Dossier 27: Le traitement réservé au droit musulman de la famille dans les États libéraux occidentaux

Publication Author: 
Pascale Fournier [1]
Date: 
juin 2006
doss27/f
number of pages: 
92
ISBN/ISSN: 
1018-1342

Dans le cadre de cet article, Pascale Fournier analyserai tout d’abord jusqu’à quel point, en France et en Allemagne, la justice et les politiques publiques ont reconnu ou non le droit musulman de la famille en ce qui concerne le statut personnel.

Bien que ces deux États se conforment à des modèles de politique d’assimilation et d’homogénéisation (« anti-diversité »), sur le plan juridique et judiciaire, les tribunaux ont fait preuve d’une relative ouverture pour prendre en considération certains aspects des traditions musulmanes, tout en rejetant les institutions religieuses réputées contraires à l’« ordre public » français ou allemand. J’examinerai par ailleurs la demande officielle de reconnaissance du droit musulman de la famille dont ont été saisies les autorités gouvernementales britanniques, qui n’y ont pas fait droit au nom de l’égalité des sexes. Je tirerai également des conclusions quant à l’impact de ces prescriptions juridiques islamiques « transplantées » sur la condition des femmes musulmanes, eu égard notamment à leurs droits égaux en tant que citoyennes et résidentes d’un État occidental.

1) L’exemple de la France

Le multiculturalisme et le modèle « assimilationniste »


La politique actuelle de la France se caractérise principalement par son discours néo-républicain sur l’identité française, [5] selon lequel l’appartenance à la communauté nationale implique un attachement inconditionnel à la République et à ses valeurs fondamentales d’égalité et de laïcité (séparation de l’État et de la religion). Conçu dans le contexte de la Révolution française de 1789, ce modèle républicain est le fruit de la lutte historique menée par les Français contre leur propre monarchie, la classe aristocratique dirigeante et les élites religieuses.

En France, deux instruments juridiques consacrent ce modèle traditionnel d’assimilation des individus. [6] Il s’agit, d’une part, de la Constitution du 4 octobre 1958 qui proclame, en son article 1er, que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances », [7] et d’autre part, de la Loi du 9 décembre 1905 [8] concernant la séparation des Églises et de l’État, aux termes de laquelle la France ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, l’État ne peut officiellement financer quelque exemption ou représentation spéciale à l’intention des minorités nationales ou immigrantes. [9] Alors que sont mises en œvre des stratégies visant à favoriser l’intégration des individus dans la société française, la formation de « communautés » d’immigrés se trouve fortement dissuadée. [10]

Malgré la séparation officielle entre l’État et la religion, la définition de la société française en termes d’homogénéité culturelle se révèle de moins en moins probante. A travers toute la France, un nombre croissant de musulmans [11] revendiquent la reconnaissance de leur spécificité religieuse. Danièle Hervieu-Léger souligne fort justement l’originalité et l’urgence du problème posé par la « question de l’Islam » :

« …l’un des changements majeurs intervenus depuis le début des années 1980 est la transformation d’une société dans laquelle l’homogénéité culturelle semblait garantie dans le cadre de l’espace normatif défini par les grands référents républicains, en une société multiculturelle… La question de l’Islam, qui est devenu la deuxième religion de France après le Catholicisme, et devant le Protestantisme et le Judaïsme, constitue le point de cristallisation intense d’une problématique beaucoup plus large : celle du rapport entre le particulier et l’universel dans la définition même de l’identité française. » [12]

C’est dans ces conditions que la communauté musulmane de France s’emploie à obtenir de l’État une politique de reconnaissance de la diversité culturelle. Elle a ainsi entrepris de s’organiser en associations : on en recense aujourd’hui quelque 1 560, parmi lesquelles les trois principales sont la Mosquée de Paris, [13] L’Union des Organisations islamiques de France [14] et la Fédération nationale des Musulmans de France. [15] Après plusieurs tentatives pour essayer de régler la « question de l’Islam » en France, le ministre de l’Intérieur a lancé en 1999, une vaste consultation au sein des grandes instances musulmanes nationales, ainsi que de diverses mosquées, qui aboutissait, en décembre, à la ratification par la communauté musulmane d’une déclaration solennelle intitulée Principes et fondements juridiques régissant les rapports entre le culte musulman et les pouvoirs publics. On doit à Brigitte Basdevant-Gaudemet, spécialiste des relations entre l’Islam et l’État français et Directrice du Centre Droit et Sociétés religieuses (DSR) de la Faculté Jean Monnet (Sceaux), une analyse des aspects majeurs de cette déclaration :

  1. Associations cultuelles ; les musulmans sont invités à «constituer un organe unique de représentation du culte musulman, à l’instar d’autres cultes présents en France.»
  2. Mosquées; les maires sont invités à chercher des solutions, comparables par exemple à celles utilisées pour les Chantiers du cardinal, ou à mettre à la disposition des associations musulmanes des locaux communaux, comme ceux affectés aux partis politiques, aux syndicats ou aux associations.
  3. En ce qui concerne les ministres du culte, il est dit qu’il s’agit là d’une question d’organisation interne de la religion sur laquelle l’État ne peut pas intervenir ; le texte précise cependant : «Sauf exception dûment motivée, ils devront à l’avenir être recrutés et rémunérés par les associations qui les emploient. Il serait souhaitable qu’ils soient majoritairement de nationalité française et disposent d’un niveau culturel et religieux approprié à leurs functions.»
  4. Les aumôniers doivent être désignés par «l’Union des associations culturelles musulmanes.»
  5. Les établissements d’enseignement privé musulmans sont soumis au même régime que les autres établissements d’enseignement privé.
  6. À propos des prescriptions vestimentaires, le texte rappelle que l’on «doit s’abstenir d’arborer des signes d’appartenance religieuse, dans les conditions rappelées par la jurisprudence du CE.» Pour les prescriptions alimentaires, les administrations peuvent offrir des repas spéciaux (le texte ne parle que d’une possibilité; peut-être reviendra-t-il un jour au juge de se prononcer sur ce caractère, facultatif ou obligatoire). L’abattage rituel doit, quant à lui, respecter «les conditions fixées par la loi, la protection de l’animal, l’hygiène publique et la sauvegarde de l’environnement.» Là encore, le texte sous-entend le désir de respecter les prescriptions alimentaires des musulmans.
  7. S’agissant des lieux de sépulture, il est dit que les carrés musulmans «ont été admis», ce qui laisse penser que leur légalité est peut-être contestable. Il peut y avoir aussi discussion sur le point de savoir si le défunt était «musulman». Dans une telle hypothèse, il appartient à l’autorité religieuse, mais non au maire, de se prononcer.
  8. Lors des fêtes religieuses, «les agents publics peuvent bénéficier d’autorisation d’absence, sous réserve des nécessités de service, pour participer aux cérémonies célébrées à l’occasion des principales fêtes propres à leur confession.» Satisfaction est ici donnée à une ancienne revendication de la communauté musulmane.»
  9. [16]

En mai 2003, le Conseil français du culte musulman, qui comprend au niveau de chacune des 25 régions un Conseil régional, a été créé en France en tant qu’instance représentative officielle de l’Islam dans le pays. [17] Les pouvoirs publics français sont partis du postulat fondamental que les Musulmans doivent admettre les règles qui régissent les cultes dans le cadre de la tradition laïque nationale. L’adhésion à la laïcité est si essentielle que la France a formulé, en accord avec le Secrétaire général des Nations-Unies, une réserve quant à l’article 27 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques (PIDCP), qui est libellé comme suit :

« Dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent êtres privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue. » [18]

En application de cette réserve, la France n’est pas tenue de promouvoir des droits culturels particuliers.

Par ailleurs, en raison des dispositions du droit international privé [19] et d’accords bilatéraux, [20] la France applique les lois du pays d’origine du résident étranger dans les matières relevant du droit de la famille, et plus particulièrement s’agissant des litiges portant sur le « statut et la capacité des personnes », [21] à la condition que cela ne contrevienne pas à l’ordre public français [22] ni aux conventions internationales dont la France est signataire. [23] Ces règles du droit international privé qui intègrent le droit musulman de la famille, et s’appliquent à l’intérieur du territoire français aux résidents non-ressortissants sont d’une importance capitale, dans la mesure où, sur les quatre millions de Musulmans vivant en France, seulement un million ont acquis la nationalité française. [24] Ainsi, face à des questions de droit privé impliquant des Musulmans qui habitent en France sous la nationalité d’un État musulman, les juges français ont dû statuer sur la légalité d’institutions telles que le mariage islamique et la polygamie, la dot (mahr) et le divorce (talâq), dont je vais traiter tour à tour.

La position française en matière de mariage islamique et de polygamie

En France, un mariage polygamique religieux n’est pas valable en droit s’il a été contracté sur le territoire national. Non seulement la polygamie constitue un obstacle à l’obtention de la nationalité française, [25] mais le Code Civil stipule expressément en son article 147 que « l’on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. » [26] Par conséquent, une union polygamique ne saurait être reconnue légalement en France, même lorsque les pays d’origine des époux autorisent la polygamie, [27] de sorte que le second mariage sera déclaré nul, [28] C’est à ce titre que, dans certains cas, les tribunaux ont privé d’avantages sociaux des femmes musulmanes vivant en France en union polygamique. Ainsi, dans une décision rendue en 1992, la Cour d’Appel de Versailles refusait les prestations sociales à la seconde épouse d’un homme de confession musulmane [29] et, dans un jugement de 1988, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence n’accordait pas de pension alimentaire à une femme musulmane au motif qu’elle était la seconde épouse et que la polygamie contrevenait à l’ordre public français. [30]

Cependant, si un mariage islamique est conclu dans le pays de la nationalité des conjoints, le droit français reconnaît sa validité, pourvu qu’il n’enfreigne pas l’ordre public français. [31] Dans plusieurs arrêts, la Cour de Cassation [32] a jugé que la polygamie ne constituait pas une violation prima facie de l’ordre public, [33] bien que, contractée en France, la même union eût été frappée de nullité. Aussi, une épouse déclarée par son conjoint comme personne à charge peut-elle bénéficier des prestations d’assurance maladie, indépendamment de la légitimité de son mariage sur le plan juridique, [34] Si la première épouse perçoit déjà des prestations sociales, la seconde épouse ne peut prétendre à la qualité d’ayant droit, [35] à moins que la première n’ait quitté la France. [36] Ainsi, des époux musulmans ont été contraints de payer des pensions alimentaires pour des enfants nés d’un mariage religieux et non pas civil. [37]

La France a interdit le regroupement des familles polygames jusqu’en 1980 : l’administration refusait d’accorder des titres de séjour permanent aux co-épouses et enfants de résidents musulmans installés en France avec leur première épouse et leurs enfants communs. Toutefois, dans le fameux « arrêt Montchou » rendu en juillet 1980, [38] le Conseil d’État accordait pour la première fois le statut de résidente permanente à la seconde épouse d’un ressortissant algérien, donnant ainsi toute son importance au droit au regroupement familial. La Cour a argumenté qu’aux fins bien précises des prestations de sécurité sociale, la polygamie était une forme de mariage certes différente, mais néanmoins légitime. Cependant, force est de constater que les pouvoirs publics français ont récemment réagi face au développement de la polygamie sur le sol national. En vertu de la nouvelle législation adoptée en août 1993, un mariage polygamique ne donne plus le droit au mari de faire venir en France sa seconde épouse et leurs enfants. Les enfants issus d’un mariage polygamique qui résident à l’étranger sans leur père ne peuvent le rejoindre en France qu’en cas de décès de leur mère dans leur pays natal. La Loi du 24 août 1993 prévoit en son article 30 ce qui suit :

« Lorsqu’un étranger polygame réside sur le territoire français avec un premier conjoint, le bénéfice du regroupement familial ne peut être accordé à un autre conjoint. Sauf si cet autre conjoint est décédé ou déchu de ses droits parentaux, ses enfants ne bénéficient pas non plus du regroupement familial. » [39]

De nombreuses associations d’immigrés ont contesté cette loi en raison du traitement injuste qu’elle réserve aux femmes musulmanes. En effet, devant l’impossibilité de co-habiter légalement avec leur conjoint, celles-ci entrent généralement de manière clandestine dans le pays, se retrouvant ainsi en situation de grande vulnérabilité. [40]

La position française en matière de Mahr (dot)

Le terme mahr, qui signifie « récompense » (ajr) ou « présent nuptial » (sadaqa ou faridah), désigne dans le droit musulman de la famille le « paiement que l’épouse est en droit de recevoir de son conjoint au titre du mariage. » [41] L’Encyclopaedia of Islam insiste sur le fait que c’est à l’épouse en personne et non à son tuteur que revient le mahr : « Le mahr est le présent que le fiancé offre à sa promise au moment du mariage et qui devient, dès lors, la propriété de l’épouse. » [42] Aux fins de la conclusion du mariage musulman, l’époux a obligation, en application du contrat, de payer le mahr à son épouse au moment même de la cérémonie, à moins que celle-ci n’accepte de différer tout ou partie du versement. [43] Bien exclusif de l’épouse, le mahr a été institutionnalisé dans la Charia afin de garantir son indépendance financière en cas de divorce ou au décès de son conjoint. [44]

En vertu des dispositions du droit international privé, le juge français a eu tendance à donner effet à l’institution islamique du mahr, le nombre de cas dont les tribunaux ont été saisis restant toutefois limité. [45] Jean Déprez note ainsi :

« La dot demeure néanmoins une pratique relativement répandue dans les familles immigrées, quel qu’ait été le mode de mariage conclu, mais elle n’intéresse l’ordre juridique français qu’occasionnellement, en cas de litige porté devant le juge relativement à son paiement ou éventuellement sa restitution. La jurisprudence est rare. » [46]

La position française en matière de Talâq (divorce)

Selon le droit de la famille musulman traditionnel, le talâq (répudiation) [47] constitue un acte unilatéral par lequel le contrat de mariage est dissout sur déclaration de l’époux. Le mari a en effet le droit de divorcer de son épouse en prononçant à trois reprises le terme « talâq », sans avoir besoin de la sanction de la justice. [48] Dans une série de pas moins de cinq décisions rendues début 2004, [49] la première chambre civile de la Cour suprême (Cour de Cassation) refusait de reconnaître le talâq comme forme légitime de divorce, [50] car jugé contraire à l’ordre public français en général et au principe de l’égalité des sexes en particulier. [51] Toutefois, en raison des accords bilatéraux signés avec le Maroc et l’Algérie, dans les années 1980 et 1990, les juges ont conféré des effets juridiques au talâq, pour autant qu’il ait été prononcé à l’étranger et que les deux conjoints en aient témoigné devant les tribunaux français. [52]

2) L’exemple de l’Allemagne

Le multiculturalisme et le modèle « d’auto-définition différentialiste et ethoculturelle »


L’Allemagne se définit historiquement en tant que nation fondée sur une généalogie sanguine commune, d’où ses réticences à assimiler socialement des individus et des groupes culturellement différents. [53] Il convient de noter que l’idée de nation allemande est née notamment par réaction à la menace extérieure que représentait Napoléon, alors que le concept de nation française résulte de l’opposition du peuple à la monarchie et au clergé. Ces différences expliquent peut-être pourquoi les Allemands acceptent mal qu’un étranger (ausländer) puisse devenir citoyen allemand. Fondée sur l’État, la nation française voit dans la citoyenneté un moyen d’intégrer les immigrants dans la société. De manière diamétralement opposée, l’idée de nation allemande centrée sur le Peuple [54] s’appuie sur le principe du jus sanguinis en matière de citoyenneté, qui met l’accent sur l’unité de la nation et l’importance de l’ascendance. De fait, jusqu’en 1999, tout candidat à la naturalisation devait apporter la preuve qu’il possédait au moins un ancêtre d’origine allemande pour obtenir la citoyenneté allemande - exigence qui revenait en pratique à exclure les immigrants de toute intégration collective. [55] Mais les législations restrictives sur la citoyenneté et la naturalisation ont connu une évolution ces dernières années. Depuis l’introduction en 1999 de la nouvelle loi relative à la citoyenneté, [56] l’origine ancestrale ayant progressivement perdu de son importance, le processus de naturalisation des migrants a commencé. En vertu de ce texte législatif, les enfants d’étrangers nés en Allemagne après 2000 peuvent bénéficier de la double citoyenneté - citoyenneté allemande et citoyenneté du pays d’origine de leurs parents -, mais ils doivent néanmoins, entre l’âge de 18 et 23 ans, renoncer à celle de leurs parents s’ils souhaitent conserver la citoyenneté allemande. [57]

Sur une population totale de 82 millions d’habitants, l’Allemagne compte plus de 3 millions de musulmans, pour la plupart d’origine turque (89%). [58] Depuis le début des années 1970, les minorités islamiques s’efforcent d’obtenir un statut légal pour leurs communautés religieuses, mais leurs requêtes ont été systématiquement déboutées par les tribunaux. En vertu de la Constitution de 1949, les cultes peuvent acquérir le statut de collectivité de droit public sous réserve que leur pérennité soit garantie par des statuts et par le nombre de leurs membres. [59] A défaut de satisfaire à ces conditions, ils doivent se constituer en simple association de droit privé. En 1977, la communauté musulmane d’Allemagne a demandé le statut de collectivité de droit public, [60] de sorte que l’Islam soit officiellement reconnu comme une religion égale devant la loi. [61] Le Tribunal régional de Bade-Wurtemberg a rejeté cette demande. [62] Deux ans plus tard, une tentative du même ordre, initiée à Cologne, devait rester lettre morte, malgré la référence explicite à l’article 4 de la Constitution allemande, qui garantit la liberté de croyance et de culte. [63] Selon Mathias Rohe, spécialiste du traitement légal réservé en Allemagne aux minorités islamiques, les demandes formulées par les diverses communautés musulmanes en vue de bénéficier de ce statut ont été repoussées faute de garanties suffisantes quant à leur durée et leur stabilité :

« Conformément à la décision de 1954 de la conférence des ministres de l’Intérieur, la nécessaire stabilité de la communauté doit se vérifier sur plus de 30 ans. A ce jour, la communauté juive a obtenu ce statut, alors qu’aucune communauté musulmane n’y est parvenue. Cela s’explique indubitablement par le fait que les groupes musulmans importants n’envisageaient pas, jusqu’à une époque récente, de s’installer durablement. » [64]

Gerdien Jonker, chercheuse réputée pour ses travaux empiriques sur les minorités religieuses en Allemagne, défend, pour sa part, un tout autre point de vue sur la question. Selon elle, la sentence rendue repose non seulement sur la conviction des juges que les requérants se livraient à des activités de droite, mais également sur le sentiment que « ‘l’Islam’ déterminait la vie quotidienne de ses fidèles d’une manière inacceptable et inadéquate à la conception allemande de la religion. » [65] En outre, Gerdien Jonker avance que ces décisions de justice ont constitué :

« les prémisses de la ségrégation et ont eu des incidences tangibles sur la vie religieuse de la communauté musulmane d’aujourd’hui. Pour les Musulmans pratiquants, le conflit entre concepts juridiques islamiques et normes juridiques allemandes a conduit à l’isolement social. » [66]

A l’heure actuelle, aucune communauté musulmane ne possède le statut de collectivité de droit public, à la différence des églises chrétiennes et de la communauté juive. Les organisations islamiques sont assimilées à des associations de droit privé sans statut légal.

Comme en France, en vertu des dispositions du droit international privé allemand [67] et des accords bilatéraux conclus entre l’Allemagne et d’autres pays, [68] la loi applicable en matière de droit de la famille n’est pas celle du domicile, mais celle de la nationalité des parties. Il va de soi que ce principe général est subordonné à l’ordre public allemand, [69] ainsi qu’à toutes les conventions internationales dont l’Allemagne est signataire. [70] Ces règles revêtent une importance considérable eu égard au fait qu’il y a en Allemagne 8,9% d’étrangers, parmi lesquels environ 2 millions sont originaires de pays musulmans. L’existence de ces dispositions de droit international privé qui intègrent le droit musulman de la famille et s’appliquent, dans le pays, aux résidents étrangers sont souvent ignorées de la communauté musulmane. C’est ce qu’indique Christina Jones-Pauly :

« La méconnaissance par la plupart des étrangers résidant en Allemagne - voire des citoyens allemands eux-mêmes - des règles qui prévoient l’application aux étrangers de la législation de leur pays d’origine peut entraîner pour certains un choc brutal à l’occasion d’un différend matrimonial. Ainsi, beaucoup d’Iraniens qui avaient fui en Allemagne pour échapper au régime du Shah, puis à celui de Khomeni, et y résidaient en toute légalité depuis fort longtemps - jusqu’à 30 années - se trouvent au moment de leur divorce tout à coup confrontés devant la justice allemande à l’application des lois islamiques auxquelles ils ont voulu se soustraire. Ayant conservé la nationalité iranienne - jusqu’à récemment, il n’était guère aisé d’obtenir la citoyenneté allemande -, ils sont considérés comme des ‘hôtes’ sur le territoire, qui ont droit à ce que soit mise en oeuvre la législation de leur pays d’origine en matière de conflits matrimoniaux. » [71]

En pareils cas, il appartient aux tribunaux allemands de préciser les limites de « l’ordre public allemand » - notion susceptible d’empêcher l’application des règles étrangères dans l’éventualité où celle-ci conduirait à un résultat manifestement en désaccord avec les grands principes du droit allemand, notamment les droits civils constitutionnels. [72] Il a donc fallu que les juges se prononcent sur la légalité d’institutions telles que le mariage islamique et la polygamie, la dot (mahr) et le divorce (talâq), [73] autant de questions auxquelles je vais me consacrer respectivement.

La position allemande en matière de mariage islamique et de polygamie

En matière de droit de la famille et de droit des successions, [74] l’application des normes juridiques en Allemagne est fonction du droit de la nationalité et non du droit du domicile. A titre d’exemple, la législation applicable lors du divorce de conjoints d’origine syrienne mariés en Syrie est le droit musulman de la famille en vigueur dans ce pays, qui prévoit le droit à des pensions alimentaires après divorce. [75] Le droit du domicile ne s’applique que dans les cas de demande d’aliments pour l’entretien des enfants [76] ou de nationalité plurielle des parties. [77]

La monogamie est l’un des principes constitutionnels allemands majeurs, ainsi que l’énonce le paragraphe 1306 du BGB (Code civil). [78] Contracter une union polygamique en Allemagne est par conséquent impossible au regard de la loi. [79] A l’image de ce qui se passe en France, un mariage polygamique n’a d’effet en droit allemand qu’à condition d’avoir été conclu dans un pays qui autorise la polygamie. [80] Cette reconnaissance signifie concrètement qu’une femme musulmane peut obtenir des droits sociaux, notamment en matière de succession, de garde des enfants et de pensions alimentaires pour leur entretien. [81]

S’agissant du droit au regroupement familial, l’OVG Nordrhein-Westfalen (Tribunal administratif suprême de Rhénanie-du-Nord-Westphalie) [82] a statué, dans un arrêt de 1985, qu’une femme musulmane d’origine jordanienne n’avait pas le droit de venir vivre avec son mari et la première épouse de celui-ci en Allemagne. Dans des cas similaires, les tribunaux ont jugé que les co-épouses ne pouvaient rejoindre leur mari en Allemagne, mais que, dès l’instant où elles habitaient déjà avec lui, elles ne feraient l’objet d’aucune poursuite judiciaire, la polygamie n’étant pas réputée contraire à l’ordre public allemand. [83]

En ce qui concerne l’âge minimum du mariage, l’âge légal en Allemagne est de 18 ans, [84] avec des exceptions possibles à partir de 16 ans. [85] Un âge minimum inférieur constituerait une contravention à l’ordre public allemand. [86]

La position allemande en matière de Mahr (dot)

Les tribunaux allemands ont été saisis de plusieurs cas dans lesquels ils ont dû trancher sur la force exécutoire du mahr. [87] Certains ont vu dans le traitement du mahr en Allemagne « un problème ‘d’ordre technique’ sérieux » [88] ou bien encore « la cacophonie discordante des voies de la justice », [89] en raison essentiellement de la difficulté à déterminer s’il fallait faire relever cette institution légale du contrat de mariage (régi par l’article 13 de l’EGBGB [Loi introductive au Code civil]) ou des pensions alimentaires après divorce (régies par l’article 18 paragraphe 4 de l’EGBGB). Les juges ont été néanmoins enclins à appliquer la loi religieuse islamique [90] et à décider que la dot islamique faisait partie intégrante des pratiques coutumières musulmanes. D’où l’obligation faite à l’époux de payer la dot, même en l’absence d’équivalent du mahr dans la législation allemande. [91]

La position allemande en matière de Talâq (divorce)

D’une manière générale, la répudiation unilatérale (talâq) d’une épouse musulmane par son mari est considérée comme une infraction à l’ordre public allemand et, à ce titre, n’est pas reconnue par la justice allemande. [92] Ainsi, le Tribunal de grande instance de Francfort [93] a estimé que le talâq était arbitraire et par voie de conséquence incompatible avec les dispositions de la Constitution allemande relatives à l’égalité des sexes. [94] Le cas le plus récent est un arrêt rendu en 1998 [95] par l’OLG Stuttgart (Tribunal régional de Stuttgart), dans lequel ce dernier statuait que, l’épouse n’ayant pas voix au chapitre, le talâq violait l’ordre public allemand. Mais la justice aura tendance à reconnaître le talâq si l’épouse consent à la dissolution du mariage devant un tribunal allemand. C’est ainsi qu’en 1992, un magistrat de l’AG Esslingen (Tribunal cantonal d’Esslingen) a dissout un mariage après que l’époux eut formulé le talâq en sa présence. [96]

3) L’exemple de la Grande-Bretagne : Proposition en faveur de la mise en place d’un système de droit musulman de la famille

La Grande-Bretagne a une longue tradition de pays de « migration », qui a vu s’installer de nombreux groupes de population différents. Avec environ deux millions de personnes, [97] la communauté musulmane forme le groupe confessionnel minoritaire le plus important. Tout en ayant instauré un certain degré de pluralisme dans le but de préserver les identités culturelles, la Grande-Bretagne a fait le choix d’adopter un système de droit de la famille laïque et universel.

Il n’y a pas en Grande-Bretagne de séparation stricte de l’Église et de l’État, ni de dispositif permettant à l’État de « reconnaître » légalement les communautés religieuses. L’église d’Angleterre est la religion dominante. A la fois Chef de l’État et Gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre, la Reine incarne les rapports spéciaux existant entre la Couronne et l’Église. Au cours des années 1970, l’Union of Muslim Organisations of UK (Union des organisations musulmanes du Royaume-Uni) a organisé une série de réunions qui ont débouché sur une résolution formelle visant à obtenir la reconnaissance officielle d’un système distinct de droit musulman de la famille automatiquement applicable aux Musulmans britanniques. [98] Les spécialistes musulmans à l’origine de cette initiative soutenaient que, dans le contexte d’un pays occidental, il devrait y avoir une latitude qui permette aux lois religieuses personnelles de s’exercer parallèlement au dispositif de droit de la famille laïque. [99] En 1984, une charte musulmane a donc été élaborée : elle exigeait que la Charia se voie accorder une place au sein du droit personnel. [100] Par la suite, une proposition inscrite dans la même démarche a été soumise à divers ministres afin d’être présentée pour adoption au Parlement. Cette demande a été réitérée publiquement en 1996. [101]

Cependant, le Gouvernement a rejeté ce projet en faveur de la mise en place d’un système de droit personnel musulman régissant les questions personnelles et familiales, [102] au motif que l’on ne pouvait avoir la certitude que les systèmes juridiques non laïques garantissent le respect des valeurs universellement admises des droits humains, notamment en ce qui concerne les femmes [103] : « …au nom des droits humains, il ne faut pas que les Musulmans aient la possibilité d’appliquer un système de droit personnel musulman en Angleterre en raison du risque de voir les droits des femmes violés d’une manière discriminatoire. » [104] Le défunt Dr. Sebastian Poulter soutiendra également dans un ouvrage ultérieur :

« Alors que le droit britannique devrait appréhender les autres cultures d’une manière globale dans un esprit généreux de tolérance et, dans le doute, choisir de laisser les membres des communautés minoritaires observer leurs différentes traditions en Angleterre, il sera absolument nécessaire, dans certains domaines essentiels, de garantir des normes minimales inspirées des valeurs fondamentales communes, si l’on veut préserver la cohésion et l’unité de la société anglaise. » [105]

Qui plus est, la pluralité des conceptions juridiques musulmanes en présence place l’État britannique devant la difficulté de définir selon quelles modalités pratiques mettre en œvre des versions du droit musulman de la famille aussi nombreuses. Humayun Ansari fait ainsi observer :

« Savoir notamment quelle(s) version(s) du droit musulman appliquer, à qui il appartient de l’interpréter, quels tribunaux et qui au sein de ces juridictions seraient habilité à statuer demeure problématique. » [106]

Le juge David Pearl exprime des préoccupations similaires :

« (…) en tout état de cause, il sera extrêmement compliqué de déterminer le droit de la famille spécifique à la communauté musulmane, dans la mesure où il diffère en fonction des écoles et des origines. S’il peut exister des dénominateurs communs, par définition, ces principes ne seront pas acceptables pour tous. Les anciennes polémiques autour de la définition de la Charia et de son application concrète pourraient se ranimer au Royaume-Uni, compromettant les relations harmonieuses au sein des communautés elles-mêmes. » [107]

S’étant vu refuser la caution officielle des pouvoirs publics en raison de la défiance du système juridique britannique à l’égard du droit musulman de la famille, la communauté musulmane a mis au point un dispositif officieux de règlement des différends impliquant des Musulmans. En fait, depuis 1982, l’Islamic Shari’a Council (UK) (ISC) [Conseil de la Charia islamique (R-U)] offre aux couples des services professionnels de conciliation concernant divers aspects du droit musulman et a établi à cette fin des procédures, formulaires et certificats types. Cette méthode fondée sur le « droit non-officiel » est relativement répandue : selon une enquête réalisée en 1989, 66% des Musulmans se conformeraient au droit musulman en cas de conflit entre ce dernier et le droit anglais. [108] L’ISC a entre autres objectifs l’établissement « d’une instance qui agirait en tant que tribunal de la Charia islamique et se prononcerait sur les questions relevant du droit musulman de la famille qui lui seraient renvoyées. » [109] L’ISC applique les règles islamiques pour essayer de résoudre les « problèmes que rencontrent les familles musulmanes ayant obtenu un jugement en leur faveur de la part des tribunaux non islamiques du pays sans pour autant avoir reçu la sanction de la Charia islamique. » [110] Il examine plus de 50 affaires par an. Au milieu des années 1990, il avait ainsi instruit quelque 1 500 cas dont il avait été saisi, pour la plupart des affaires de divorce dans lesquelles l’épouse avait obtenu un divorce civil, mais le mari refusait de prononcer le talâq. [111] En pareils cas, le Conseil va chercher à accorder la dissolution du mariage (faskh) à l’épouse en lui délivrant un certificat de divorce, sous réserve cependant que cette dernière consente à restituer le mahr.

Compte tenu de la précarité financière que connaissent les femmes musulmanes ayant renoncé au mahr en contrepartie du divorce, certains spécialistes ont condamné l’existence de l’ISC (UK), car il conforte « la pratique préoccupante de ceux qui ne sont ni plus ni moins que les porte-parole des intérêts des hommes musulmans. » [112] De fait, la Nuffield Foundation a commandité une étude empirique portant sur l’ensemble des conflits matrimoniaux et des divorces dans lesquels l’ISC (UK) était intervenu. Ont été exploités près de 300 dossiers, 21 entrevues complémentaires avec des femmes ayant eu recours aux services du Conseil, ainsi que des entretiens eus avec deux organisations d’assistance aux femmes situées à Londres. Publiée en 2001 sous le titre Untying the Knot: Muslim Women, Divorce and the Shariah (Comment trancher le nœd : les femmes musulmanes, le divorce et la Charia), l’enquête réalisée par Sonia Nurin Shah-Kazemi indique que tout en étant opposées à une éventuelle reconnaissance officielle de la loi de la Charia en Grande-Bretagne, les femmes musulmanes étaient favorables à l’intervention dans les conflits familiaux d’une tierce partie en la personne des médiateurs islamiques. L’auteur explique ainsi :

« Il est largement admis que toute reconnaissance officielle du système juridique de la Charia au Royaume-Uni ferait problème (…).Alors qu’il existe un consensus sur la nécessité de sensibiliser davantage l’opinion au poids qu’a la Charia dans la vie familiale de [ces] femmes, il résulte concrètement de cette enquête que la demande d’une reconnaissance publique de la Charia est minoritaire. »

Sur les 308 cas examinés, cette enquête a permis d’identifier 28 mariages forcés.

Remarques finales

En France comme en Allemagne, les dispositions du droit international privé rendent possible l’application « directe » du droit musulman de la famille aux ressortissants étrangers de confession musulmane. Le respect de la « différence » juridique constitue la raison d’être de ces règles, dès lors que sont concernées des personnes de « nationalité transfrontière ». Cette application est susceptible d’engendrer des situations discriminatoires pour les femmes musulmanes : droit successoral favorable aux hommes, soutien financier de quatre mois maximum accordé aux épouses, partage des biens au détriment des intérêts des femmes, garde confiée au père en fonction de l’âge des enfants. L’unique recours dont disposent les tribunaux pour sauvegarder l’égalité des droits des femmes musulmanes lorsque la mise en œvre du droit musulman de la famille serait discriminatoire est de faire appel au principe de « l’ordre public » pour en empêcher l’application.

Les tribunaux français et allemands ont apparemment tiré des conclusions similaires au moment de préciser les limites de « l’ordre public » : les mariages islamiques n’ont aucun effet en droit s’ils ont été contractés en France ou en Allemagne ; la répudiation unilatérale d’une épouse musulmane par son mari (talâq) n’est pas reconnue comme forme légitime de divorce ; les mariages polygamiques ne sont juridiquement valables que s’ils ont été conclus dans un pays autorisant la polygamie ; enfin, l’institution islamique du mahr est exécutoire devant les tribunaux français ou allemands.

Toute la complexité de la question est de savoir s’il faut que les pays occidentaux « intègrent ou rejettent» les règles juridiques islamiques, et, surtout, quelles seront les répercussions de ce choix sur l’égalité des droits des femmes musulmanes. Ainsi que l’illustrent les jurisprudences française et allemande, la reconnaissance de la polygamie, par exemple, peut avoir des retombées positives pour certaines femmes musulmanes en particulier, car celles-ci seront protégées sur le plan économique au lieu d’être privées du versement de prestations sociales par l’État ou par leur ancien conjoint. Mais d’un autre côté, on peut s’inquiéter du fait qu’en protégeant ces femmes musulmanes en particulier, l’État occidental encourage et légitime ainsi l’existence d’une institution - la polygamie - que bien des femmes musulmanes estiment particulièrement discriminatoire. [113]

En Grande-Bretagne, l’option retenue a été d’adopter un système de droit de la famille laïque et universel. D’où le rejet de la proposition visant à instaurer un système distinct de droit musulman de la famille par un Gouvernement désireux d’assurer le respect des valeurs universellement reconnues des droits humains, en particulier l’égalité des sexes. Quoique plusieurs conseils de Charia jouent un rôle de premier plan dans le règlement des litiges en droit de la famille, il ressort de la vaste consultation réalisée auprès de différentes communautés musulmanes, notamment auprès de groupes de femmes, que la reconnaissance officielle du système juridique de la Charia en Grande-Bretagne est jugée aléatoire.

Remerciements

Le Canadian Council of Muslim Women (Conseil canadien des Femmes musulmanes) détient le copyright de cet article, qui a été initialement rédigé à son intention et qui est publié ici avec son autorisation, ainsi que celle de son auteur.

Canadian Council of Muslim Women
B. P. 154, Gananoque, ONT K7G 2T7
Tél. : 613 382 2847
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Site Internet: : www.ccmw.com

Pascale Fournier
Faculté de Droit, Université McGill
3644 rue St Peel, Montréal, Québec, Canada H3A 1W9
E-mail : pfournie@law.harvard.edu ; pascale.fournier@mcgill.ca

Notes de fin de texte

  1. Attachée de recherches Boulton, Faculté de Droit, Université McGill ; Licence de Droit (Université de Laval) ; Maîtrise de Droit (Université de Toronto) ; Doctorante en Droit (École de Droit d’Harvard). Je tiens à remercier mes proches et collègues pour leurs commentaires réfléchis. Je voudrais également témoigner ma reconnaissance à toutes les femmes du groupe de travail du CCMW et de la NAWL (National Association of Women and Law [Association nationale de la Femme et du Droit]) pour les entretiens fort précieux qui ont jalonné la rédaction de cet article. Par ailleurs, je souhaite spécialement remercier Andrée Côté, Anne Saris, Robert A. Crouch, Marilou McPhedran, Natasha Bakht et Janet Halley pour les critiques et suggestions dont il m’ont fait part. J’adresse mes remerciements chaleureux à Xavier Milton pour son soutien indéfectible. Cet article est dédié à Alia Hogben, dont « l’intervention » militante et féconde en matière de théorie, de pratique et de connaissances islamiques a offert aux femmes musulmanes canadiennes la possibilité de découvrir les façons dont se construisent et se perpétuent les voies dites « impossibles », « irréalisables » et « illégitimes » du changement social.
  2. Voir N. Hijab, Islam, Social Change, and the Reality of Arab Women’s Lives, in Islam, Gender and Social Change, sous la direction d’Y. Haddad et J. L. Esposito, New-York et Oxford, Oxford University Press, 1998 ; A. Y. Al-Hibri, Marriage Laws in Muslim Countries: A Comparative Study of Certain Egyptian, Syrian, Moroccan, and Tunisian Marriage Laws, International Review of Comparative Public Policy, Vol. 4, 1992, p. 227.
  3. La métaphore de la « transplantation juridique » est utilisée par Alan Watson dans l’analyse de l’importation des pratiques juridiques étrangères en droit comparatif. Voir A. Watson, Legal Transplants: An Approach to Comparative Law, 2nde édition, University of Georgia Press, Athènes, Géorgie, 1993, p. 21 ; A. Watson, Legal Transplants and Law Reform, Law Quarterly Review, Vol. 79, 1976, p. 92. Pour une interprétation contraire en matière de bons et mauvais usages des « transplantations juridiques », voir P. Legrand, The Impossibility of Legal Transplants, Maastricht Journal of European and Comparative Law, Vol. 4, 1997, No 2, p. 111.
  4. Par Charia (loi musulmane), j’entends les règles islamiques inspirées, selon les Musulmans, de la révélation divine. J’ai ici plus particulièrement porté mon attention sur la reconnaissance du mariage islamique et de la polygamie, le mahr (dot) et le tâlaq (divorce), en écartant les questions afférentes à la garde des enfants et au droit successoral.
  5. M. F. Leruth, The Neorepublican Discourse on French National Identity, French Politics and Society, Vol. 16, 1998, No 4, pp. 49-60.
  6. Pierre-André Taguieff, L’Identité nationale : un débat français, Regards sur l’actualité, Vol. 209-210, 1995, pp. 13-28.
  7. La Constitution du 4 octobre 1958 énonce en son article 1er : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »
  8. Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, dont l’article 2 dispose : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.

    « Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.

    « Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3. »
  9. Il existe cependant des exceptions, ainsi que le fait à juste titre observer B. Basdevant-Gaudemet dans Islam in France, in The Legal Treatment of Islamic Minorities in Europe, sous la direction de R. Aluffi et G. Zincone, Peeters Publishers, Louvain, Belgique, 2004, p. 59 :

    « De même, s’il n’y a pas de financement direct des confessions religieuses sur le budget public, il n’est pas interdit aux collectivités publiques d’octroyer des subventions à des institutions culturelles ou sociales à caractère religieux et les religions peuvent aussi bénéficier d’importantes aides indirectes par application de mesures fiscales, ou dans le cadre de l’école privée confessionnelle, ou encore par bien d’autres biais. »
  10. W. Safran, State, Nation, National Identity, and Citizenship : France as a Test Case, International Political Science Review, Vol. 12, No 2, 1991, pp. 219-38.
  11. En 2004, on évaluait à plus de 5 millions le nombre de Musulmans en France, soit près de 8% de la population globale, ce qui représente le plus fort taux enregistré dans un pays européen occidental. Voir B. Basdevant-Gaudemet, op. cit. (9), p. 62.
  12. D. Hervieu-Léger, The Past in the Present : Redefining Laïcité in Multicultural France, in The Limits of Social Cohesion, sous la direction de P. Berger, Westview Press, Londres, 1998, p. 39.
  13. Voir http://www.mosquee-de-paris.org.
  14. Voir http://www.uoif-online.com.
  15. Voir http://www.france5.fr/cdanslair/D00063/308.
  16. Voir B. Basdevant-Gaudemet, op. cit. (9), p. 66.
  17. Il est constitué d’une Assemblée générale, d’un Conseil d’administration et d’un Bureau.
  18. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, résolution de l’AG 2200A (XXI), 21 U.N. GAOR Supp. (No 16) at 52, U.N. Doc. A/6316 (1966), 999 U.N.T.S. 171, entré en vigueur le 23 mars 1976.
  19. Code Civil, article 3 al. 3 (inséré par la Loi du 5 mars 1803 promulguée le 15 mars 1803) : « Les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger. »

    Code Civil, article 310 (inséré par la Loi nº 75-617 du 11 juillet 1975, article 1er, publiée au Journal Officiel du 12 juillet 1975, entrée en vigueur le 1er janvier 1976) : « Le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française :
    • lorsque l’un et l’autre époux sont de nationalité française ;
    • lorsque les époux ont, l’un et l’autre, leur domicile sur le territoire français ;
    • lorsque aucune loi étrangère ne se reconnaît compétence, alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce ou de la séparation de corps. »
  20. Voir, par exemple, la Convention entre la République française et le royaume du Maroc relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire, Décret n° 83-435 du 27 mai 1983 (publié au Journal Officiel du 1er juin 1983, p. 1643). L’article 5 dispose ce qui suit :

    « Les conditions du fond du mariage tels que l’âge matrimonial et le consentement de même que les empêchements, notamment ceux résultant des liens de parenté ou d’alliance, sont régies pour chacun des futurs époux par la loi de celui des deux États dont il a la nationalité. »
  21. Pour une analyse comparative, voir S. A. Aldeeb Abu-Sahlieh et A. Bonomi (direction), Le Droit musulman de la famille et des successions à l’épreuve des ordres juridiques occidentaux, Schulthess, Zürich, 1999.
  22. Voir E. Rude-Antoine (direction), L’Immigration face aux lois de la République, Éditions Karthala, Paris, 1992 ; J. Déprez, Droit international privé et conflit de civilisations. Aspects méthodologiques (Les relations entre systèmes d’Europe occidentale et systèmes islamiques en matière de statut personnel), Recueil des Cours de l’Académie de droit international de La Haye, t. 211, 1988, IV, p. 1. Pour une étude générale sur l’exception de « l’ordre public » en droit international privé, voir R. Libchaber, L’exception d’ordre public en droit international privé, in L’Ordre public à la fin du XXe siècle. Recueil, thèmes et commentaires, ouvrage collectif sous la direction de Beignier, Dalloz, Paris, 1996, p. 65.
  23. En matière de droit de la famille, la France a ratifié la Convention du 24 octobre 1956 (Convention of 24 October 1956) sur la loi applicable aux obligations alimentaires envers les enfants (Conférence de La Haye de Droit international privé), la Convention du 2 octobre 1973 (Convention of 2 October 1973) sur la loi applicable aux obligations alimentaires (Conférence de La Haye de Droit international privé), ainsi que la Convention du 14 mars 1978 (Convention of 14 March 1978) sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux (Conférence de La Haye de Droit international privé).
  24. B. Basdevant-Gaudemet, Le statut juridique de l’Islam en France, Revue du Droit public (RDP), No 2, 1996, p. 355.
  25. Conseil d’État, 11 mars 1988, ministère des Affaires sociales et de l’emploi c. Diagne, Tables rondes; Conseil d’État, 28 juillet 1989, Keita ; Conseil d’État, 15 janvier 1990, Cissoko.
  26. Code Civil, article 147 (inséré par la Loi du 17 mars 1803, promulguée le 27 mars 1803) : « On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. »

    Code Civil, article 184 (Loi du 17 mars 1803, promulguée le 27 mars 1803 ; Loi du 19 février 1933 ; Loi n° 93-1027 du 24 août 1993 article 31, publiée au Journal Officiel du 29 août 1993) :

    « Tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162 et 163, peut être attaqué soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public. »
  27. Cour d’appel de Paris, 8 décembre 1992, Dalloz, 1994, J. 272 et Cour de Cassation, 1ère chambre civile. Arrêt du 15 mars 1988, Gazette du Palais, 1989-1-374.
  28. Voir TGI de la Seine, 21 juin 1967, in Revue critique de Droit international privé, 1968, p. 294, note H. Battifol ; Cour d’appel de Reims, 19 janvier 1976, in JDI 1976, p. 916 note I. Fadlallah ; Cour d’appel de Dijon, 1ère chambre, 23 mai 1995, in JCP 1996, IV, 176.
  29. Cour d’appel de Versailles, 2ème chambre, 18 juin 1992, inédit, in Juris-Data, # 044362.
  30. Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 6ème chambre, 19 mai 1988, inédit, in Juris-Data, # 045979.
  31. F. Monéger, La Polygamie en question, JCP 1990, I, 3460.
  32. Cour de cassation, 1ère chambre civile, 19 février 1963, in Revue critique de Droit international privé, 1963, p. 559; Cour de cassation, chambre civile, 3 janvier 1980, in Revue critique de Droit international privé, 1980, p. 331.
  33. Les tribunaux ont employé l’expression d’« ordre public à effet atténué ». E. Rude-Antoine, Des Vies et des Familles. Les Immigrés, la Loi et la Coutume, Odile Jacob, Paris, 1997, p. 211 ; E. Rude-Antoine, Le Mariage maghrébin en France, Karthala, Paris, 1990, pp. 138-9.
  34. E. Rude-Antoine, op. cit. (22), p. 120.
  35. Cour de cassation, chambre sociale, 1er mars 1973, Revue critique de Droit international privé, 1975, p. 54.
  36. Cour de cassation, chambre sociale, 8 mars 1990, Revue critique de Droit international privé, 1991, p. 694.
  37. Voir Benali c. Makhlouf, Revue critique de Droit international privé, 87, p. 652. Cour de cassation, 1ère chambre civile, arrêt du 3 juin 1998 ; C.M.Y. Abdallah et consorts, Revue critique de Droit international privé 87, p. 602, Cour de cassation, 1ère chambre civile, arrêt du 25 février 1997.
  38. Conseil d’État, 11 juillet 1980 : AJDA 1980, 523, observations de Mm. Feller et Pinault, Revue critique de Droit international privé, 1981, p. 658, note J.M. Bischoff.
  39. Loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, publiée au Journal Officiel du 29 août 1993, J.C.P., 1993.i.66371 : « Lorsqu’un étranger polygame réside sur le territoire français avec un premier conjoint, le bénéfice du regroupement familial ne peut être accordé à un autre conjoint. Sauf si cet autre conjoint est décédé ou déchu de ses droits parentaux, ses enfants ne bénéficient pas non plus du regroupement familial. »
  40. F.K. 2000. Les Familles polygames en France mises au pied du mur – Éclairage, SDA-Service de Base Français, 12 janvier ; D. Turpin, La Réforme de la condition des étrangers par les lois des 24 août et 30 décembre 1993, et par la loi du 25 novembre 1993, Revue critique de Droit international privé, janvier-mars 1994, pp. 1-61 ; voir I. Gillette-Frénoy, La Polygamie en France et le rôle des femmes, G.A.M.S, Paris, 1993, p. 36, et La Polygamie en France pratiquée par les immigrants d’Afrique subsaharienne et le rôle des femmes, L’Ethnographie, Vol. 89, No 2, 1993, p. 131-69.
  41. J. L. Esposito et N. J. DeLong-Bas, Women in Muslim family law (2nde éd.), Syracuse University Press, New York, 2001, p. 23.
  42. The Encyclopaedia of Islam (nouvelle edition), sous la direction de C. E. Bosworth, Vol. 6., Brill Academic Publishers, 1991.
  43. Origin and Development of Islamic Law in Law in the Middle East, sous la direction de M. Khadduri et H. J. Liebesny, The Middle East Institute, Washington D.C, 1955, Vol. 1, p. 142.
  44. Ibid.
  45. Cour de cassation, 1ère chambre, 4 avril 1978, 1978-000137 et Cour de cassation, 1ère chambre, 2 décembre 1997, 004835. Voir également E. Rude-Antoine, op. cit. (32), p. 140 et E. Rude-Antoine, op. cit. (21), p. 124.
  46. J. Déprez, Statut personnel et pratiques familiales des étrangers musulmans en France. Aspects de droit international privé in Familles – Islam – Europe. Le Droit confronté au changement. Musulmans d’Europe, sous la direction de M-C Foblets, L’Harmattan, Paris, 1996, p. 68.
  47. Dans la loi sunnite traditionnelle, la dissolution du mariage intervient lorsque le mari prononce la formule de divorce : « talâq, talâq, talâq » – littéralement « je te répudie, je te répudie, je te répudie ».
  48. D. S. el Alami et D. Hinchcliffe, Islamic Marriage and Divorce Laws of the Arab World, Vol. 3, 1996, p. 22 :

    « L’exercice par le mari de son droit au talâq constitue le moyen habituel de rompre un mariage dans le monde musulman (…). La loi islamique confère à l’époux la faculté de mettre fin au mariage unilatéralement, à son gré, et sans motiver sa décision ni saisir la justice. »
  49. Cour de cassation, 1ère chambre civile, 17 février 2005, arrêts nn° 01-11.549, 02-11.618, 02-15.766, 02-17.479 et 02-10.755, Dalloz, 2004, p. 824 (conclusions F. Cavarroz) et p. 815 (note P. Courbe), Revue critique de Droit international privé, 2004, p. 423 (note P. Hammje) ; RTD civ., 2004, p. 367 (note J.-P. Marguenaud) ; JCP éd. G., 2004, n° 10128 (note H. Fulchiron) ;JDI (Clunet), 2004, p. 1200 (note L. Ganagé).
  50. J. Déprez, op. cit. (46), pp. 57-81.
  51. En France, la Cour suprême a condamné la répudiation au motif également qu’elle contrevenait à l’article 5 du septième Protocole de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH).
  52. J. Déprez, op. cit. (46), p. 85 ; R. El-Husseini, Le Droit international privé français et la répudiation islamique, Revue critique de Droit international privé, Vol. 88, No 3, 1999, pp. 427-68.
  53. R. Brubaker, Citizenship and Nationhood in France and Germany, Cambridge, Massachusetts et Harvard University Press, Londres, 1992, p. 82.
  54. La nation allemande trouve ses fondements dans la notion de Volksgeist (esprit du peuple) – le peuple comme entité raciale et culturelle organique caractérisée par une langue commune. Voir F. C. von Savigny, Of the Vocation of Our Age for Legislation and Jurisprudence (Sur la vocation de notre temps pour la législation et la science du droit), Arno Press, New York, 1975. La théorie de Savigny en matière de droit s’opposait notamment aux conceptions qui s’étaient imposées en France après la Révolution française, puis propagées à l’ensemble de l’Europe, selon lesquelles la législation constitue la source première du droit et le législateur a pour mission principale de protéger les « droits humains ». Savigny défend une vision contraire : pour lui, le droit est une production de la conscience commune de la nation, organiquement liée à l’esprit et l’âme du peuple.
  55. Voir G. Yurdakul, State, Political Parties and Immigrant Elites : Turkish Immigrant Associations in Berlin, Journal of Ethnic and Migration Studies, à paraître en 2006.
  56. Staatsangehörigkeitsrecht.
  57. C. Joppke et E. Morawska, Integrating Immigrants in Liberal Nation-States : Policies and Practices, in Toward Assimilation and Citizenship : Immigrants in Liberal Nation-States, sous la direction de C. Joppke et E. Morawska, Palgrave Macmillan, Londres, 2003, pp. 1-36.
  58. M. Rohe, The Legal Treatment of Muslims in Germany, sous la direction de R. Aluffi et G. Zincone, op. cit. (9) p. 83.
  59. Ce statut garantit des droits importants : droit de prélever des impôts auprès des membres de la communauté et de créer des circonscriptions cultuelles, droit d’employer du personnel conformément à une législation du travail religieusement orientée, droit de désigner des membres aux conseils de diffusion, allègements fiscaux au titre des biens régis par le droit immobilier public, etc. Voir M. Rohe, op. cit. (58) p. 87.
  60. Körperschaftsstatus.
  61. Voir Vocking, Organisations as attempts at integration of Muslims in Germany in Muslims and Christians in Europe, Essays in Honour of Jan Slomp, ouvrage collectif sous la direction de Speelman, Kok, Kampen, Pays-Bas, 1993.
  62. G. Jonker, What is Other about Other Religions? The Islamic Communities in Berlin between Integration and Segregation, in Cultural Dynamics, Vol. 12, No 3, 2000, p. 313.
  63. L’article 4, relatif à la liberté de croyance, de conscience et de profession de foi, énonce ce qui suit :

    « La liberté de croyance et de conscience et la liberté de professer des croyances religieuses et philosophiques sont inviolables. Le libre exercice du culte est garanti. »
  64. M. Rohe, op. cit. (58), p. 87.
  65. G. Jonker, op. cit. (62), p. 314.
  66. G. Jonker, op. cit. (62), p. 312.
  67. Second chapitre consacré au Droit international privé dans Einführungsgesetz zum Bürgerliches Gesetzbuche (article 3 de l’EGBGB [Loi introductive au Code Civil]).
  68. A titre d’exemple, l’Iran et l’Allemagne ont ratifié une convention qui garantit l’application des lois de statut personnel iraniennes aux ressortissants iraniens résidant en Allemagne et inversement pour les ressortissants allemands résidant en Iran. Voir Niederlassungsabkommen zwischen dem Deutschen Reich und dem Kaiserreich Persien du 17 décembre 1929 (Convention d’établissement entre le Reich allemand et l’Empire de Perse), Reichsgesetzblatt Jg. (Journal officiel du Reich) 1930, Teil (Partie) II, p. 1002 et p. 1006. Entérinée par la République fédérale d’Allemagne le 15 août 1955, BGBl (Journal officiel fédéral), Teil II, No 19, 25 août 1955, p. 829.
  69. Voir l’article 6 de l’EGBGB, ainsi que le paragraphe 138 al. 1 de la BG (Loi fédérale) : « Tout acte juridique qui contrevient aux bonnes mœurs est nul. »
  70. En matière de droit de la famille, l’Allemagne a également ratifié la Convention du 24 octobre 1956 (Convention of 24 October 1956) sur la loi applicable aux obligations alimentaires envers les enfants (Conférence de La Haye de Droit international privé), la Convention du 2 octobre 1973 (Convention of 2 October 1973) sur la loi applicable aux obligations alimentaires (Conférence de La Haye de Droit international privé), ainsi que la Convention du 14 mars 1978 (Convention of 14 March 1978) sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux (Conférence de La Haye de Droit international privé).
  71. C. Jones-Pauly, Marriage Contracts of Muslims in the Diaspora : Problems in the Recognition of Mahr Contracts in German law, à paraître aux éditions Frank Vogel, Marriage Contracts in Islamic Law, Cambridge, Massachusetts, et Harvard University Press, Londres, 2005.
  72. Notamment, les droits constitutionnels (et humains) visés aux articles 3 (égalité des sexes et des croyances religieuses), 4 (liberté de croyance et de conscience, y compris le droit à l’athéisme) et 6 (protection spéciale du mariage et de la famille) de la Constitution allemande.
  73. Voir d’une manière générale O. Elwan, Le droit interreligieux égyptien auprès des tribunaux allemands, in Islamic Law and its Reception by the Courts in the West, sous la direction de C. von Bar, 1999, 53, 62ss.
  74. Article 13 s. de l’EGBGB relatif aux conditions et effets juridiques de la conclusion du mariage ; article 17 de l’EGBGB relatif aux conditions et effets juridiques du divorce, aux rapports juridiques entre les conjoints, les enfants et les autres membres de la famille, dont l’obligation alimentaire entre conjoints divorcés, la garde et la tutelle des mineurs, l’adoption, l’autorité parentale et l’aide sociale, les rapports de succession.
  75. Article 18 (4) de l’EGBGB.
  76. Article 18 (1) de l’EGBGB.
  77. Article 14 de l’EGBGB. En pareils cas, les parties peuvent choisir le droit de la nationalité qui s’appliquera.
  78. Voir également Cf. OLG Hamburg (Tribunal régional supérieur d’Hambourg), StAZ 1988, 132f et AG Paderborn (Tribunal cantonal de Paderborn), StAZ 1986, 45 (les deux jugements sont identiques à ceux rendus actuellement) ; MuenchKomm/Coester, 3ème édition, 1998, article 13 de l’EGBGB.
  79. Voir M. Rohe, Islamic Law in German Courts, Hawwa-Journal of Women of the Middle East and the Islamic World, Vol. 1, 2003, pp. 46-59.
  80. Voir LG München (Tribunal régional de Munich), 235 Js 54017/95, 26 avril 1996; LG Frankfurt (Tribunal régional de Francfort) A.m., fAMrz 1976, P. 217; LG Osnabrueck (Tribunal régional d’Osnabrück), NJW-RR, 1998, p. 582; AG Bremen (Tribunal cantonal de Brême), StAZ 1991, pp. 232, 233; VGH Kassel (Tribunal administratif de Cassel), NVwZ-RR, 1999, pp. 274-275.
  81. Affaire concernant la paternité d’un ressortissant syrien. VersR 1997, p. 863. OLG Saarbrücken (Tribunal régional supérieur de Sarrebruck) – 5 U 800 : p. 95-82. Arrêt du 18 décembre 1996.
  82. Affaire concernant un mariage polygamique entre conjoints jordaniens, 17 A 42/83, 7 mars 1985.
  83. Voir M. Rohe, op. cit. (58).
  84. Paragraphe 1303 du BGB.
  85. Le mariage, conclu au Maroc, d’une allemande d’origine marocaine âgée de 16 ans a été reconnu valable par l’AG Tuebingen (Tribunal cantonal de Tübingen), StAZ 1999, 301.
  86. Voir OLG Köln (Tribunal régional supérieur de Cologne) NJWE-FER 1997, p. 55.
  87. BGH (Cour fédérale de Justice), NJW 1999, 574; OLG Muenchen (Tribunal régional supérieur de Munich), IPRspr. 1985 No 67; OLG Hamm (Tribunal régional supérieur d’Hamm), FamRZ 1988, 516, 517; OLG Frankfurt a.M. (Tribunal régional supérieur de Francfort/Main), FamRZ 1996, 1478, 1479; OLG Celle (Tribunal régional supérieur de Celle), FamRZ 1998, 374, 375; OLG Köln (Tribunal régional supérieur de Cologne), IPRspr. 1982 No 43; OLG Duesseldorf (Tribunal régional supérieur de Düsseldorf), FamRZ 1993, 187, 188.
  88. Voir M. Rohe, op. cit. (58), p. 51.
  89. C. Jones-Pauly, op. cit. (71).
  90. Affaire de dot entre conjoints d’origine turque. FamRZ 1998 : 623 OLG Duesseldorf. Arrêt du 3 janvier 1997 ; Affaire de dot entre conjoints d’origine jordanienne. FamRZ 1996 : 1478. OLG Frankfurt/Main (Tribunal régional supérieur de Francfort/Main). Arrêt du 29 février 1996 ; Affaire de dot entre conjoints d’origine turque (Mehir). FamRZ 1994 : 899. OLG Köln–13 U 251/92. Arrêt du 21 avril 1993 ; Affaire concernant la dot islamique. IPRax 8 : 109. Bundesgerichtshof (Cour fédérale de Justice)—IV b ZR 10/86. Arrêt du 28 janvier 1987; Affaire de dot entre conjoints d’origine kényane. FamRZ 1998 : 1591. AG Würzburg (Tribunal cantonal de Wurztbourg). Arrêt du 24 septembre 1997.
  91. Pour une analyse détaillée du traitement du mahr par les tribunaux allemands, voir C. Jones-Pauly, op. cit. (71).
  92. Article 6 de l’EGBGB. Voir BayObLG (Tribunal régional supérieur de Bavières) – 3Z BR 66/93. Arrêt du 13 janvier 1994; Décision d’appel, OLG Stuttgart – 1VA 5/86. Arrêt du 11 avril 1987; LJV Baden-Württemberg (Administration de la Justice du Land de Bade-Wurtemberg) – 346E-325/85. Arrêt du 23 mai 1986.
  93. AmtsGericht (Tribunal cantonal).
  94. AGFrankfurt/Main – N° 35 F 4153/87. Arrêt du 9 août 1988.
  95. N° 17 VA 6/98 du 3 décembre 1998.
  96. N° 1F 162/92 du 19 mars 1992.
  97. H. Ansari, The Legal Status of Muslims in the UK, sous la direction de R. Aluffi et G. Zincone, op. cit. (9), p. 256.
  98. Voir T. Modood, Muslim Views on Religious Identity and Racial Equality, New Community, Vol. 19, No 3, 1993, pp. 513-519.
  99. D. S. Pearl, Islamic Family Law and Its Reception by the Courts in England, Islamic Legal Studies Program, Harvard Law School, Occasional Publications, No 1, mai 2000, p. 4.
  100. Voir D. Joly, Britannia’s Crescent : Making a Place for Muslims in British society, Avebury, Aldershot, 1995, p. 15.
  101. S. M. Poulter, Ethnicity, Law and Human Rights: The English Experience, Oxford University Press, Oxford, 1998, p. 202.
  102. I. Yilmaz, Dynamic Legal Pluralism and the Reconstruction of Unofficial Muslim Laws in England, Turkey and Pakistan, School of Oriental and African Studies, Londres, 1999, Chap. 6.
  103. S. M. Poulter, The Claim to a Separate Islamic System of Personal Law for British Muslims in Islamic Family Law, sous la direction de C. Mallat et J. Connors, Graham & Trotman, Londres, Dordrecht et Boston, 1990, pp. 147-166, p. 158.
  104. S. M. Poulter, Cultural Pluralism and its Limits: A Legal Perspective, in A plural Society – Report of a Seminar, CRE Britain (Commission for Racial Equity [Commission pour l’Égalité des races]), Londres 1990, p. 3-28.
  105. S. M. Poulter, op. cit. (101), p. 391.
  106. H. Ansari, op. cit. (97), p. 266.
  107. Juge D. Pearl, Dispute Settlement Amongst the Muslim Community in the UK, Recht van de Islam, Vol. 20, 2003, p. 8.
  108. S. M. Poulter, op. cit. (101), p. 203.
  109. The Islamic Shari’a Council : An Introduction, ISC, Londres, 1995, pp. 3-4.
  110. Ibid., p. 7.
  111. Juge D. Pearl, op. cit. (107), p. 6.
  112. Voir L. Carroll, Muslim women and Islamic divorce in England, Journal of Muslim Minority Affairs, Vol. 17, No 1, 1997, p. 97-115.
  113. Voir L. Ahmed, Women and Gender in Islam, Yale University Press, New Haven, Connecticut, 1992.