Algérie : Le système des quotas des femmes

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Liberté
La juriste Nadia Aït-Zaï interpelle les candidats à la présidentielle
Le Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme (Ciddef) a développé un plaidoyer en direction des pouvoirs publics pour la révision des lois discriminatoires, notamment l’amélioration du taux de représentation des femmes aux instances élues. La campagne a été menée à partir d’une étude sur la représentativité politique des femmes au Maghreb, d’un mémorandum élaboré en 2006 avec les militantes de certains partis politiques et d’une étude sur la connaissance des droits de la femme en Algérie.
Aujourd’hui, la directrice du Ciddef, Nadia Aït-Zaï, interpelle les 6 candidats à la présidentielle sur l’application de l’article 31 bis.

Liberté : Depuis 6 ans, le Ciddef s’investit dans la question de la participation politique des femmes en Algérie. Avez-vous interpellé ou comptez-vous interpeller les candidats à la présidentielle sur cette question ?

Mme N. Aït-Zaï :

Les candidats à la présidentielle, du moins certains partis politiques comme le FLN, le FFS, le RND, le PT, le MSP, le RCD et le FNA, ont déjà été interpellés, puisque leurs militantes ont participé et fait à leur direction un retour d’information du processus de plaidoyer, entrepris et construit depuis 2003. De plus, l’étude et le mémorandum plaidant pour un quota de représentativité effective des femmes d’au moins 30% leur a été adressé par le Ciddef. Étant les premiers vecteurs d’une meilleure représentativité des femmes en politique, certains partis se sont prononcés, chacun pour ou contre le quota, comme mesure temporaire. Ceux qui étaient contre ont avancé des arguments du genre “le quota est un obstacle à l’égalité”, “le quota favorise l’incompétence”, “il y a absence de militantes au sein du parti” ou “le temps est inopportun”. Les résultats des élections législatives de 2007 (30 femmes élues) ont montré le peu d’intérêt, d’engagement et de volonté des partis sur la question de la représentativité féminine. Nous saisissons de nouveau l’occasion pour les interpeller sur la question et sur leur position, non plus pour admettre le quota car il vient d’être constitutionnalisé , mais sur ce qu’ils feront pour rendre concrète la mesure qui va être définie par la loi organique. On ne doit pas se rappeler l’électorat féminin uniquement aux échéances électorales.

Quelle lecture faites-vous de l’annonce faite par le président Bouteflika de consacrer les droits politiques des femmes dans la Constitution ?

ll C’est une bonne décision, car c’est un processus normal d’alignement de notre législation sur les dispositions des conventions internationales que l’Algérie a ratifiées, à l’exemple de la convention sur les droits politiques des femmes, ratifiée en 2004. Nous avons été entendues dans notre revendication de mettre en place des mesures temporaires pour atteindre l’égalité. Ces mesures ont été préconisées par la Cedaw (Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ndlr), ratifiée par l’Algérie en 1996. Ces mesures, comme leur nom l’indique, sont temporaires, c'est-à-dire qu’elles disparaîtront dans le temps, une fois l’égalité ou la parité atteinte. Cette disposition constitutionnelle est nécessaire, car une mesure temporaire ne peut être décidée sans cette base légale, sous peine d’être déclarée anticonstitutionnel le par le Conseil constitutionnel. Si le principe constitutionnel d’égalité est acquis, il faut le mettre en œuvre. La loi organique, qui est une loi d’application, va donc concerner directement les partis politiques et s’adresser à eux. Elle devra préciser le taux de participation effective à atteindre, entre 30 et 40%, et les modalités d’application ou de réalisation de ce système.

Comment atteindre justement ce taux de 30 à 40% ?

Soit par l’alternance obligatoire sur la liste : un homme, une femme, dans les listes proportionnelles proposées par les partis ; soit par l’inclusion dans la liste électorale d’au moins 3 femmes en poste éligible… ou alors inclure un certain pourcentage de femmes en poste éligible. Notre crainte est de voir la décision d’améliorer la représentativité féminine noyée dans un déluge d’articles et diluée, pour ne plus rien représenter, alors que le rôle de la loi organique est d’en préciser les contours.

Seulement 7% de femmes sont députées à l’APN et 3% au Conseil de la nation. En retenant le principe des quotas, comment faire respecter cette décision par les partis politiques ?

Tout en fixant le taux à atteindre et à concrétiser, la loi organique devra insérer des mesures incitatives en direction des partis, soit en leur accordant des subventions proportionnelles au nombre de femmes inscrites dans leur liste et au nombre de femmes effectivement élues. Les partis politiques doivent être tenus par une obligation de résultat.

Récemment, le ministère de la Justice a installé une commission chargée de proposer une loi organique. Avez-vous été approchées par les membres de cette commission ?

Non, nous n’avons pas été approchées et c’est dommage. Les militantes des partis politiques devraient être associées… Le travail que nous avons fait et les propositions concrètes que nous avons avancées sont contenus dans l’étude maghrébine et le mémorandum. Pourquoi pas une rencontre pour nous faire entendre ? J’ai cru comprendre qu’un projet de loi organique élaboré sur une initiative de 30 députés avait déjà été déposé à l’APN (en novembre 2008, ndlr) et endossé par le gouvernement. Il faut accorder toutes ces démarches… Notre crainte est de voir mourir dans l’œuf tous nos efforts sur la question.

30 Mars 2009

Par : Hafida Ameyar

Source : LIBERTE