France: "Ecoles privées musulmanes, pourquoi pas?"

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Le Figaro/Histoires de Memoire/AceiWeb
Malgré la loi interdisant le voile à l’école publique, le boom du privé musulman n’a pas eu lieu.
(1) Le visage ceint d’un foulard clair, Najaoua, professeur des sciences de la vie et de la terre, corrige un élève. «Fais une phrase complète, s’il te plaît.» Sans broncher, l’ado s’exécute. Devant les paillasses, les vingt élèves de 4e affichent un silence studieux. Ici, on est attentif, on lève le doigt, on participe.
Le collège-lycée La Réussite, à Aubervilliers, n’a pas choisi son nom au hasard. Plus qu’un lieu confessionnel, l’établissement privé musulman, créé en 2001 par une association du même nom, se veut un modèle de travail et de discipline. «J’ai voulu donner une alternative aux jeunes du 93, montrer qu’ils peuvent réussir autant que les autres», explique Dhaou Meskine, le fondateur, qui milite de longue date pour le rapprochement interreligieux.

Les résultats au brevet (100% en 2005 et 93% en 2006) sont encourageants. L’an dernier, 180 demandes d’inscription ont été enregistrées. De quoi aider l’école à atteindre son but: devenir le premier établissement musulman de métropole à décrocher un contrat d’association avec l’État. Et obtenir ainsi le financement nécessaire à son fonctionnement.

Pour l’instant, les frais d’inscription (1 500 euros) couvrent difficilement les dépenses. Au rectorat de Créteil, qui a refusé l’an passé une première demande de l’établissement, on affirme que «l’examen du dossier est positif».

Quatre écoles au total

Un premier pas vers la banalisation? Malgré la loi de 2003 interdisant le port des signes religieux à l’école publique, la multiplication annoncée des écoles musulmanes n’a pas eu lieu.

En plus de La Réussite, l’Éducation nationale en comptabilise trois: l’école primaire Taalim-al-Islam, ouverte en 1990 à la Réunion, le lycée Averroès, ouvert en 2003 à Lille, et le collège-lycée al-Kindi, fondé cette année à Décines.

Soit quelques centaines d’élèves. Selon l’Union des organisations islamiques de France, un mouvement radical, deux autres projets pourraient voir le jour: une 6e à Vitry-sur-Seine, pour laquelle «les autorisations sont en cours»; une autre à Marseille, «mais pas à la rentrée».

Ces initiatives, toutes le fait d’associations privées, gênent Me Hafiz, délégué général du Conseil français du culte musulman et représentant de la Mosquée de Paris (modérée). «Les associations devraient se cantonner à un enseignement de l’arabe et des préceptes religieux», dit-il.

Reste que beaucoup de parents semblent attachés à la possibilité qu’offrent ces écoles de cultiver l’identité arabo-musulmane de leurs enfants.

À Aubervilliers, la religion n’est pas affichée comme prioritaire. «Chez les parents, la reliogiosité passe après les résultats scolaires», assure Dhaou Meskine.

L’heure de religion est facultative. Sarah, 17 ans, qui ne suit pas ce cours, apprécie «la proximité avec les profs autant que le fait d’être voilée». Comme elle, la majorité des jeunes filles et des enseignantes sont coiffées d’un foulard. L’apprentissage de l’arabe est la seule obligation. «Ici on est tous musulmans, on n’est pas méprisés», se réjouit Leila, 12 ans.

«Les écoles catholiques et juives peuvent approfondir leurs racines», observe le directeur, Fayçal Menia. «Pourquoi pas nous?»

Par: Anne-Noémie Dorion

Le Figaro

17 juillet 2007

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(2) La Réussite exemplaire d’Aubervilliers

Visite du premier collège musulman d’Ile-de-France, qui a réussi à imposer une image de respectabilité mais suscite toujours les controverses. Ce matin-là, comme tous les matins, les élèves du collège Réussite passent devant le collège public d’Aubervilliers, Rosa Luxembourg, pour se rendre dans leur établissement privé situé quelques mètres plus loin.

Mais ce lundi n’est pas un jour comme les autres pour la centaine d’élèves du collège: c’est la rentrée des vacances de l’Aïd, la fête marquant la fin du Ramadan. Dans un préau décoré de ballons, les élèves sont invités à préparer des sketchs et petits gâteaux pour une cérémonie qui aura lieu le lendemain et sera centrée sur la récitation du Coran.

Pour Dhaou Meskine, fondateur du collège en 2001, cette situation a allure de rêve en voie de réalisation. Il y a quelques années, un parent français musulman souhaitant scolariser son enfant dans un établissement privé de sa confession n’avait qu’une solution: l’envoyer à la Réunion!

En métropole, il existait des établissements privés confessionnels pour les catholiques, les protestants, les juifs, mais pas pour la deuxième religion de France. C’est pour réagir contre ce qu’il percevait comme une injustice que M. Meskine, secrétaire général du Conseil des imams de France et imam à Clichy-Sous-Bois, a décidé de créer le premier collège privé musulman de métropole, à Aubervilliers.

Cet établissement, dont l’ouverture a été très médiatisée, accueille aujourd’hui garçons et filles, de la sixième à la seconde.

N’en déplaise au journaliste Marc Rossi qui dénonce sur Internet «l’islamisation de la France» et écrit, à propos des collèges privés musulmans, «je doute fort que l’on y enseigne Corneille, Racine et Molière», le collège Réussite se conforme aux programmes officiels du ministère de l’Education. Ce matin-là, les élèves de quatrième rendent à leur professeur de français des fiches de lecture sur Les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas avant de plancher sur Carmen de Mérimée.

Seules différences notables avec l’enseignement dispensé par le public, l’obligation pour tous de suivre des cours d’arabe, en première ou deuxième langue, et la présence dans les emplois du temps d’une heure hebdomadaire d’enseignement religieux, dispensée en français. Cette heure est néanmoins facultative et certains élèves décident de ne pas y assister, en raison du caractère très basique de cet enseignement, selon M.Meskine. Malgré les peurs et les fantasmes que son existence suscite, le collège Réussite est donc loin d’être une école coranique ou une madrasa.

Aux dires des élèves et des professeurs, la vraie différence avec les établissements publics réside dans l’atmosphère de travail qui y règne. «Les seuls problèmes de discipline qu’on a, c’est les chewing-gums!», affirme en riant Yvonne Fazilleau, principale du collège et «transfuge» du public où elle a travaillé pendant vingt-sept ans. Iman, élève de cinquième voilée de rose, renchérit: «Là-bas [dans le public] c’est vulgaire, les élèves ne respectent pas les profs!».

Si les problèmes de discipline sont quasi-inexistants à Réussite, c’est que les élèves ne sont en moyenne que vingt par classe et sont sélectionnés sur leur motivation. Un élève candidat sur six seulement se voit ouvrir les portes de ce collège très sollicité. Et ce ne sont pas ses 100% de réussite au Brevet des collèges de l’année dernière qui vont inverser la tendance, alors que la moyenne de Seine Saint-Denis atteint péniblement les 73.8% (chiffre de 2004).

Les élèves ont pourtant passé l’examen dans des conditions difficiles: le collège n’étant pas encore sous contrat avec l’Education Nationale, les résultats du contrôle continu n’étaient pas pris en compte et ils ont dû passer six matières au lieu de trois.

Pour un établissement scolaire à fondement confessionnel, le passage de contrat avec l’Education Nationale, qui permet d’obtenir des subventions publiques, intervient normalement au bout de cinq ans. M.Meskine a donc bon espoir de l’obtenir bientôt, «Inch’Allah». Le fondateur du collège avoue être fatigué de l’endettement chronique de son établissement.

Les 1500 euros par an à la charge des parents -relativement aisés- des élèves sont insuffisants pour faire tourner le collège, d’où une quête permanente de fonds auprès de la communauté musulmane du département et d’entreprises.

M.Meskine considère avoir tout fait pour mériter le contrat d’association avec l’Etat. «Tout le monde reconnaît que nous sommes très ouverts», déclare-t-il, avant d’énumérer fièrement les sorties organisées par le collège, de la commémoration du 11 novembre l’an dernier avec des élèves d’établissements juifs et catholiques à une classe verte.

D’un commun accord avec le personnel enseignant, M.Meskine a en effet choisi d’axer la culture de l’établissement sur le dialogue avec les autres religions et la protection de l’environnement. S’il se dit tout à fait prêt à accepter des élèves non musulmans au collège Réussite, le cas ne s’est pas encore présenté.

Actuellement, tous les élèves se rendent à la séance de prière, théoriquement facultative, pour laquelle un quart d’heure a été réservé à la fin de la pause de midi. Et toutes les enseignantes et surveillantes portent foulard ou voile, à l’exception d’une qui porte un chapeau.

Chez les élèves filles, même si chacune se dit parfaitement libre de ses choix, le port du voile fait également l’unanimité à partir de la troisième, tandis qu’environ deux tiers des plus jeunes le portent.

Les filles se disent «heureuses d’avoir la chance de pratiquer [leur] religion» sans se sentir stigmatisées. Elles ont des cours de sport non mixtes et une salle de cantine séparée de celle des garçons, mais courent avec eux autour des tables de ping-pong à la récréation.

Pour M. Meskin, l’islam enseigné au collège est «un Islam sans tendance», qui ne valorise aucune des quatre branches du sunnisme. Mais le chador noir descendant plus bas que leur taille de certaines surveillantes et de plusieurs élèves semble la manifestation d’une conception plutôt rigoriste de l’islam, qui s’exprime de manière « ostensible » au collège, même si elle n’y est pas prônée.

Du lycée Averroès de Lille, établissement musulman ouvert en 2003, au projet de collège musulman de Marseille, c’est souvent l’Union des organisations islamiques de France, proche des Frères Musulmans et militant pour le port du voile depuis le début des années 1990, qui favorise la création des établissements privés musulmans. Ce n’est pas la position de toute la communauté musulmane.

Karim Azouz, membre du Collectif des musulmans de France, considère ainsi que les collèges musulmans risquent de «créer un ghetto dans le ghetto» et qu’il est beaucoup plus important pour la communauté musulmane de «se battre politiquement pour un enseignement public tolérant et inclusif et contre l’interdiction du voile que de créer des écoles musulmanes», fardeaux financiers pour une communauté musulmane objectivement moins aisée que celles des autres religions.

Pour M. Meskine et les dix-sept autres membres de l’équipe pédagogique et administrative du collège Réussite, dont l’objectif consiste à ouvrir une nouvelle classe à chaque rentrée afin d’accompagner leurs élèves jusqu’au Baccalauréat, le défi est donc de rester sur la voie du dialogue et de l’ouverture et de prouver que leurs élèves, filles comme garçons, disposeront de tous les atouts pour s’intégrer et s’épanouir dans leur vie professionnelle et citoyenne.

Par: Béatrice Roman-Amat

5 août 2007

www.histoiresdememoire.org

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(3) Enseignement Privé en France

Les établissements scolaires privés catholique ou laïque de France

L’Annuaire National Officiel de l’Enseignement Privé recense tous les établissements privés d’enseignement catholique ou laïque de France:

* 5300 écoles privées primaires et maternelles
* 1600 collèges privés et écoles privées secondaires du Ier cycle -
* 1100 lycées privés et écoles privées secondaires du 2ème cycle -
* 800 lycées techniques privés ou lycées professionnels privés -
* 500 écoles, collèges ou lycées agricoles privés -
* 1700 Grandes Ecoles, Universités et Facultés privées, établissements d’enseignement supérieur privé -
* 700 internats privés, accessibles selon le niveau de scolarité

Les établissements scolaires privés juifs

En 2003, On comptait une centaine de groupes scolaires juifs, incorporant au total 256 établissements. Ces établissements accueillaient environ 30000 élèves, soit 30% des jeunes Juifs appartenant à la couche d’âge correspondante. Au total, on estime qu’environ 50% des jeunes Juifs français passent par une école juive au cours de leur scolarité: en effet, certains quittent l’école juive au terme du premier degré, tandis que d’autres ne la rejoignent qu’au moment d’entrer dans le second degré.

Les établissements scolaires privés musulmans

* 3 collèges et/ou Lycée (Lycée Averroes - Collège de la réussite Aubervilliers - Lycée Al Kindi Lyon-Décines)
* 1 école primaire (Marseille)

Source: http://www.aceiweb.org/ecole.htm