Dossier 26: Quelle est votre tribu ? Les luttes des femmes et la construction de l’identité musulmane

Publication Author: 
Marieme Hélie-Lucas
Date: 
Octobre 2005
number of pages: 
67
ISBN/ISSN: 
1018-1342
La première partie du titre étrange de cet article provient d’une expérience personnelle. En 1962, après sept années d’une guerre sanglante qui a fait deux millions de victimes, l’Algérie a pris son indépendance de la colonisation française. Peu après l’indépendance, certains d’entre nous furent introduits en tant «qu’Algériens» à quelques intellectuels de gauche à Paris, qui avaient soutenu notre mouvement de libération. A ma grande surprise, ils ont insisté pour connaître non seulement notre religion (bien qu’eux tous sans exception étaient athées, ils ne pouvaient admettre que nous ne nous reconnaissions aucune religion non plus), mais aussi, selon leurs mots, notre «tribu d’origine». Ce fut pour moi un choc et une révélation de voir que pour ces intellectuels, la citoyenneté des gens du «tiers monde» ne suffisait pas : nous devions porter des marques d’exotisme. Notre point commun les dérangeait profondément. De plus, selon eux cela remettait en question notre identité: une nationalité récemment acquise, pour laquelle nous avions combattu pendant tant d’années. La deuxième partie de mon titre fait référence à la tendance dangereusement grandissante à créer précisément l’exotisme et la «différence» en politique, renforçant de cette manière l’idéologie, ainsi que le pouvoir et la légitimité, de forces politiques d’extrême droite dans des contextes musulmans et en dehors, complices les unes des autres.

Le fondamentalisme en contexte

Beaucoup de personnes bien intentionnées, dans des contextes musulmans et en dehors, jouent de bonne foi le jeu de fondamentalistes et de leurs politiques identitaires. Le fondamentalisme existe sous de nombreuses formes et variétés, c’est pourquoi je parlerais plutôt de «fondamentalismes». Ils ont toutefois des caractéristiques communes. En particulier, un élément clé de leur politique est le contrôle des femmes. C’est le cas de tous les fondamentalismes religieux : on peut le voir avec la droite chrétienne aux Etats-Unis, qui répand sa vision de la «moralité» en assassinant le personnel médical qui pratique des avortements. C’est le cas des fondamentalistes musulmans, qui promeuvent l’apartheid entre hommes et femmes en Iran, au Soudan, en Algérie, et en Afghanistan. C’est le cas des BJP (Bharatiya Janata Party) et RSS hindous (Rashtriya Swayamsevak Sangh), qui promeuvent le sati (brûler vives les femmes sur le bûcher de leur défunt mari).

La liste des autres fondamentalistes religieux aux positions antiféministes et de leur haine des femmes est longue. En fait, dans un contexte hostile et raciste envers l’Islam, ceci nous rappelle fort utilement que le «fondamentalisme musulman», malgré l’acharnement des médias internationaux à son sujet, n’est pas différent à cet égard des autres fondamentalismes religieux.

De plus, on ne peut pas isoler les fondamentalismes religieux d’autres formes de fondamentalisme qui ne se focalisent pas sur la religion, mais qui créent ensemble des alliances idéologiques et politiques, comme les fondamentalismes basés sur l’ethnicité et sur la culture, car le fondamentalisme religieux n’est pas un mouvement religieux, comme il le prétend. Des prétextes religieux, comme en Irlande, cachent des conflits d’infrastructure bien plus profonds. Ce sont des mouvements politiques qui cherchent à s’emparer de force du pouvoir politique, à défaut d’autres moyens.

A titre d’exemple, voici ce que déclaraient les deux principaux chefs et cofondateurs fondamentalistes algériens du parti FIS (Front islamique du salut), bien avant les élections annulées de décembre 1991 en Algérie, à propos de leur programme et de la démocratie : «Je ne respecte ni les lois ni les partis politiques qui n’ont pas le Coran. Je les jette sous mes pieds et je les piétine. Ces partis doivent quitter le pays. Il faut les supprimer.»1 «Il faut se méfier de ceux qui prétendent que le concept de démocratie existe dans l’Islam. La démocratie est le kofr».2 «Il n’y a pas de démocratie parce que la seule source de pouvoir, c’est Allah, à travers le Coran, et non les gens. Si les gens votent contre la loi de Dieu, ce n’est rien d’autre qu’un blasphème. Dans ce cas, on doit tuer ces non croyants pour la simple et bonne raison qu’il veulent substituer leur autorité à l’autorité de Dieu».3 «Nous n’acceptons pas cette démocratie qui permet aux élus de contredire l’Islam, la Charia, sa doctrine et ses valeurs».4 Exécrant la démocratie, les leaders fondamentalistes algériens plaident inévitablement pour la violence contre ceux qui la défendent : «Tous les dirigeants qui veulent aller de l’avant doivent mettre tout leur potentiel au service du jihad (guerre sainte) et coordonner toutes les formes de jihad, y compris le jihad armé, qui en est la forme la plus noble et la plus grande».5 Le représentant du FIS a lui-même confirmé cette position dans les médias internationaux à Washington: «Si l’état islamique en Algérie ne peut arriver au pouvoir par le dialogue, il y arrivera par le jihad».6 «C’est vrai que nous avons déclaré le jihad, et nous l’avons fait selon les principes fondamentaux de l’Islam».7 L’incompatibilité entre «l’Islam» et les droits humains ne provient manifestement pas de tous les croyants musulmans, mais uniquement des fondamentalistes musulmans.

En prétendant représenter, au mieux le peuple saint, élu de Dieu, sinon la race la plus pure et parfaite ou encore la culture la plus ancienne et la plus élaborée, ces mouvements, lorsqu’ils arrivent au pouvoir, imposent leurs règles, leurs codes de conduite, leurs croyances, et leurs principes au sujet des races «sous-humaines», des cultures «inférieures» et des autres religions. Les fondamentalismes sont des mouvements politiques d’extrême droite qui, dans le contexte de la mondialisation (par ex. l’exploitation économique internationale intense et le capitalisme incontrôlé), manipulent la religion, la culture, ou l’ethnicité, afin de réaliser leurs objectifs politiques.

Plutôt que de chercher des exemples dans des contextes culturels ou politiques lointains, dans certains pays exotiques du tiers monde, il vaut mieux identifier le phénomène près de chez soi. L’Europe a dû y faire face récemment, lors du «nettoyage ethnique» et de la politique expansionniste de dirigeants politiques serbes en ex-Yougoslavie.8

Le fondamentalisme est la forme actuelle du fascisme. Comme le nazisme en Allemagne, il émerge d’un contexte de crise économique et de paupérisation, se construit sur le mécontentement de la population, manipule les sections les plus pauvres de la population, exalte leurs valeurs morales et leur culture (l’identité aryenne en Allemagne, le passé glorieux de Rome en Italie), se couvre de la bénédiction de son Dieu (Gott mit uns, que portaient les SS sur leur ceinture), veut convertir ou soumettre le monde, et éliminer et éradiquer ses opposants politiques ainsi que les untermensch. Loin d’être obscurantistes et économiquement retardés, les fondamentalistes sont modernistes et capitalistes.

C’est dans ce contexte que je vais revenir aux fondamentalistes musulmans, aux femmes et aux droits humains. Cette forme particulière de mouvement d’extrême droite et son oppression spécifique des femmes ne doivent pas être analysées en dehors d’un cadre politique global tel que celui que j’ai indiqué.

Le mythe d’un monde musulman homogène

Les femmes des pays musulmans et communautés musulmanes sont en effet opprimées, au nom d’interprétations religieuses qui soutiennent et maintiennent le patriarcat.9 Il n’y a néanmoins pas un «monde musulman» homogène ou une «loi islamique» unique (Charia) appliquée partout, et de ce fait les femmes des sociétés musulmanes mènent des vies très différentes, souffrent d’oppression à divers degrés, et bénéficient de droits différents.

«Nos réalités différentes peuvent varier d’une part entre l’enfermement strict, être isolées et muettes entre quatre murs, exposées à des châtiments publics et des condamnations à mort pour adultère présumé (considéré comme un crime contre l’état) ou être données de force en mariage en bas age ; Et d’autre part des situations où les femmes ont une plus grande liberté de mouvement et d’interaction, le droit de travailler, de participer aux affaires publiques, et aussi d’exercer un contrôle beaucoup plus important sur elles-mêmes.»10

Cette diversité en elle-même est suffisante pour contrer l’idéologie fondamentaliste de «l’identité musulmane» en tant que croyance, style de vie, code de conduite et «culture»11 supposée caractériser la vie de soi-disant «Musulmans» partout dans le monde. Comme toutes les totalisations, elle ignore les différences de cultures, de régimes politiques, de classes, etc., et propose la vision oppressive d’une homogénéité indiscutable, invariable, et définie de manière divine. Mais elle n’existe nulle part ailleurs que dans leur imagination.

Toutefois, en suggérant son existence avec insistance, les fondamentalistes sont parvenus à convaincre de nombreux Musulmans et non Musulmans de sa réalité (virtuelle ?). «On suppose souvent l’existence d’un monde musulman homogène. L’interaction et les discussions entre les femmes de différentes sociétés musulmanes nous ont montré que même s’il existe certaines similarités, la notion d’un monde musulman uniforme est une fausse idée que l’on nous a imposée. On nous a conduites de manière erronée à croire que la seule manière possible d’être était pour nous de vivre chacune dans nos contextes. Nous priver ne fût-ce que de rêver d’une réalité différente est l’une des formes d’oppression les plus débilitantes dont nous souffrons.»12

Les différences dans les sociétés musulmanes sont dues à trois facteurs principaux:

Tout d’abord, l’Islam s’est répandu à travers plusieurs siècles, dans différentes cultures sur tous les continents, et il a absorbé des traditions locales. Ainsi, la mutilation génitale féminine qui, est pratiquée aussi bien par les animistes que les Chrétiens dans des zones déterminées, est considérée et promue en tant «qu’islamique» dans certaines parties d’Afrique, bien qu’elle demeure inconnue ailleurs. Le port du voile, originaire de la tradition sémitique (aussi bien juive que musulmane ou chrétienne), est aujourd’hui promu dans le monde entier comme le symbole de l’Islam, éradiquant ainsi des façons traditionnelles de s’habiller. Le système de castes, hindou à l’origine, fonctionne également dans des communautés musulmanes du sous- continent indien.

Deuxièmement, le Coran et le hadith ont été interprétés par différentes écoles de pensée à travers les siècles, et leur ré-interprétation continuelle est une option qui continue d’être choisie par de nombreux Musulmans. Comme dans tous les livres sacrés, on peut trouver dans le Coran le Dieu d’amour, comme le Dieu de colère, ainsi que beaucoup de situations à connotation historique, comme celle de l’esclavage, par exemple. L’injonction coranique dit : «sois gentil avec ton esclave». A ma connaissance, les Musulmans considèrent cela comme un pas en avant pour améliorer la condition des esclaves au temps de Mahomet, plutôt que comme une justification de l’esclavage aujourd’hui. Une telle analyse historique peut être, et est en effet appliquée par beaucoup de Musulmans aujourd’hui aux injonctions concernant les femmes : «frappe-là légèrement» est considéré comme un pas en avant par rapport aux lourds châtiments pratiqués au Moyen Orient à cette époque, plutôt que comme une justification pour frapper les femmes aujourd’hui. Dans cet esprit, un savant musulman algérien analyse que la fonction du voile était de protéger les femmes mariées (en contraste avec les femmes esclaves) à l’époque de Mahomet. En ce sens, l’équivalent moderne du voile le plus approprié est l’éducation et l’enseignement, car c’est ce qui donne de nos jours le plus de protection à une femme.13

Et finalement, il est clair que les pouvoirs politiques qui utilisent la culture et la religion choisissent de mettre en valeur différents éléments ou interprétations de la culture et de la religion, selon les circonstances.

Cela nous mène à faire une distinction essentielle entre deux concepts : «Islam» et «Musulmans».14 L’Islam comme religion, idéologie, utopie, peut être analysé du point de vue philosophique ou religieux. «L’Islam», dans ce sens, n’existe nulle part dans le monde matériel. «Les Musulmans» sont ceux qui tentent de matérialiser leur interprétation de ces idées, par exemple d’un côté les hommes et les femmes qui se sont définis eux-mêmes comme des êtres religieux, comme des disciples de l’Islam, et de l’autre les forces politiques qui ont monopolisé la lecture du texte, et l’ont utilisé comme une stratégie importante pour accéder au pouvoir politique et y rester. L’analyse de leurs actions appartient aux domaines de la sociologie et des sciences politiques. Elle suit l’idée selon laquelle tout ce que font des «Musulmans» n’est pas «islamique», et que ce qui est «islamique» est débattable et débattu même parmi les Musulmans. «L’Islam» tel qu’il devrait être, les «Musulmans» comme ils sont. «L’identité musulmane» a été créée par l’homme, pas par Dieu.

Cette distinction conceptuelle devrait permettre à chacun de défendre les droits humains dans des pays musulmans, sans crainte d’être considéré comme «anti-Islam». C’est également une distinction importante pour les femmes qui luttent pour leurs droits humains dans des contextes musulmans. Cet article s’intéresse exclusivement aux aspects sociologiques et politiques: c’est à dire à ce que les gens font, même si c’est au nom de la religion. C’est pourquoi nous ne ferons pas référence à «l’Islam» mais aux «Musulmans».

En fait, ce sont même de «soi-disant Musulmans» dont nous parlons ici, car il faut faire une autre distinction importante : le sens commun et le langage courant supposent que toute personne née et élevée dans des familles musulmanes est automatiquement croyante musulmane, que toute personne née et élevée dans des pays ou dans des communautés dont les lois se disent dérivées du Coran, dans leur incroyable diversité culturelle et politique, est automatiquement croyante musulmane. La liberté de foi est apparemment refusée aux personnes nées dans de tels contextes. Personne ne définirait un honorable citoyen français ou une dame suisse comme Chrétiens, plutôt que comme français et suisse. Tandis que nous, Algériens, Nigérians, Pakistanais, Fidjiens, Canadiens, ou même Britanniques, croyants ou non, athées ou libres-penseurs, sommes étiquetés de «Musulmans». Peut-on encore parler de foi ? «L’identité musulmane» est en train de devenir une identité transnationale, au grand plaisir des fondamentalistes. Elle devient un «péché originel» indélébile, une marque sur le corps et sur l’âme de gens dont le lieu de naissance accidentel en fait des «Musulmans». Ces extensions de sens15 constituent en fait une insulte aux vrais croyants pour lesquels la foi est un choix très important, ainsi qu’à la liberté du culte. C’est également une insulte à l’intégrité personnelle de ceux qui n’ont pas choisi la religion comme marque de leur identité.

Par ailleurs, ce genre d’étiquetage politique est très dangereux. Les «Juifs», croyants ou non, ne me contrediront pas.

La diversité des combats et stratégies des femmes

Les femmes elles-mêmes organisent leurs luttes pour les droits humains en parallèle et sur tous ces fronts simultanément. Leurs stratégies abordent le problème de manière appropriée, et vont d’un travail au sein du cadre religieux, avec la ré-interprétation du Coran sous une perspective féministe, à une approche entièrement laïque des droits humains.16

L’interprétation du Coran a longtemps été le monopole de savants masculins, et c’est récemment, il y a une vingtaine d’années, qu’est né un mouvement important dans les rangs de théologiennes féministes et de spécialistes musulmanes des droits des femmes.17 Au début, les partisans non-religieux des droits humains les trouvaient assez proches, voire même complices des tentatives de plus en plus réussies, par des fondamentalistes musulmans, d’infiltrer le domaine des droits humains. La principale distinction entre ces deux mouvements très différents est que les partisan(e)s religieux(ses) des droits des femmes n’essaient pas de monopoliser le domaine des droits humains. Ils (elles) s’allient à des laïques et combinent leurs approches, même si leur principal souci reste une réforme dans le cadre religieux des lois et pratiques qui viennent d’interprétations obscurantistes de la religion. Au contraire, l’approche fondamentaliste exclut toute autre stratégie, et les combat violemment. Pour les fondamentalistes : «en dehors de la religion, pas de salut».

Tout en utilisant le concept trotskiste d’entrisme pour décrire l’utilisation d’un cadre de réforme religieux, je dois nuancer ce concept, car ces femmes ont non seulement envahi un domaine qui n’était pas le leur, mais aussi initié avec succès un dialogue sur l’itjihad (ré-interprétation) qui sommeillait depuis des siècles. Elles ont proposé de nouvelles interprétations qui d’une part retournent au texte originel et à ses racines sémiotiques, et d’autre part développent un champ d’interprétation historique et culturelle vraiment neuf, pour lequel elles se sont largement appuyées sur l’analyse transculturelle développée par les féministes laïques. De cette manière, elles ont considérablement modifié le champ de la recherche théologique islamique.18

D’un autre registre, d’autres femmes, qu’elles soient croyantes ou athées, ne voient pas le débat religieux comme stratégie principale du changement social, même si elles incorporent le travail de pionniers des nouvelles théologiennes féministes. Usant de leur conscience anthropologique du fait qu’un monde musulman homogène n’existe pas, et encore moins une culture musulmane transnationale, elles ont réussi à montrer la diversité des situations dans lesquelles vivent les femmes des pays musulmans et communautés musulmanes à travers le monde. Elles critiquent les lois et les pratiques conservatrices voire inhumaines, et par là condamnent les violations des droits des femmes, peu importe si elles sont justifiées localement, nationalement ou internationalement en référence à la religion. N’étant limitées par aucune coutume ou interprétation religieuse, elles déclarent à propos des droits de reproduction : «Dans nos contextes, on prétend souvent que ces lois, mesures et pratiques découlent de l’Islam. Pourtant, il y a d’importantes variations dans les lois et les mesures effectives d’un pays musulman/une communauté musulmane à l’autre. Par exemple, les mesures de réglementation de la fertilité varient à travers le monde musulman entre une interdiction totale de la contraception et l’avortement forcé et la stérilisation, en fonction des intérêts politiques dominants du moment. Ce qui est similaire à travers le monde musulman, c’est l’utilisation de l’Islam pour justifier de telles mesures. A l’heure actuelle on note la montée en puissance des idéologies politiques classées «fondamentalistes». Les gouvernements qui d’habitude arrivent à contenir la montée de telles forces dans la lutte pour le pouvoir politique, se plient à leurs exigences dès lors qu’il s’agit de la question des femmes. Au cours du processus, leurs intérêts politiques différents se joignent aux intérêts masculins pour nier les droits des femmes.»19

Elles ont aussi montré toutes les bonnes lois et pratiques qui existent dans différents contextes musulmans, qui pourraient et devraient être adoptées dans d’autres contextes musulmans sans apparaître aux détenteurs de la pureté nationale et de l’isolationnisme nationaliste comme «une importation de mœurs étrangères».

WLUML a écrit ceci pour commenter la montée de l’extrême droite «religieuse» :

«Nous craignons, si nous n’agissons pas, de nous retrouver dans une situation qui ne soit pas nécessairement la pire, mais qui soit pire que la situation actuelle, et où par exemple :
  • La déclaration unilatérale et verbale du talaq (répudiation) serait légale, comme c’est actuellement le cas en Inde;
  • Le droit de vote des femmes serait délégué aux hommes, comme ce fut le cas en Algérie pendant deux ans ;
  • La zina (adultère, fornication et toute relation sexuelle extraconjugale) serait passible de lapidation à mort ou de flagellation publique, et/ou d’amende, et/ou d’emprisonnement, comme c’est actuellement le cas au Pakistan. De plus, les femmes dont le mari divorce de manière verbale (donc sans preuve de divorce), peuvent, si elles se remarient, être condamnées pour zina ;
  • La zina bel jabr (viol) nécessite «que quatre témoins oculaires, hommes, adultes et musulmans de bonne réputation fassent une déposition» pour que le violeur reçoive le châtiment maximal, comme c’est actuellement le cas au Pakistan ;
  • Les femmes peuvent être jugées et exécutés pour comportement non-islamique, par exemple rire dans la rue et/ou laisser s’échapper un cheveu du hijab, comme c’est arrivé en Iran ;
  • Le vol serait puni de l’amputation de membres, comme au Soudan et en Arabie Saoudite. Les femmes seraient soumises à la contraception forcée, à l’avortement et à la stérilisation, comme au Bangladesh ;
  • Les femmes n’auraient pas le droit de conduire, comme en Arabie Saoudite ;
  • Les femmes ne pourraient pas quitter le territoire sans la permission de leur père/mari, comme en Iran et en Arabie Saoudite ;
  • Elles n’auraient pas le droit de voter, comme au Koweit ;
  • Elles seraient excisées, comme en Egypte, en Somalie et au Soudan ;
  • Elles seraient données en mariage de force par leur tuteur masculin wali, comme dans les communautés gouvernées par les écoles Maliki et Shafi ;
  • Etc.
«Nous soulignons qu’aucune de ces lois n’existe dans tous les pays musulmans, et qu’elles ne sont pas intrinsèques à l’Islam.

D’autre part nous souhaitons que toutes les femmes puissent profiter des droits suivants, qui existent au moins dans quelques pays musulmans :
  • Le droit de vote à tous les niveaux, comme dans la plupart des pays musulmans/communautés musulmanes;
  • Le droit de choisir leur mari, comme dans les pays dirigés par l’école Hanafi ;
  • Le droit au divorce, comme en Tunisie ;
  • Le droit délégué au divorce (talaq e tafweez), comme au Pakistan et au Bangladesh ;
  • Le droit au partage des biens conjugaux après un divorce, comme en Malaisie ;
  • Le droit de garde de leurs enfants après un divorce, comme en Tunisie;
  • Le droit de demeurer dans le foyer conjugal, au moins jusqu’à l’âge adulte des enfants, comme en Libye ;
  • L’interdiction de la polygamie, comme en Tunisie ;
  • Le droit d’une femme à écourter un remariage, comme au Bangladesh, au Pakistan, à Singapour, etc.»20
Cette stratégie ne pourrait pas exister sans un lien international21 important entre les femmes de pays musulmans et communautés musulmanes à travers le monde, sans conscientisation au sujet de nos points communs et de notre diversité. Elle n’existerait pas sans une compréhension internationale claire que les femmes ont partie liée,22 que les droits que nous obtenons ici doivent influencer positivement des femmes ailleurs, et que les droits que nous perdons ici peuvent influencer négativement des femmes ailleurs. C’est ce qu’illustre bien la diffusion après la révolution iranienne de ce voile répugnant, y compris pour les communautés musulmanes qui avaient des codes culturels vestimentaires complètement différents, et qui souhaitaient les garder. C’est ce qu’illustrent également les tentatives récentes de répandre la mutilation génitale féminine comme pratique musulmane dans plusieurs pays d’Asie qui ne la connaissaient pas. Au niveau mondial, la conférence mondiale de l’ONU sur les populations, au Caire, a donné un formidable exemple de «l’alliance sacrilège» entre le Vatican et El Azhar, qui tentait de mettre fin aux demandes des femmes de droits de reproduction, de contraception et d’avortement. Dans ce cas précis, il s’est avéré que la réduction des droits de reproduction que les femmes avaient récemment connue en Pologne ou en ex RDA, faisait en fait partie d’un effort concerté pour priver de ces droits les femmes en général, et les femmes vivant en contexte musulman en particulier.23

C’est pourquoi les femmes internationalistes plaident fortement en faveur de droits humains universels. Si en effet on critique beaucoup l’universalisme tel qu’il existe aujourd’hui, pour son ethnocentrisme implicite et orienté vers les soi-disant «valeurs occidentales», la plupart des femmes reconnaissent néanmoins le besoin, soutiennent le principe, et oeuvrent pour une nouvelle définition de l’universalité dans les droits humains. La présence massive d’organisations autonomes de droits des femmes de pays musulmans et communautés musulmanes lors de la conférence mondiale de l’ONU sur les femmes prouve que les femmes perçoivent la nécessité urgente non seulement de liens à l’intérieur de contextes musulmans, mais aussi avec le mouvement mondial des femmes. Il ne faut pas confondre ces groupes avec les groupes fondamentalistes, également présents en masse à Pékin (il serait intéressant de rechercher leurs sources de financement) ou d’organisations financées par l’Etat.

Le plus impressionnant est l’intégration, l’interpénétration, la trans-fertilisation, et finalement le renfort et le soutien mutuels de ces différentes stratégies.24 Dans la plupart des cas, loin d’être perçues comme contradictoires ou opposées, elles sont perçues au mieux comme complémentaires, et au moins comme non-antagonistes.25

La construction de la notion de «musulman»

Cette vision du monde est à des lieues de la vision unique des fondamentalistes, pour qui «l’Islam» est la seule solution possible, et son interprétation la seule à pouvoir s’appliquer dans le monde, qu’on le veuille ou non. Pour eux, toutes les luttes pour les droits des femmes, qu’elles soient dans le cadre religieux ou d’un point de vue laïque, sont considérées comme la trahison d’une religion : l’Islam monolithique, la trahison d’une culture : la culture transnationale musulmane imaginaire, et trahison d’une communauté : l’Umma. Les luttes des femmes pour les droits humains sont considérées comme de dangereux facteurs de division du «monde musulman».

Néanmoins, si l’on s’attend à une telle analyse de la part de fondamentalistes, la complicité de libéraux bien intentionnés et de partisans des droits humains avec l’idéologie fondamentaliste surprend. Ce qui m’intéresse le plus, c’est le fait que parmi ces trois stratégies différentes mais complémentaires, une seule soit isolée artificiellement, et reçoive le plus d’attention, de ressources et de reconnaissance. Elle est considérée comme la seule authentique, la meilleure pour les «Musulmans». C’est en effet la stratégie de l’interprétation religieuse. Cela doit préoccuper tous ceux qui reconnaissent la nature fasciste des mouvements fondamentalistes, et le fait que, dans le contexte mondialiste, ces mouvements grandissent partout dans le monde d’aujourd’hui. Au nom du respect des «autres» cultures et religions ou par crainte d’être accusés de racisme (pour les personnes qui sont en dehors de contextes musulmans) ou par intériorisation de la notion de trahison (pour ceux qui, d’une manière ou d’une autre, s’identifient à l’Islam), il existe une réticence non justifiée à nommer et à condamner les violations des droits humains en général, et plus particulièrement ceux des femmes de pays musulmans et communautés musulmanes.

De plus, il existe une réticence à reconnaître la variété des stratégies utilisées par les femmes à travers les pays musulmans et communautés musulmanes, à reconnaître la nécessité de cette variété, leur complémentarité et leur caractère réciproque, et finalement à admettre leur légitimité à toutes. Bref, tandis que nous réclamons la capacité de travailler sur un pied d’égalité politique, non seulement des racistes, mais aussi des gens bien intentionnés et des alliés des femmes, trouvent que nous devrions opter pour la stratégie la plus «musulmane» possible, excluant toutes les autres possibilités, car étrangères.

Cela nous renvoie à l’image d’exotisme souvent associée aux soi-disant «femmes musulmanes». Il semble que le sens de l’identité personnelle des partisans de la stratégie religieuse exclusive est ébranlé si et quand les créatures exotiques s’approchent de trop près, dès que nous nous sentons libres d’utiliser des stratégies qu’ils pensaient n’appartenir qu’à eux seuls. «L’autre» est-il si différent ou si semblable ? Quelles sont les conséquences effrayantes de la similarité à soi ?26 En sélectionnant une stratégie, en limitant le choix, et en imposant ou niant leur identité «musulmane» à des femmes qui, dans leur propre contexte, et à un moment historique précis, choisissent d’autres stratégies, on fait clairement référence à une image imaginaire, anhistorique, et immuable de la «femme musulmane». Cela crispe en effet l’idéologie des fondamentalistes, et crée une construction politique dangereuse de la notion de «musulman». Pourquoi cette construction est-elle si bien reçue et acceptée par des sections aussi différentes du spectre politique, en fait par presque tous ? La notion de différence peut être manipulée de différents points de vue : du point de vue des racistes, du point de vue des fondamentalistes, du point de vue des immigrés, et du point de vue des libéraux et des défenseurs des droits humains. Mais en fin de compte, le différentialisme culturaliste et la xénophilie, malgré le libéralisme individualiste de leurs partisans, se trouvent dans un cercle vicieux de complicité avec le racisme xénophobe.27 Car qu’est-ce que la différence? Les différences sont produites par des circonstances historiques, géographiques et politiques spécifiques. Néanmoins, isolées de leur contexte, lorsqu’on les essentialise et qu’on y fait référence comme étant «naturelles», anhistoriques et immuables, et sous quelque déguisement qu’elles soient présentées, les «différences» nourrissent l’idéologie du racisme. La promotion de la différence a toujours été au cœur des programmes racistes. C’est parce que «l’autre» est défini comme différent, radicalement et ontologiquement, que l’on cesse même de voir son humanité, et qu’on le classe finalement comme untermensch. Les racistes soulignent les différences, comme Hitler, le régime de l’apartheid en Afrique du sud, et les ségrégationnistes du sud des Etats-Unis l’ont fait. Pour le moment, l’extrême droite en Europe a brandi le drapeau de la différence, et l’utilise pour plaider contre la possibilité que les «Musulmans» deviennent des citoyens : «égaux mais différents».

Il n’y a pas lieu ici de débattre de la relation dialectique entre nature et culture. Mais sans surprise, à une époque où les forces politiques d’extrême droite montent en puissance, il y a une recrudescence de la «nature» et de la biologie, y compris dans la théorie féministe et dans la science (par exemple, l’accent porté récemment sur les origines génétiques de l’homosexualité), et le culte de la différence, plutôt que de l’intégration. La «communalisation» (pour utiliser le concept sud-asiatique) des communautés, plutôt que la promotion du «melting pot» (qui est en fait si souvent un échec et une désillusion en pratique) devient le mot à la mode des partisans des droits humains.

Je me permets d’avancer que ces pensées ne peuvent pas être déformées au point d’être mises sur le même pied qu’un plaidoyer pour l’éradication des différences culturelles et de leur homogénéisation à travers l’adoption du «modèle occidental». Je ne souligne que certaines conséquences de la construction politique actuelle d’une «altérité naturelle», particulièrement pour les soi-disant «Musulmans», sur les femmes et sur leurs droits humains.

La notion de différence bénéficie actuellement d’une conjonction d’intérêts qui lui ont donné une proéminence dangereuse. L’incapacité à atteindre l’égalité conduit à l’exaltation et à une forte attirance pour la différence : la politique de nostalgie d’immigrés liés les un aux autres par la confrontation au même racisme. Pour les racistes, les différences sociales sont perçues comme le produit inévitable des différences naturelles, et justifient donc l’exclusion. Des spécialistes en sciences humaines, des «experts» et des politologues étudient les manières de comprendre la différence à travers le «bon sens»28, ils donnent des références universitaires à la «connaissance immédiate».29 Main dans la main avec les racistes et les partis politiques d’extrême droite, exploitant l’incompétence des méthodologies des spécialistes en sciences sociales et la naïveté des libéraux, les fondamentalistes utilisent cet élan pour servir leur programme. A l’intérieur du discours dominant du multiculturalisme et de la multi-ethnicité en Europe et en Amérique du nord, les Musulmans sont perçus comme partageant une religion qui a été promue en culture. Malgré le fait que les «Musulmans» vivent partout dans le monde, et de ce fait dans des configurations culturelles très différentes, malgré le fait qu’au sein d’un seul pays il y ait des différences entre ceux d’origine rurale ou urbaine, riches ou pauvres, cultivés ou illettrés, la religion paraît surdéterminer leurs situations socio-économique et idéologique. L’Islamisme culturaliste suppose une homogénéité cohésive qui n’est en aucun cas le reflet de l’incroyable diversité de la réalité sociale. Sa «culture» fantasmatique semble impénétrable aux autres cultures, aux développements historiques. Invariable avec le temps, il est mort, au lieu de refléter l’histoire vivante de personnes vivantes.

Les partisans des droits humains et les libéraux suivent cette direction idéologique. Au nom du respect de «l’autre», et de la culture de «l’autre», ils répandent le relativisme culturel. Ils veulent redéfinir l’égalité de telle manière qu’elle s’accorde avec la différence. Au nom de la différence, Ils justifient des pratiques qu’ils considèreraient comme barbares pour eux-mêmes. Et ils ne sont même pas sûrs, lorsque des personnes, des femmes concernées mettent en cause cette culture imaginaire, de ne pas être témoins de trahison culturelle, et de ne devoir y objecter, main dans la main avec les fondamentalistes.

Mon exemple préféré fut longtemps celui du débat par le Parlement néerlandais sur l’éventualité d’autoriser sur le territoire des Pays-Bas la pratique de la mutilation génitale féminine, «pour les tranches concernées de la population». De même un très bon exemple a récemment été fourni par une étude sur les immigrés nord-africains en Belgique, qui a conduit à des propositions de lois qui, en cas d’adoption, et malgré le fait que 100% des femmes sondées ont protesté unanimement contre la conclusion (protestation reconnue par l’auteur et le chercheur), établiraient juridiquement la discrimination et l’inégalité, entre les hommes et les femmes immigrés d’une part, et d’autre part entre eux et le reste de la population belge. Les mesures juridiques proposées aboliront (pour ces immigrés et eux seuls) la règle d’égalité qui est le fondement de la constitution, par l’adoption d’amendements inspirés de certaines lois ou coutumes de leur pays d’origine, discriminatoires entre hommes et femmes.30

On ne peut s’empêcher de suggérer quelques questions épistémologiques : qui définit la culture? Les femmes peuvent-elles le faire? La citoyenneté est-elle limitée aux hommes, aux plus âgés, aux «représentants de la communauté» autoproclamés, et aux fondamentalistes qui se font entendre? La culture est-elle immuable, et si oui, à quel siècle décidons-nous (à la place des personnes concernées) qu’elle a cessé d’évoluer ? Même si l’habitude d’éloigner et d’isoler les «sauvages» des «primitifs» pour préserver leur «altérité» authentique a perdu son crédit, il semble que de nouvelles formes de réserves qui ne sont pas d’ordre matériel aient gagné en légitimité.

Les droits humains aujourd’hui sont-ils totalement dépolitisés ? Je n’utilise pas le mot ici comme dans l’expression «politique politicienne», mais dans le sens que lui donnaient les philosophes grecs anciens: une réflexion qui était aussi le devoir de tous les citoyens.

Toutes les opinions, toutes les pratiques ne sont pas valables et respectables de manière égale. Le fondamentalisme et le fascisme ne sont pas simplement une opinion parmi d’autres. Il n’est pas «tolérable», puisque la tolérance semble être considérée de nos jours comme une vertu cardinale, et comme le modèle des droits humains, que les Nazis aient éliminé les personnes inaptes, les communistes, les gitans, les homosexuels, et les Juifs. Que les fondamentalistes hindous vendent par millions des cassettes appelant au meurtre des Musulmans, que les Talibans afghans instaurent l’apartheid entre hommes et femmes, que les fondamentalistes algériens coupent la gorge, la poitrine et les parties génitales des femmes et invoquent l’Islam pour les violer, les féconder, et les contraindre à porter et à produire de «bons Musulmans», comme les Serbes ont fécondé des femmes bosniaques pour les forcer à porter et à produire la race supérieure.

Parce que tous ces crimes ne sont pas des fatalités accidentelles de la guerre, mais les conséquences logiques d’idéologies dont l’intention est clairement, au nom de la pureté de la race et de la croyance sacrée, de commettre ces crimes, et même de justifier l’intention de les commettre, comme le prouvent amplement les fatwas sur Salman Rushdie et sur d’autres citoyens, connus ou non.31

Ces opinions et idéologies ne sont pas seulement d’autres visions de la vie. Doivent-elles être relayées par les organisations de droits humains au nom de la liberté d’expression et d’opinion? Il y a de nombreux exemples, depuis le début de la guerre des fondamentalistes contre les civils en Algérie,32 d’organisations bien établies de droits humains qui ont donné une plate-forme aux fondamentalistes, comme si leurs crimes ne les mettaient pas hors-jeu pour bénéficier de telles alliances. Les organisations de droits humains les voient comme des victimes de la répression des Etats, ce qui est le cas lorsque des Etats ne négocient pas le partage du pouvoir politique avec eux. Mais elles ignorent leur rôle principal de criminels, et l’ampleur de leurs crimes33. De plus, les organisations de droits humains ignorent le fait que l’idéologie des fondamentalistes planifie et justifie tous ces crimes, car ils ne font qu’appliquer leurs principes (religieux ?) lorsqu’ils lapident à mort les auteurs d’adultère, et assassinent les non-croyants. Le merveilleux principe de liberté d’expression n’était pas censé contribuer à diffuser la haine, les appels au meurtre, et des visions qui sont clairement contre les droits humains. Une effrayante confusion entre les fins et les moyens officiels conduit à encourager et à soutenir, au nom de la liberté de pensée et d’expression, et de la démocratie, la libre expression et l’accès au pouvoir qui en découle, des nouveaux Hitler de notre temps.

A la fin d’un siècle qui voit la résurgence d’anciennes religions et de nouvelles sectes, ainsi que de la spiritualité, dans des sociétés qui ont perdu la foi en une transformation vers la justice sociale, les personnes déçues et désespérées se tournent vers des dieux et des valeurs que beaucoup d’entre nous pensions éteints. A la fin d’un siècle qui a vu la mondialisation économique et politique menacer la propre vie des gens, nous sommes les témoins d’une conséquence imprévue de la mondialisation: des individus atomisés, interchangeables, craignant pour leur vie, qui se regroupent instinctivement avec leur famille pour se soutenir mutuellement. Un proverbe nord-africain résume cette réaction : «Moi contre mon frère, moi et mes frères contre mon cousin, moi, mes frères et mes cousins contre ma tribu, moi, mes frères, mes cousins et ma tribu contre la tribu du village voisin…» L’autre face de la mondialisation est la fragmentation des communautés selon les voies de la religion, de l’ethnicité ou de la culture.

C’est la situation sur laquelle les fondamentalismes s’appuient et qu’ils exploitent. Mais n’est-ce pas ce sur quoi tous les fascismes s’appuient? Les droits humains, avec leur contre-objectif de l’universalisme, doivent identifier les fondamentalismes comme la plus grande menace actuelle.

Références

1 A. Belhadj, Alger Républicain, 5 avril 1991.
2 A. Belhadj, le Matin, 29 octobre 1989.
3 A. Belhadj, Horizons, 29 février 1989.
4 A. Madani, Algérie Actualité, 24 décembre 1989.
5 A. Belhadj, “Lettre ouverte à un Mudjahidin”, 2 octobre 1994.
6 A. Haddam, Ennahar (Beyrouth, Liban), novembre 1994.
7 A. Haddam, el Tiempo (Madrid, Spain), 2 janvier 1995.
8 WLUML, Compilation of Information on Crimes of War Against Women in Ex-Yugoslavia: actions and initiatives in their defence (Grabels: WLUML, 1992).
9 ‘Déclaration par 15 érudits musulmans d’Inde, Iran, Pakistan, Bangladesh, Maroc, Soudan, Palestine, Syrie, and Turquie’, Free Inquiry (USA), octobre 1997; reproduit dans WLUML, Dossier 19 (Grabels: WLUML, 1997).
10 WLUML, Aramon Plan of Action, 1986.
11 A. Al-Azmeh, ‘Muslim culture and the European tribe’ in A. Al-Azmeh (ed), Islams and Modernities (London: Verso, 1993); et version longue, dans WLUML, Dossier 19 (Grabels: WLUML, 1997).
12 WLUML, Aramon Plan of Action, 1986.
13 S. Bencheikh, Mariane et le Prophète: l’Islam dans la France laïque (Paris: Grasset, 1998)
14 M. Helie-Lucas, ‘The Preferential symbol for Islamic identity: women in Muslim personal laws’, article présenté lors de la Round Table on Identity Politics, 8-10 Octobre 1990; publié dans: Valentine Moghadem (éd.), Identity Politics and Women (Boulder, Colorado: Westview Press, 1993); et WLUML, Dossier 11/12/13 (Grabels: WLUML, 1996).
15 En français dans le texte (note du traducteur).
16 M. Helie-Lucas, ‘Women’s struggles and strategies in the rise of fundamentalism in the Muslim world: from entryism to internationalism’ in H. Afshar (éd.), Women in the Middle East: perceptions, realities, and struggles for liberation (London: MacMillan, 1993), pp 206–241; and as Occasional Paper No 2 (Grabels: WLUML, 1990).
17 R. Hassan, ‘Selected articles’, in WLUML, Readers & Compilations Series (Grabels: WLUML, 1994).
18 WLUML, For Ourselves: women reading the Qur’an (Grabels: WLUML, 1997).
19 WLUML, ‘Statement to the Cairo UN World Conference on Population’ in WLUML, Women’s Reproductive Rights in Muslim Countries and Communities: issues and resources (Grabels: WLUML, 1994).
20 WLUML, Best Scenario / Worst Scenario (WLUML document interne, 1994).
21 M. Helie-Lucas, ‘L’Internationalisme dans le mouvement des femmes: les réseaux internationaux de femmes’, Occasional Paper N° 4 (Grabels: WLUML, 1994).
22 En français dans le texte (note du traducteur)
23 L. Freedman, ‘The Challenges of fundamentalisms’, Reproductive Health Matters, No. 8, 1996, pp. 55-69; and in WLUML, Dossier 19 (Grabels: WLUML, 1997).
24 F. Shaheed, ‘Controlled or autonomous: identity and the experience of the network Women Living Under Muslim Laws’, Signs, Vol. 19. N°4, été 1994.
25 Sur les concepts de complémentarité et de réciprocité dans la solidarité internationale, voir M. Helie-Lucas, Heart and Soul (WLUML document interne, 1997).
26 K. Malik, ‘The Perils of pluralism’, The Future (Index on Censorship, 1997); et dans WLUML, Dossier 20 (Grabels: WLUML, 1997).
27 A. Al-Azmeh, ‘Muslim culture and the European tribe’ in A. Al-Azmeh (éd.), Islams and Modernities (London: Verso, 1993); et version longue, in WLUML, Dossier 19 (Grabels: WLUML, 1997).
28 P. Bourdieu, Métier de Sociologue (Paris: Mouton and Bordas, 1968).
29 P. Bourdieu, Métier de Sociologue (Paris: Mouton and Bordas, 1968).
30 M. Claire Foblets, Femmes Marocaines et Conflits Familiaux en Immigration: quelles solutions juridiques appropriées? (Anvers: Maklu, 1998).
31 WLUML, Fatwas Against Women in Bangladesh (Grabels: WLUML, 1996).
32 WLUML, Algeria: a war against civilians (WLUML document non publié, 1997).
33 M. Helie-Lucas, ‘Fundamentalism and femicide’ in I. Lourdes Sajor (éd.), Common Grounds: violence against women in war and armed conflict situations (Quezon City: Asian Center for Women’s Human Rights, 1998), pp. 108-121.

Remerciements

Une version plus courte de cet article a été publiée à l’origine dans: C. Howland (éd.), Religious Fundamentalism and the Human Rights of Women (New York: St Martin’s Press, 1999).