Egypte: "Mon voyage en Egypte", par Meriem Maza

Source: 
Maghreb Canada Express
"C’est plus facile de blâmer les autres pour notre tragédie internationale, car bien sur c’est plus confortable pour notre ego de blâmer ce qu’on appelle les mécréants, l’Amérique, Israël ou encore l’occident en général."
"Mon dernier voyage en Egypte était fabuleux. J’ai visité tout ce qu’il y avait à voir au Caire, des pyramides de Gizeh à la citadelle de Mohammed Ali.
J’ai pris ces petites felouques pour aller voir les lotus du Nil se remplir des rouges rayons du soleil au coucher. Le goût de la délicieuse « shaw arma » de Khan el Khalili a mis longtemps pour quitter mes papilles et puis j’ai visité la sublime mosquée d’Al Azhar. Quelle émotion! Et quel honneur! De prier dans cette mosquée qui a enfanté quelques uns des leaders et des héros du monde Arabo- Musulman…

Un vieillard plein de foi et de savoir avait accepté humblement de me guider à l’intérieur. Je l’ai suivi dans les grandes salles de prières, les couloirs obscurs, la librairie et jusqu’au minaret. « Les 99 marches qui mènent en haut du minaret aident le muezzin a invoquer les 99 noms de Dieu pendant son ascension » disait mon guide.

En même temps que j’écoutais les douces paroles du vieil homme, Je humais les vapeurs de mes souvenirs d’enfant écoutant avec émerveillement mon prof d’Arabe nous parler de ces grands écrivains ou politiques musulmans qui sont sortis du giron de cette université. Il nous racontait qu’afin d’avoir le privilège et l’honneur de faire Al Azhar, on devait apprendre par coeur les soixante chapitres du Coran ainsi que les milles vers du poème d’Ibn Malik qui résume toutes les règles de grammaire et de syntaxe de la langue arabe.

J’avais donc une idée romancée de ce qu’était cette élite qui avait accès à ces lieux, jusqu'à ce qu’on s’arrête sur une terrasse inondée de lumière et où des petits oiseaux gazouillaient joyeusement. Le Cheikh me montra du doigt la cité universitaire d’Al Azhar. Un très vieux bâtiment dans lequel logent de jeunes étudiants venus des quatre coins du monde musulman pour s’abreuver du savoir des ancêtres, comprendre le Coran et prendre exemple sur la conduite irréprochable du prophète Mohammed (prière et salut sur lui). Leur rôle a toujours été de porter le flambeau de la connaissance et le faire rayonner sur leurs pays, leur cites ou leurs villes a leur retour. J’ai longuement regarde les petites fenêtres des chambres.

Il y avait du linge clair accroché sur quelques unes, puis en baissant le regard je vois que les fenêtres donnent sur une terrasse vacante, apparemment inaccessible. La terrasse était pleine de canettes et de bouteilles vides, de sacs en plastic et de toutes sortes de déchets et d’immondices que les étudiants, certainement trop paresseux, ont préféré jeter par la fenêtre plutôt que de les descendre avec les poubelles. J’avais déjà été profondément déçue par les cités universitaires que j’ai fréquenté dans mon pays l’Algérie et Dieu m’est témoin qu’il m’était pénible de me tenir quelques minutes dans les toilettes des lieux, tellement c’était lamentablement sale!

Voir que nos futurs médecins, ingénieurs, avocats et enseignants manquent aux règles de bases de civisme me laissait peu d’espoir pour le reste du peuple. Mais l’exemple d’Al Azhar, qui n’a rien à avoir avec l’Egypte en particulier, m’a semblé monumental. C’est peut être un détail. Mais un détail qui résume toute la tragédie du monde Musulman d’aujourd’hui; car si nos leaders religieux, ceux qui sont sensés tenir des discours dans les mosquées, ceux qui sont sensés être un exemple pour nos générations futures se comportent ainsi et manquent aux règles de l’hygiène et de civisme qui sont à la base même de l’Islam, que peut on attendre de cette Nation?

Le manque d’hygiène dans nos rues et nos places publiques témoigne d’une médiocrité générale. Une médiocrité qui affecte notre travail de tous les jours, notre comportement dans la rue, notre attitude envers les femmes, elle affecte la qualité de notre littérature qui ne rayonne plus depuis longtemps sur le monde car simplement elle ne l’intéresse plus. Le drame c’est que même nos rêves sont devenus médiocres.

Je sais que c’est un discours gênant mais je parle d’une chose que tout le monde sait. Les autres, les occidentaux, ou non musulmans le savent mais ne nous le disent pas, par pudeur, peut être, d’être taxés racistes. Nous le savons parfaitement de nous même mais nos coeurs sont trop pleins d’orgueil et de paresse pour nous l’admettre et ensuite essayer de changer. C’est toujours plus facile de se laisser aller!

Nous préférons, nous enivrer des histoires d’une gloire ancienne et lointaine, et de croire que nous sommes mieux que les autres peuples par la simple raison que nous nous appelons Musulmans. C’est plus facile de blâmer les autres pour notre tragédie internationale, car bien sur c’est plus confortable pour notre ego de blâmer ce qu’on appelle les mécréants, l’Amérique, Israël ou encore l’occident en général. Nous blâmons tous ceux qui ne nous ressemblent pas, même ceux qui nous accueillent sur leur terre.

J’ai entendu dire que dans l’une des mosquées de Montréal (grâce à Dieu, dans celle-ci seulement!), pendant une khotba (prêche) du Vendredi qui avait coïncidé avec les dernières fêtes de noël, l’imam se serait adressé aux musulmans présents en ces termes: « …ne leurs présentez pas de voeux (impliquant les Québécois Chrétiens), ce sont des mécréants et des pervers, ne laissez pas vos enfants imiter les leurs... ».

J’ai été offusquée d’entendre cela! Quelle honte! Quelle honte! Quelle honte!…l’ai-je suffisamment dit? Quelle Honte! Etre accueilli à bras ouverts par un autre peuple, manger la nourriture de sa terre, boire son eau, marcher dans ses rues, prendre ses bus et recevoir son aide sociale, faire traiter nos enfants par ses médecins et être protégés par ses policiers, avoir la permission et l’aide de construire une mosquée pour pratiquer en toute liberté notre religion pour qu’en fin de compte on s’ y ordonne de les haïr, les rejeter et les dénigrer! Oh mon Cher prophète Mohammed (PSL)! Si seulement tu étais là pour voir cela!

Ne nous a-t-il pas enseigne d’aimer tous les êtres humains et d’être bons envers eux?

N’a-t-il pas prêté sa mosquée aux chrétiens de béni Nedjran, qui étaient de passage, pour célébrer leur office? N’avait il pas un voisin Juif avec lequel il partageait sa nourriture et auquel il rendait visite à chaque fois qu’il tombait malade?

La connaissance par coeur du Coran et la Charia ne sont pas des critères suffisants pour le choix de l’Imam. Les Imams de demain devraient en plus avoir des connaissances dans tous les domaines de la science de l’astronomie à la génétique, de l’océanographie à la littérature universelle. Ils utiliseraient l’Internet pour confectionner leur discours du vendredi. Ils nageraient et feraient de l’équitation, ils s’intéresseraient aux voyages et à la découverte ils seront surtout bons, pas seulement pour les musulmans mais pour tous les êtres humains.

Où sont ces Hommes qui prendront en charge notre nation de demain?

Demain c’est aujourd’hui! Et voici qu’aujourd’hui nous avons un demi milliard d’utérus. Ne sont ils pas capables de nous enfanter, un homme, un seul? Un Alexandre le Grand qui puisse dépoussiérer cette nation, la réunir, l’éduquer, lui lever la tête parmi les autres nations et la faire rayonner de sagesse, de bonté et de justice."

Par: Meriem Maza

Maghreb Canada Express, Volume II, Numéro 3, Mars 2004 (p.9)