Benin: Les ONG de femmes pressent le parlement de voter le nouveau Code de la Famille

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Inter Press Service
Les ONG de femmes du Bénin attendent du président de l'Assemblée nationale, Adrien Houngbédji, qu'il honore sa promesse de faire voter le projet de ''Code des personnes et de la famille'' bloqué au parlement depuis sept ans.
Le president de l'Assemblee nationale a indique que le projet de loi portant Code des personnes et de la famille ''pourrait etre vote'' au cours de cette session parlementaire ouverte le 12 avril a Porto-Novo, capitale du Benin, situee a 30 kilometres de Cotonou, la capitale economique.
''Certains articles de ce texte ne refletent pas nos traditions'', avaient declare certains deputes pour justifier le blocage du projet, accusant certaines associations de femmes de vouloir ''transposer au Benin un code s'inspirant des normes occidentales''.

Une critique refutee par plusieurs ONG de femmes qui ont manifeste devant l'Assemblee nationale, le jour de l'ouverture de la session parlementaire, demandant aux deputes ''d'examiner serieusement le contenu du code''.

''Nous croyons en la parole du president de l'Assemblee nationale, nous mettons toute notre bonne foi en ce qu'il a promis et nous attendons'', declare a IPS Catherine Adonon de l'Association des femmes juristes du Benin (AFJB).

Parallelement a cette manifestation, le Reseau pour l'integration des femmes des organisations non gouvernementales et des associations africaines (RIFONGA) a organise une serie de rencontres avec les differents groupes parlementaires pour mieux sensibiliser les deputes sur le contenu et la portee du code.

''Les deputes ne sont pas opposes a l'adoption du code'', estime le depute Djibril Debourou, affirmant que c'est le volume du document - au moins 1.400 articles - qui serait a l'origine du retard de son examen au parlement. Les deputes ont finalement utilise la methode d'ateliers partiels pour l'etudier, il explique-t-il.

Les ONG declarent reconnaitre le caractere volumineux du code, ''mais il faut le toiletter pour en retenir l'essentiel parce que c'est un document tres important pour l'avenir de la societe beninoise'', souligne une representante du RIFONGA.

''Malgre les conventions internationales contre les discriminations a l'egard des femmes, signees par le Benin, malgre sa constitution qui interdit aussi ces discriminations, les femmes sont toujours ecrasees par le poids des traditions coutumieres'', souligne Pascaline Ahouilihoua Anani, presidente du RIFONGA a l'issue de la concertation de vendredi.

Interrogee par IPS, la presidente du RIFONGA a deplore que ''les tribunaux beninois continuent d'appliquer un code coutumier depasse de 1931, qui est en contradiction avec tous les instruments juridiques modernes garantissant les droits de la femme''.

Au Benin et dans d'autres pays de l'Afrique de l'ouest, les traditions coutumieres et ancestrales imposent aux femmes beaucoup de pratiques degradantes et anachroniques comme l'excision, le levirat, un veuvage long, humiliant et retrograde - allant de trois a six mois, parfois jusqu'a trois ans, selon les regions et les groupes ethniques.

A cote de ce code coutumier de 1931, il existe un autre code civil de 1958. Mais, selon Cesaire Kpenonhoun, professeur de droit a l'Ecole nationale d'administration, ''il s'agit-la d'un dualisme juridique devenu caduc''.

En 1996, la Cour constitutionnelle a regrette que le code coutumier de 1931 ''soit dote de force executoire''. Or il est ''toujours applique a ceux qui continuent de se reclamer de la tradition et le code civil (de 1958) regit ceux qui, pour les besoins de la cause (notamment les fonctionnaires), revendiquent la modernite'', selon Kpenonhoun.

Pour lui, une partie des Beninois ne sent concernee par aucun de ces deux codes tandis que l'autre partie subit des textes qui datent d'avant l'independance du pays en 1960.

Le projet de code veut donc mettre fin a ce dualisme de deux textes archaiques en ''rompant avec la tradition pour s'en tenir a la modernite qui y tient une tres bonne place'', affirme Noël Gbaguidi, professeur a l'universite d'Abomey-Calavi.

Selon Kpenonhoun, le code apporte des innovations relatives au statut de la femme, avec une ''amelioration tres appreciable au regime juridique de celle-ci dans les domaines de la vie conjugale...''.

Par exemple, l'article 127 du code impose a l'homme de faire ''l'option de la polygamie avant le premier mariage s'il a l'intention de prendre plusieurs femmes''. S'il ne dit rien, explique Kpenonhoun, son silence ''equivaut a l'option de la monogamie. En d'autres termes, la monogamie est le principe et la polygamie, l'exception''.

La principale consequence de l'option de la polygamie est soulignee dans l'article 185 : ''A defaut de contrat de mariage, les epoux sont soumis au regime de la communaute reduite aux acquets''. En somme, seuls les biens acquis par chacun des epoux pendant leur union sont leur propriete commune alors que leur patrimoine respectif acquis avant le mariage sera gere separement.

Ces dispositions, si elles sont adoptees par le parlement, permettront de regler certains conflits qui naissent dans des foyers polygames notamment en cas de succession - ou l'homme entretient plusieurs femmes, parfois sans contrat de mariage.

Le code prevoit egalement que seul le mariage celebre devant un officier de l'etat civil (un maire) peut avoir des effets legaux. ''Les ministres du culte ne peuvent proceder aux ceremonies religieuses d'un mariage sans qu'il ne leur ait ete presente un certificat de mariage...''

L'age du mariage est de 18 ans pour l'homme et 16 ans pour la femme. Les futurs epoux doivent fournir, avant le mariage, leur acte de naissance et un certificat medical. Ces dispositions, qui seront difficiles a respecter en milieu rural, visent a lutter contre les mariages precoces et les maladies sexuellement transmissibles.

Le code accorde l'exercice commun de l'autorite parentale au pere et a la mere durant le mariage, de meme que le choix de la residence du menage incombe aux deux epoux, ''sauf decision judiciaire contraire''. Donc l'autorite parentale et le pouvoir de choisir la residence echappent a la seule puissance de l'homme consacree par le code de 1958.

En outre, le nouveau code supprime la prerogative - reconnue au mari par l'ancien code civil - d'interdire a son epouse d'exercer une activite professionnelle qui ne lui convient pas. Maintenant, la femme doit etre libre de choisir son metier. De meme, le nouveau code ''autorise les epoux a avoir chacun, sans le consentement de l'autre, tout compte de depot ou de titres...''.

En consequence, estime Kpenonhoun, ''la femme perd la securite materielle parce qu'elle est appelee a participer, a egalite, aux charges de la famille avec son epoux''. Selon lui, ce partage des charges familiales apparait comme la ''seule innovation'' du code pour l'homme.

Le debat sera houleux au parlement qui compte a peine six femmes sur 83 deputes. Le juriste Kpenonhoun, qui a commente les innovations du code dans la presse, souhaite qu'il ''soit adopte dans les meilleurs delais, mais il faudrait un code adapte au rythme d'evolution des mentalites'' des Beninois, ajoute-t-il.

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