France: Le danger des évangélistes en France

Source: 
Le Figaro
Les évangéliques se sont multipliés par sept ces soixante dernières.
Tim Rose n'aime pas trop décliner son identité. Devoir avouer qu'il est du sud des États-Unis, pasteur et missionnaire en France est un exercice pénible. Pour cette raison, il est certain que les «intellectuels français vont adorer Jesus Camp». «Ils vont se frotter les mains et encore dénoncer ces Américains stupides et dangereux!» Tim n'est pourtant pas évangélique mais réformé. Pas franchement proche des thèses de George Bush ni de cette «frange protestante» présentée dans le documentaire comme «adepte du lavage de cerveau», et d'une foi «basée uniquement sur l'émotion et la recherche de l'extase». Mais depuis cinq ans qu'il vit en France, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), il a eu le temps de poser un regard critique sur «cette spécificité laïque qui n'existe nulle part ailleurs». «Le documentaire va secouer les esprits, prévoit-il, car le succès des évangéliques en France manifeste un certain échec de votre système.»

Les évangéliques se sont multipliés par sept ces soixante dernières années. Leur nombre tourne entre 350 000 et 400 000 sur les quelque 1,1 à 1,7 million de protestants français. Implantés majoritairement en zone urbaine, souvent d'origines afro-antillaises, ils se partagent entre la Fédération évangélique de France, la Fédération protestante de France (FPF), les Assemblées de Dieu (pentecôtiste) et des églises «non inscrites».

Atteinte à la laïcité

Ce développement intrigue les Renseignements généraux qui lancent une enquête sur tout le territoire. À la FPF, on s'inquiète des conséquences sur les esprits de cette enquête qui «stigmatise», mais aussi de l'influence de ce documentaire sur l'image des camps d'été pour jeunes. Il pourrait renforcer les convictions de certaines caisses d'allocations familiales qui refusent d'octroyer des bons de vacances aux familles concernées au motif d'atteinte à la laïcité. La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité a été saisie à ce sujet par les protestants. Directeur de la Ligue pour la lecture de la Bible - qui organise une trentaine de séjours annuels -, le pasteur baptiste Marc Deroeux s'insurge: «Nos camps n'ont rien à voir avec du bourrage de crâne à l'américaine! Nous ne sommes pas sur la même planète.» Secrétaire général de l'Alliance évangélique française, Stéphane Lauzet renchérit: «Nos racines évangéliques ne se trouvent pas aux États-Unis mais en Europe.»

La prudence prévaut pourtant chez Jean-François Colosimo, auteur de Dieu est américain, chez Fayard. «Tout, en France, semble interdire une collusion politico-religieuse. Mais la laïcité est fragile et les tentations présentes.» Pour preuve, il signale que «les mouvements religieux qui fonctionnent sont fortement identitaires: charismatiques, évangéliques ou loubavitchs». Et que des populations sont « confrontées en banlieue au renouveau islamiste».

À l'heure des élections, un micro-Parti républicain chrétien prétendant «inverser le processus de déchristianisation» va présenter son premier candidat aux législatives. Et Georgina Dufoix, ancien ministre, s'est lancée dans une vaste campagne évangélique de prière pour que l'Esprit-Saint descende sur la France...

18 avril 2007