France: Un institut unique en son genre

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CNRS
Les recherches sur le genre, masculin ou féminin, sont enfin sur la voie de la reconnaissance. Et cela grâce au tout nouvel Institut Émilie du Châtelet qui fédérera les travaux dans ce domaine.
«Dans pratiquement tous les pays européens, de même qu'au Brésil, aux États-Unis et en Inde, il existe des instituts de recherche sur les femmes, le féminisme et la construction sociale des sexes (ou “genres”)», insiste Françoise Barret-Ducrocq, enseignante-chercheuse à l'université Paris-VII-Denis Diderot et présidente de l'institut qui vient d'être créé.
En France, ce type de structure faisait curieusement défaut. Inauguré le 28 novembre 2006 au Collège de France, l'Institut Émilie du Châtelet1, qui fédère dix établissements dont le CNRS2, vient enfin combler le surprenant retard de notre pays dans ce domaine. Jusqu'alors, hormis quelques universités, les seuls organismes qui hébergeaient des équipes spécialisées sur le sujet étaient l'Institut national d'études démographiques (Ined) et le CNRS3, très tôt mobilisé sur la question des femmes, notamment grâce à la Mission pour la place des femmes, créée en 20014.

C'est à l'initiative conjointe de chercheuses5 et du conseil régional d'Île-de-France, qui le finance pour quatre ans renouvelables, que cet organisme a vu le jour. Son but ? Promouvoir la prise en compte des femmes et des rapports entre hommes et femmes dans toutes les disciplines: de la neurobiologie à la littérature, des sciences économiques à l'urbanisme. La première mission de l'Institut sera ainsi de «regrouper les nombreuses recherches sur ces thématiques, qui se trouvent disséminées dans les établissements de la région francilienne. Mais aussi d'encourager leur production», annonce Françoise Barret-Ducrocq. En 2006, onze allocations ont été attribuées à des projets sélectionnés par le comité directeur de l'Institut, dont quatre concernent des laboratoires affiliés au CNRS. Les problématiques du genre étant transversales, les sujets traités concernent aussi bien l'anthropologie («La construction du genre chez les Pygmées d'Afrique centrale à l'épreuve de la sédentarisation») que les sciences politiques («Les mouvements en faveur des femmes face à l'Europe»), etc.

Installé dans les locaux du musée de l'Homme au Trocadéro, l'Institut Émilie du Châtelet devrait à terme se doter d'un centre de documentation et d'un site internet interactif. Sa vocation, poursuit Françoise Barret-Ducrocq, consiste en effet à diffuser ces recherches, tant vers le grand public grâce à des cycles de conférences ouverts à tous, que vers les acteurs sociaux, de l'enseignement, de la santé ou de l'emploi, intéressés par ces thèmes dans leur pratique : syndicats, associations, entreprises, élus, etc. «Ce qui fait l'originalité de l'institut, conclut-elle, c'est cette passerelle que nous voulons créer entre la recherche et le terrain. L'inégalité des chances, les violences sexuelles et domestiques, la précarisation du travail sont des problèmes qui touchent spécifiquement les femmes dans notre société. Ces recherches pourront leur apporter un éclairage important, si elles sont bien relayées.»

Stéphanie Arc

1. Émilie du Châtelet (1706-1749), intellectuelle des Lumières, traduisit les Principes mathématiques de philosophie naturelle de Newton.
2. Ainsi que le Muséum national d'histoire naturelle, l'Ined, le Cnam, la Fondation nationale des sciences politiques, l'université Paris-VII-Denis Diderot, l'université Paris-Sud-XI, l'université Paris-X-Nanterre, l'EHESS et HEC Paris.
3. Le Laboratoire «Genres, travail, mobilités» (GTM, CNRS / Universités Paris-VIII et X) et le groupement de recherche européen «Marché du travail et genre en Europe» (Mage).
4. Consulter le site web
5. Notamment Évelyne Peyre (CNRS, musée de l'Homme), Éliane Viennot (Institut universitaire de France, université Jean Monnet) et Joëlle Wiels (CNRS, université Paris-XI).


CONTACT
Françoise Barret-Ducrocq
Institut Émilie du Châtelet, Paris
barretduc@univ-paris-diderot.fr