistes au Mali?
Je dis un grand merci à WLUML à Fatou Sow, à Codou Bop et à Doaa Abdelaal qui m’a permis de connaître ce réseau de femmes formidables. WLUML nous soutien déjà beaucoup en nous recommandant en nous formant. Que WLUML continue dans ce sens.
Formation des femmes politiques en République démocratique du Congo. Photo : Mariam Diallo-Dramé.
Avez-vous des conseils à partager avec nos militants dans d'autres pays?
Je leur dirais de s’accrocher, la lutte pour les droits des femmes n’est pas une ligne droite nous pouvons vivre des moments douloureux mais nous restons debout et fortes parce que nous sommes des femmes, nous sommes la vie.