Soudan: Les défis qui attendent le Sud-Soudan après la partition

Source: 
IRIN

Les résultats du référendum sur l'indépendance historique du Sud-Soudan montrent que 98,83 pour cent des habitants sont en faveur de la sécession. Si la région accédera officiellement à la souveraineté le 9 juillet 2011, il reste malgré tout de nombreux défis à relever. 
Les observateurs estiment que ces questions doivent être abordées dès maintenant par les deux partis au pouvoir : le Parti national du Congrès (PNC), au Nord, et le Mouvement de libération du peuple soudanais (MLPS), au Sud. 

Le secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-Moon, a demandé à la communauté internationale « d’aider tous les Soudanais à établir une plus grande stabilité et à renforcer le développement ». Le président américain Barack Obama a quant à lui félicité la population pour « un référendum réussi et inspirant » tout en appelant les parties à régler rapidement les arrangements post-référendaires. 

Les relations souvent difficiles entre les parties ont été facilitées par l’acceptation rapide de l’issue du vote par le président Omar Al-Bachir. Les observateurs ont toutefois remarqué que les négociations progressaient lentement jusqu’à présent et que le Sud accusait le Nord de traîner les pieds. Certains craignent que le Nord tente de soutirer le maximum de concessions au Sud. 

Voici quelques questions importantes qui doivent être réglées d’ici juillet : 

Abyei – La région frontalière contestée d’Abyei devait tenir un référendum séparé en même temps que celui du Sud-Soudan pour déterminer si ses habitants souhaitaient être rattachés au Nord ou au Sud. Mais les négociations sur la question sont dans l’impasse, car la communauté Misseriya, une tribu qui traverse la région tous les ans avec ses troupeaux et qui est largement soutenue par le Nord, réclame le droit de voter. Cette demande est rejetée par la tribu Dinka Ngok, largement soutenue par le Sud, et la population du Sud, pour qui seuls les résidents permanents devraient avoir le droit de vote. Les longues négociations à venir porteront notamment sur l’avenir de la région. Les Sud-Soudanais demandent son rattachement au nouvel État. 

Pétrole et eau – Les deux États devront parvenir à un nouvel accord concernant le pétrole exploité dans le Sud et actuellement partagé également. Les deux économies dépendent largement des revenus du pétrole : ils contribuent en effet à hauteur de 98 pour cent du budget du gouvernement sud-soudanais. Si les réserves de pétrole se trouvent principalement dans le Sud, tous les oléoducs prennent la route du Nord. Les observateurs espèrent que le pétrole servira pour une fois de facteur de paix. Les deux États seraient en effet contraints de coopérer après la sécession si l’exploitation pétrolière leur bénéficiait à tous les deux. 

L’éventuel partage des eaux du Nil devrait également faire l’objet de négociations. L’Égypte, qui craint qu’on ne cherche à réduire son quota, suivra de près les débats sur la question. 

Dette – La dette du Soudan, estimée à près de 38 milliards de dollars, reste une source de préoccupation majeure. Le sujet soulève les passions. En effet, d’après les Sud-Soudanais, Khartoum a utilisé cet argent pour acheter des armes pendant la guerre civile de 1983-2005. Le Nord souhaite que la communauté internationale efface sa dette pour pouvoir faire de nouveaux emprunts, mais cela risque de prendre encore plusieurs années. Il ne sera pas facile de persuader le Sud d’en assumer une partie, mais le Nord espère que le Sud pourrait alors s’attendre à obtenir plus facilement une annulation de cette dette. 

Citoyenneté – Des préoccupations subsistent en ce qui concerne les nombreux Soudanais qui vivent dans les zones frontalières, ainsi que les Sud-Soudanais et les Nord-Soudanais qui habitent de l’« autre » côté. Même si des centaines de milliers de Sud-Soudanais sont toujours à Khartoum, le Nord semble jusqu’à présent réticent à autoriser la double nationalité. D’après certaines rumeurs, les autorités du Sud-Soudan souhaiteraient que les habitants aient la possibilité de choisir. 

Frontières – La frontière entre le Nord et le Sud n’a pas encore été délimitée, et les débats sur la question progressent lentement. Les négociations s’appuient sur des cartes de l’époque coloniale et sur la frontière telle qu’elle était au moment de l’indépendance du Soudan, en 1956, mais la question demeure litigieuse vu les régions riches en pétrole et en minerai qu’elle traverse. 

Problèmes communs : 

Rapatriés – Au cours des trois derniers mois, plus de 180 000 Sud-Soudanais ont quitté le Nord pour retourner dans le Sud, ajoutant ainsi aux pressions auxquelles sont déjà soumises les communautés locales. Des problèmes majeurs subsistent tant au niveau humanitaire qu’au point de vue du développement. D’après Refugees International, 22 000 Sud-Soudanais sont bloqués à Khartoum ou dans les environs et attendent de trouver un moyen de transport pour se rendre dans le Sud. 

Conflit –Le Sud a prouvé que ceux qui annonçaient le début d’une nouvelle guerre avaient tort : le vote s’est déroulé dans le calme. Si l’acceptation des résultats par le PNC a dissipé les craintes d’un conflit Nord-Sud, des tensions subsistent malgré tout dans le Sud, où règne l’instabilité. Début février, des affrontements entre des factions armées dans l’État du Nil supérieur, un territoire riche en pétrole situé dans le sud du pays, ont fait plus de 50 morts et démontré le potentiel de violence de la région. Le Sud a été accusé d’abriter des chefs rebelles du Darfour qui luttent contre le pouvoir de Khartoum, tandis que le Nord a été dénoncé pour le soutien qu’il accorderait aux milices qui combattent l’armée du Sud. Des deux côtés, on nie les accusations. 

Économie – L’économie soudanaise connaît de graves difficultés en raison notamment de la forte demande de devises étrangères, d’une inflation galopante et d’une baisse récente de la valeur de la livre soudanaise. La hausse des prix des produits de base affecte plus durement les plus pauvres, et Khartoum s’inquiète de l’émergence de troubles politiques à la suite des soulèvements populaires qui se sont produits en Égypte et en Tunisie. Les deux nouveaux États devront également stabiliser leur monnaie et décider s’ils veulent ou non remplacer la livre soudanaise par une autre devise. Début février, des rumeurs selon lesquelles le Nord prévoyait se débarrasser de la livre soudanaise ont fait chuter sa valeur. 

Construire une identité sud-soudanaise – Sans un ennemi commun contre lequel se mobiliser, plusieurs craignent que le Sud ne se déchire. Les dirigeants doivent s’efforcer de rapprocher des groupes souvent disparates, et notamment les forces d’opposition et ceux qui se situent en marge du MLPS, le parti majoritaire. 

S’attaquer à la corruption – Le Sud-Soudan dépend des bailleurs de fonds internationaux pour reconstruire un territoire ruiné par des années de guerre. Il devra cependant s’assurer de ne ménager aucun effort pour enrayer la corruption afin d’éviter de perdre le soutien dont il bénéficie. 

Darfour – Cette région de l’ouest du pays déchirée par la guerre continue de préoccuper la communauté internationale. Khartoum s’est en effet retiré des pourparlers de paix et a repris les combats contre les seuls rebelles avec qui il avait conclu un accord : la faction de l’Armée de libération du Soudan (ALS) de Minni Minnawi. Certains craignent que les préparatifs pour la partition n’encouragent les rebelles à augmenter leurs exigences envers Khartoum. 

Sud-Kordofan et Nil Bleu – Ces deux zones de transition situées dans le nord du pays ont été d’importants champs de bataille pendant la guerre civile. La population locale apporte son soutien au MLPS, le parti au pouvoir au Sud-Soudan. Les « consultations populaires » prévues par l’Accord de paix global de 2005 avaient pour objectif de permettre au peuple de façonner son avenir. Contrairement au Sud-Soudan et à la région d’Abyei, les États contestés du Sud-Kordofan et du Nil Bleu ne peuvent malheureusement pas compter sur un référendum qui leur permettrait de rejoindre un Sud indépendant. Ceux qui se sont battus avec le Sud pendant la guerre civile pourraient être amèrement déçus s’ils se sentent mis abandonnés au Nord.

9 février 2011