Algérie: Les victimes du terrorisme empêchées de s’exprimer

Source: 
Liberté

L’hôtel El-Aurassi a abrité, hier, un colloque international sur les victimes du terrorisme et la réconciliation nationale. C’est la seconde rencontre du genre, initiée par l’Organisation nationale des victimes du terrorisme (ONVT), après celle de mars 2008.

Présentes aux côtés notamment des fillettes et des garçons de l’Organisation nationale du scoutisme (SMA), des représentants du Rassemblement national démocratique (RND) et du Parti des travailleurs (PT), les victimes du terrorisme, qui ont participé ce mardi au colloque, ont eu droit à un groupe zorna et à des communications, pour la plupart académiques. Alors que la conférence était censée ouvrir des passerelles entre les concepteurs/exécutants de la réconciliation nationale, d’une part, et les victimes du terrorisme, de l’autre, le témoignage de ces dernières a été occulté finalement lors de cette première journée. À l’exception du discours d’ouverture prononcé par la secrétaire générale de l’ONVT, Fatma-Zohra Flici.

Dans sa déclaration, la responsable de l’Organisation des victimes du terrorisme a rappelé que sa structure a toujours soutenu la réconciliation nationale “par conviction” et a même mené campagne pour ce projet. “La réconciliation est venue pour éteindre le feu de la fitna (conflit interne), mais l’ONVT restera fidèle à la mémoire des victimes, car tourner la page ne veut pas dire la déchirer”, a déclaré Mme Flici, avant d’inviter les spécialistes et les experts à “étudier la problématique du terrorisme”. En marge de la rencontre, la SG de l’ONVT a confié à Liberté que la réconciliation nationale “n’est pas terminée”, en notant que la pension d’indemnisation (16 000 DA/mois) est encore “insuffisante”, de l’avis de bon nombre d’adhérents de l’Organisation, et en plaidant pour une réelle “prise en charge psychologique” des victimes du terrorisme. De son côté, le ministre de la Solidarité nationale, Djamel Ould-Abbès, a lu un message du président de la République, dans lequel il est fait part du combat solitaire et des souffrances des Algériens face à la sauvagerie de l’hydre intégriste et face au silence de la communauté internationale. Le ministre a également révélé que “le terrorisme en Algérie a été soutenu par des moukimine (personnes installées) en Europe”. Il a, en outre, affirmé que son département a consacré 19 milliards de dinars à l’indemnisation des victimes du terrorisme.

Enfin, il a annoncé qu’une opération de régularisation de l’état civil des enfants nés dans les maquis est en cours d’exécution, afin de leur permettre une intégration dans le système éducatif.

M. Ould-Abbès s’est aussi exprimé sur le cas des femmes travailleuses à Hassi-Messaoud, qui ont été agressées dernièrement, informant avoir contacté les autorités de la région. Alors que l’on s’attendait à la prise de sanctions à l’égard des assaillants ou des mesures durables en matière de protection des citoyennes travaillant à Hassi-Messaoud, le ministre a surtout tenu à démentir l’existence de plusieurs plaintes, insistant ainsi sur l’enregistrement de “deux plaintes seulement” auprès des autorités concernées. Soulignons que l’intervention de Kacem Bensalah, ex-directeur de l’Unesco, sur le “conflit, paix et développement durable” a retenu l’attention de l’assistance. Ce dernier a observé que la carte des conflits recoupe souvent “celle des difficultés politiques, économiques et sociales, dont les facteurs interactifs déclenchants s’appellent : analphabétisme, pauvreté, corruption, injustice, instabilité, mal-gouvernance, extrémisme, intolérance, occupation…” Par ailleurs, il a insisté sur la mise en place de mécanismes durables de prévention des conflits et de l’usage de la violence, ainsi que sur le développement durable, la démocratie et la vision à long terme. “Des échecs peuvent arriver si l’un des éléments du triangle – paix, développement et démocratie – vient à manquer”, a-t-il précisé. Des perspectives dont a besoin la réconciliation nationale en Algérie.

Hafida Ameyar

28 avril 2010