Algérie: Mise à jour sur les kamikazes d'Alger

Source: 
Liberte-Algerie
Deux kamikazes du palais sont identifiée.
(1) Le kamikaze du palais identifié: Son vrai nom est Oudina Bilal

Le kamikaze en survêtement bleu, encadré de deux kalachnikovs que le communiqué d’al-Qaïda au Maghreb présente comme un “martyr” répondant à l’alias de Mouad Ben Djebel, n’est autre qu’un jeune de 23 ans dont la véritable identité a été retracée.

Il s’agit de Oudina Bilal, un délinquant connu des services de police d’Alger qui résidait à la cité la Montagne, dans la banlieue est d’Alger, et qui est multirécidiviste.

Selon nos informations, Oudina Bilal a été arrêté et emprisonné trois fois dans des affaires liées au trafic de drogue. Lui-même amateur de cannabis, il était fiché comme un dealer notoire des quartiers d’El-Harrach et d’El-Maqaria. Il avait purgé des petites peines à la prison d’El-Harrach où il a passé plusieurs mois récemment. Ce kamikaze a eu, selon nos sources, une transformation radicale depuis 6 mois lorsqu’il s’est mis à la prière et a commencé à fréquenter la mouvance islamiste.

Or, il a disparu de son quartier depuis 3 mois et son entourage avait cru qu’il a été à nouveau arrêté pour une affaire de drogue.

Mais jusqu’à hier, où il a réapparu au volant de la voiture piégée qui avait défoncé le portail du Palais du gouvernement, Oudina Bilal semble avoir subi un endoctrinement poussé au sein du GSPC qui n’a eu aucun mal à convertir ce délinquant, qu’on disait “désespéré” à la mort en lui promettant le paradis comme le prouvent les méthodes de formation terroriste. C’est donc dans le milieu délinquant que le GSPC a recruté un des trois kamikazes du 11 avril. Son profil de petite frappe est banal et sans envergure.

Exactement ce qui intéresse les recruteurs d’al-Qaïda qui choisissent des kamikazes à faible personnalité et influençable, facile à endoctriner.

Mais pour ce faire, il faut isoler la recrue du monde extérieur et la préparer intensivement à travers un endoctrinement religieux basé sur le sacrifice, et c’est probablement ce que le GSPC a réussi à faire.

Car Oudina Billal ne présentait aucun signe d’un extrémiste islamiste convaincu et militant. Reste maintenant à définir l’identité des deux autres kamikazes qui ont reçu le même entraînement probablement dans les maquis de Boumerdès.

Par: Mounir Boudjema

Liberté-Algérie, 14 avril 2007

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(2) Un deuxième kamikaze identifié

Dans la vidéo d’al-Qaïda au Maghreb, il répond au nom d’Abou Doujana. Comme les deux autres kamikazes du 11 avril, il est encadré par deux kalachnikovs et on ne perçoit que son regard hagard. Le second kamikaze répond au véritable nom de Benchiheb Mouloud, plus connu sous le pseudonyme de “Hocine” et habite le centre d’Alger, à moins de cent mètres du… Palais du gouvernement.

Âgé de 29 ans, Benchiheb est comme Boudina un ancien dealer de drogue qui avait rejoint le GSPC. Disparu de son quartier de l’ex-rue Duc-des-Cars, au cœur d’Alger, depuis 5 années, lorsqu’il avait définitivement rejoint les maquis du GSPC à l’est d’Alger, il n’avait donné aucun signe de vie avant de se faire exploser devant le commissariat de Bab Ezzouar.

À la fin des années 90, Benchiheb Mouloud était connu des services de police comme étant un petit dealer de drogue de ce quartier d’Alger qui débouche sur le Palais du gouvernement. Il n’habitait pas un bidonville comme Boudina, mais un immeuble correct non loin du siège de la Sonelgaz, et est issu d’une famille dont les membres ont eu plusieurs démêlés avec la justice. Son jeune frère est actuellement en prison pour attentat à la pudeur contre mineur et purge sa peine. Celui qui était connu comme “Hocine” avait également été arrêté en 1998 pour trafic de drogue et écroué. C’est à la prison de Serkadji qu’il a été pris en charge par les anciens militants du FIS dissous et des terroristes emprisonnés du GIA. Il en ressortira comme “agent de soutien” dans un réseau logistique d’aide au GSPC. Son nom est cité dans une affaire de terrorisme, et retombe. Il est emprisonné à nouveau et se radicalise.

Après avoir purgé sa peine, il se volatilise. Il venait de rejoindre le maquis du GSPC. Le parcours de Benchiheb est symptomatique des techniques d’enrôlement du GSPC, notamment dans les prisons en direction des “droits communs”. Dealers de drogue, délinquants primaires, voleurs à la tire sont une proie facile pour les agents recruteurs du GSPC. Benchiheb est paradoxalement un des rares terroristes de ce quartier qui était acquis un moment aux islamistes avant l’affaire de la “villa du Télemly”, qui avait abrité l’un des premiers congrès du GIA en 1992.

Dans la matinée d’hier, le ministre de l’Intérieur Yazid Zerhouni avait bien indiqué que les “deux autres kamikazes ont été identifiés”. L’enquête n’est qu’à ses débuts pour connaître les réseaux algérois du GSPC à travers plusieurs perquisitions et rafles dans les milieux proches des islamistes radicaux et les anciens membres des réseaux de soutien en liberté. Le profil de Benchiheb indique notamment que cet Algérois, qui était admirateur de l’ancien “émir” du GIA Moh Jetta, également du quartier, est devenu kamikaze à travers un endoctrinement progressif des prisons au maquis.

Par: Mounir Boudjema

Liberté-Algérie, 16 avril 2007

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(3) Une note de l’ambassade évoque des attentats imminentes

L’ambassade américaine a lancé, hier, un nouveau warning à l’égard de ses ressortissants présents en Algérie et a mis en garde de manière détaillée contre d’éventuels attentats au centre-ville d’Alger. Une approche nouvelle qui dérange et jette un froid certain sur un partenariat qualifié de stratégique et d’exception, dans le cadre de la lutte globale contre le terrorisme, où Alger et Washington sont des alliés.

C’est sur la base “d’informations non confirmées” que l’ambassade des États-Unis d’Amérique à Alger vient de mêler son grain de sel à l’état de psychose qui règne dans la capitale depuis les attentats kamikazes perpétrés mercredi dernier contre le Palais du gouvernement et le commissariat de Bab-Ezzouar, faisant, selon le bilan officiel, 35 morts et près de 220 blessés. “Selon des informations non confirmées, des attentats pourraient être planifiés à Alger le 14 avril dans des zones pouvant inclure, entre autres, la Grande-Poste (centre-ville), et le siège de l’ENTV sur le boulevard des Martyrs”, avertit l’ambassade américaine dans un communiqué mis en ligne sur son site et repris par l’AFP. L’ambassade américaine a précisé qu’elle resterait “ouverte comme d’habitude” samedi, mais qu’elle allait réduire “les mouvements de son personnel en ville”. Elle a également demandé aux ressortissants américains voyageant en Algérie de contacter le consulat américain.

Si les conseils aux voyageurs relèvent des prérogatives et devoirs des chancelleries à l’égard de leurs ressortissants, les Américains viennent toutefois d’élever cette démarche à un stade encore inconnu en Algérie. D’autant que la représentation diplomatique US affirme elle-même qu’elle se base sur des informations “non confirmées”.

Au-delà de la véracité ou non de la menace, les Américains viennent de désigner des cibles potentielles et semer via un communiqué public la terreur chez les Algérois traumatisés par les attentats de mercredi dernier et qui se replongent bien malgré eux dans les années noires du terrorisme.

Un fait en soi gravissime puisque les diplomates américains viennent de prêter le flanc à la fois à la rumeur et court-circuiter de facto le travail des forces de l’ordre.

À Alger, l’alerte donnée par les Américains a jeté un froid. Il s’agit là d’une première dans les pratiques diplomatiques bilatérales.

L’attitude américaine et le procédé utilisé dérangent pour différentes raisons. Ils interviennent bruyamment à un moment très sensible et touchent à une information à la fois sensible, stratégique et de souveraineté nationale qu’ils n’avaient peut-être pas le droit de communiquer d’une telle manière.

Trois hypothèses peuvent être avancées pour essayer du moins de comprendre le pavé jeté dans la mare par les Américains.

La représentation diplomatique a pu, dans le cadre des échanges bilatéraux, avoir accès à des informations sur l’existence d’une menace éventuelle en vue de prendre les mesures de sécurité nécessaires. Situation plausible entre deux partenaires stratégiques et qui ont en commun un objectif certain, lutter irrémédiablement contre le terrorisme.

Et dans ce cadre, elle n’avait pas le droit de la divulguer de manière aussi précise et détaillée. Elle pouvait agir de manière beaucoup plus nuancée, elle en a les moyens. L’ambassade a pu également obtenir de telles informations par ses propres moyens, et l’usage diplomatique veut qu’elle les communique aux autorités compétentes afin que des mesures puissent être prises ou du moins pour en vérifier la véracité avant d’agir.

Sur la base du communiqué, notamment le volet relatif aux “informations non confirmées”, cette hypothèse est pour beaucoup à écarter.

D’autant qu’il n’y a pas eu de mesures sécuritaires autres que celles existant déjà. Les forces de l’ordre étant plus qu’en alerte maximum depuis les attentats kamikazes. Pour certains, la représentation diplomatique américaine a agi en électron libre, de manière peu délicate et qui frise l’irresponsabilité. D’autant que les Américains s’étaient déjà illustrés, il y a quelques jours, par une alerte sur des attentats éventuels sur des avions et qui n’ont jamais eu lieu heureusement.

Certains n’auront pas manqué de s’interroger sur les paramètres qui ont poussé l’ambassade à agir d’une telle manière. Ils la lient au refus catégorique d’Alger à abriter une quelconque base militaire étrangère, la lecture américaine sur la situation terroriste en Afrique du Nord ou encore à la question du Sahara occidental. Pour d’autres encore, la personnalité du nouvel ambassadeur américain accrédité à Alger n’est pas éloignée d’un tel procédé.

Réputé proche des milieux islamistes, Robert S. Ford a fait ses armes en Irak et plus exactement dans la capitale irakienne après la chute de Saddam Hussein. Bagdad étant depuis à feu et à sang. Il faut reconnaître que c’est la première fois que la chancellerie américaine agit de cette façon et ce, même pendant les années noires et les plus durs moments qu’ait connus Alger.

Autant de paramètres qui, aujourd’hui, enrayent le disque bien huilé depuis plus d’une décennie d’une coopération en matière de lutte contre le terrorisme qualifiée de stratégique et d’exception par les plus hautes autorités américaines.

À moins que pour les Américains, la coopération n’est stratégique que quand Alger est disponible et apporte son expérience acquise seule sur le terrain. Il s’agirait là d’une approche particulière et qui relève plus du sens unique que réellement du partenariat. L’attitude américaine n’arrange et ne profite à personne, mais ajoute de l’huile sur le feu et de l’eau aux moulins de ceux qu’Alger et Washington sont censés combattre ensemble, les groupes armés. Par son interventionnisme indélicat, l’US Ambassy vient, en effet, de conforter ses possibilités d’action en rendant les menaces, si elles sont fondées, précises et détaillées. Sachant également que les périmètres désignés, notamment la Grande-Poste, sont en contrebas du Palais du gouvernement, et il serait réellement gravissime, après l’attentat de mercredi dernier, qu’un autre puisse avoir lieu à quelques centaines de mètres.

L’Algérie n’est pas l’Irak et Alger est loin de ressembler à Bagdad. Chose que les Américains ont semblé oublier dans leur communiqué.

Par: Samar Smati

Liberté-Algérie, 15 avril 2007