Egypte: Nawal Saâdawi, menacée, quitte l’Egypte

Source: 
www.histoiresdememoire.org
Suite à la publication d’un ouvrage controversé Nawal Saâdawi, menacée, quitte l’Egypte.
“La liberté d’expression doit être garantie. Les idées doivent être confrontées par les idées. C’est la seule garantie du progrès”, affirme pour sa part l’intellectuel Mahmoud Amine Al-Alem qui dénonce “le terrorisme intellectuel”.
«Dieu présente sa démission», tel est le titre de la dernière pièce de théâtre signée Nawal Saâdawi qui, dès sa publication en février 2007, avait provoqué une campagne diffamatoire menée, bien entendu, par Al Azhar. Cette institution religieuse a présenté, de ce fait, une plainte au procureur général, accusant l’écrivaine de «porter atteinte à Dieu, aux anges et aux prophètes qui sont cités dans la pièce»!

L’éditeur M. Medbouli, sous une probable menace d’être entraîné avec Dr Nawal dans des péripéties judiciaires, a volontairement retiré cet ouvrage des ventes. Raison pour laquelle on avait remarqué sa soudaine absence des rayons de la foire du livre au Caire. Et comme si ça ne suffisait pas, il a eu l’heureux réflexe de brûler tous les exemplaires restés à l’imprimerie.

Notons que la Constitution égyptienne permet à un simple citoyen de la rue de porter plainte contre un autre, aussi haut placé soit-il, en cas d’atteinte aux valeurs religieuses et à la morale. Depuis le déclenchement de cette affaire, plusieurs organisations des droits de l’homme se solidarisent avec l’écrivaine.

Ce fut, aussi, l’occasion de remettre en cause le rôle d’Al Azhar supposé être une autorité religieuse qui n’a nullement le droit de censurer la vie intellectuelle. «La liberté d’expression doit être garantie. Les idées doivent être confrontées par les idées. C’est la seule garantie du progrès». affirme pour sa part l’intellectuel Mahmoud Amine Al-Alem qui dénonce «le terrorisme intellectuel».

Pour les intellectuels de tendance islamiste, deux avis essentiels ont été donnés. L’un par le penseur Fahmi Howeidi qui trouve «normal» qu’une institution religieuse veille sur la protection des valeurs de l’islam et qu’elle incombe aux écrivains de les respecter. C’est selon lui la seule nuance entre liberté d’expression et anarchie intellectuelle!

Le penseur Gamal Al-Banna, penseur de tendance islamiste ouverte, mais qui rejette les idées de Dr Nawal, pense en revanche qu’on ne devrait pas la poursuivre car le Coran préserve les libertés de croyance de chacun et ne donne à personne les droits de condamner autrui selon ses convictions et sa conscience religieuses.

Nawal Sadawi a quitté l’Egypte pour les Etats-Unis où elle occupera le poste de professeur. «J’ai quitté l’Egypte non pas parce que j’ai eu peur, mais parce que je suis horrifiée par ce qui se passe.» L’Histoire nous apprend que tous ceux qui ont combattu les idées ont disparu et ce sont les idées qui ont vécu. Quand les ennemis de la créativité comprendront-ils cette réalité?

Notons aussi que si la requête contre l’écrivaine est admise, Nawal Saâdawi serait officiellement une hérétique, ce qui imposera à son mari de divorcer; sans parler d’une peine de prison assez lourde.

Ce «terrorisme intellectuel» légal n’est, hélas, pas étranger à l’Egypte. Le cas de Naguib Mahfouz revient inévitablement à la charge pour nous convaincre une fois de plus que pour progresser, le monde arabe n’est vraiment pas en bonne voie puisque le dialogue entre divers courants idéologiques est toujours banni, puisque la religion demeure un bloc stagnant mais intouchable auquel les écrivains et libres penseurs n’ont aucunement le droit d’apporter une quelconque adaptation aux temps modernes.

Les institutions religieuses, Al Azhar en tête, semblent n’avoir d’autre souci que de traquer les intellectuels, anéantir la liberté d’expression et entretenir l’ignorance et le sous-développement.

Nawal Saâdawi n’est certes pas à sa première persécution mais la question s’impose: «Jusqu’à quand?»!

Par: Sarah Haidar
29 avril 2007