Algérie: Elle est déclarée illicite après la mort d'une fillette en Egypte...Qu'en est-il de l'excision en Algérie?

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Le Quotidien d'Oran
En Algérie, l'excision reste étrangère au lexique social.
Beddour Ahmed Chaker aurait vécu dans l'anonymat le plus complet si, il y a un peu plus d'une semaine, cette Egyptienne de onze ans n'avait pas rendu l'âme sur une table d'opération suite à une dose d'anesthésie qualifiée de mortelle par les enquêteurs. Dans un cabinet privé, une femme médecin s'apprêtait à l'exciser.
Une mort qui a pris de telles proportions qu'elle a forcé le mufti d'Egypte, Ali Joumâa, à déclarer la pratique de l'excision illicite. Avant la mort de la petite Beddour, il n'y a jamais eu une condamnation aussi claire et prononcée contre ce phénomène qui, dit-on, est généralisé en Egypte et dans certains pays d'Afrique subsaharienne, notamment le Burkina Faso, le Niger, le Mali et le Sénégal, principaux pourvoyeurs des contingents de clandestins africains qui transitent et s'installent aux périphéries frontalières algériennes, principalement à Maghnia, Adrar et Tamanrasset.

L'excision n'a pourtant pas été formellement mise au banc des accusés par certains exégètes et hommes de foi réputés malgré les déclarations de Cheikh Al Azhar, Mohamed Sayed Tantaoui, qui a reconnu que sa pratique n'avait rien à voir avec les préceptes de l'islam tout en demandant un avis médical avant toute intervention. Le poids des traditions prenant le pas sur la religion, on compte quelque 97% d'Egyptiennes qui seraient excisées selon la dernière étude démographique (DHS, Demographic Health Survey) effectuée par le Conseil national de la maternité et de l'enfance égyptien. Un chiffre, cependant, à prendre avec d'extrêmes précautions puisque frappé de suspicion par les Egyptiens eux-mêmes qui y voient une raison de vivre d'ONG qui tireraient des profits de ce phénomène non seulement pour exister, mais aussi pour recevoir des aides provenant de l'étranger. Une accusation qui en dit long sur la bataille de l'excision laquelle, selon des déclarations officielles de la conférence pour la lutte contre l'excision, serait en train d'être gagnée puisque le nombre de victimes est en baisse. L'excision, considérée comme un symbole de chasteté, toucherait, d'après l'OMS, 130 millions de femmes dans le monde et en France cette pratique est illégale et elle est passible de dix ans de prison et 150.000 euros d'amende.

En Algérie, l'excision reste étrangère au lexique social. Manel, la trentaine, universitaire, hausse les épaules à l'énoncé du sujet. «Je n'en ai jamais entendu parler», résumera-t-elle ses connaissances dans le domaine. Son amie, Samia, sera plus prolixe en affirmant que cette pratique est étrangère à l'islam. «En aucun cas la religion n'a fait part d'une telle pratique que je trouve venue d'un autre âge. On n'a pas idée de violer l'intimité de jeunes filles en les mutilant et en les complexant dès leur jeune âge», faisant référence à ce qui se passe en Egypte. Yamina, employée dans une agence de voyages et portant le hijab, fera part de son indignation lorsqu'on cherche à trouver un rapport qui existerait entre l'excision et l'islam. «Notre religion est étrangère à ces pratiques barbares et on doit emprisonner tous ceux qui sont responsables de telles dérives à commencer par les parents qui livrent leurs filles en pâture aux ciseaux d'exciseurs assassins», s'emportant contre les médias étrangers qui cherchent, selon elle, à nuire davantage à l'image de l'islam.

Même si cette pratique n'a pas cours dans les moeurs algériennes et on ne connaît pas de cas similaire recensé dans les annales médicales et judiciaires nationales, il n'en demeure pas moins que de fortes présomptions pèsent sur les communautés africaines qui ont pris leurs quartiers dans les villes frontalières et plus précisément au sud du pays. Si aux frontières ouest il ne subsiste pas de doute quant à l'absence de l'excision parmi la population émigrée puisque la région est considérée comme un point de passage vers l'Espagne via le sol chérifien, l'écho de soupçons provient des villes de Tam ou d'Adrar qui constituent un réservoir important de la population d'Afrique noire. La forte concentration d'Africains avec leurs familles qui se sont «sédentarisés» sur le sol algérien et la persistance de leurs coutumes et règles font craindre la présence de telles pratiques parmi leurs rangs malgré l'absence de faits édifiants ou de cas avérés d'excision.

Le Dr Abed Khouidmi, responsable du Croissant-Rouge algérien, bureau d'Oran, n'a pas eu connaissance de telles pratiques et ignore si elles ont cours parmi la communauté émigrée. «Je sais qu'elle est courante en Egypte mais en Algérie on n'a jusqu'à maintenant enregistré aucun cas», dira-t-il. Le même discours est entendu dans la bouche du Dr Benbrahim, responsable du programme «hôpital ami des bébés» à Oran. «A ma connaissance, il n'y a jamais eu de telles pratiques chez nous», affirmera-t-elle. Qu'en est-il réellement de l'excision en Algérie? La question mérite d'être posée et mérite davantage qu'on puisse y répondre.

03 Juillet 2007

Par: Ayoub El Mehdi