Algérie: Rencontre publique: bilan de notre action de soutien aux victimes de Hassi Messaoud

Source: 
AFEPEC
L'AFEPEC s'est engagée aux côtés des victimes de Hassi Messaoud en coordination avec d'autres associations des droits des femmes en décembre 2004.
Dans le cadre du réseau national qui s'est constitué autour de cet événement dramatique, l'AFEPEC a été chargée de la préparation du procès.
C'est ce qu'elle a fait jusqu'en juillet 2006, date à laquelle l'AFEPEC est destinataire d'une injonction par voie d'huissier de justice, lui notifiant, suite à trois demandes individuelles des femmes de Hassi Messaoud, de ne plus représenter leurs intérêts au procès ni défendre leurs droits.

Aujourd'hui, l'AFEPEC a l'obligation morale de rendre public le bilan de la prise en charge de cette affaire qui reste une atteinte grave aux droits des femmes et donne un aperçu des violences qu'elles peuvent subir.

Nous devons ce bilan à toutes les associations, aux partis politiques et aux citoyens qui se sont mobilisés dès décembre 2004 pour la préparation du procès, la visibilité de cette affaire et ont contribué aux actions de solidarité avec les victimes d'El Haicha.

En effet, deux articles de presse sont parus dans le soir d'Algérie dont l'un porte des accusations graves à l'encontre de l'AFEPEC. Il invoque « le problème d'information et le manque de moyens » qui n'auraient pas permis au plaignantes « de connaître facilement les dates du report de leur procès en appel » d'autant plus que « plusieurs avocats se sont désistés pour diverses raisons». L'article incrimine l'AFEPEC et d'autres associations qui seraient « responsables » « de la précarité dans laquelle se trouvent ces femmes » et auraient « utilisé, récupéré les dons» d'ONG internationales et auraient « utilisé leurs photos dans les revues sans les informer ».

C'est pourquoi nous estimons nécessaire de faire ce bilan publiquement afin de lever tous les doutes et mettre fin aux tentatives de discréditer le travail des associations des droits des femmes. Nous reprenons donc ci-dessous toutes les actions menées.

En prévision du procès en appel du 3 janvier 2005 à Biskra
  • Constitution de 3 avocats et contacts avec 4 avocats constitués par d'autres associations et les deux avocats de Biskra déjà chargés de l'affaire pour obtenir des pièces du dossier. Une séance de travail avec ces deux derniers, a eu lieu le 29 décembre 2004 à Oran. Les avocats constitués n'ayant eu aucune pièce du dossier ont décidé de ne pas assister au procès et en proposer le report.
  • Information des associations et mobilisation locale. Organisation d'une rencontre le 29 décembre 2004 : 9 associations, 3 partis politiques, des journalistes, des citoyens signent une déclaration parue dans la presse. Organisation le 3 janvier, jour du procès, d'un rassemblement devant le tribunal d'Oran avec diffusion de la motion adoptée par les associations des droits des femmes et celle du réseau d'Oran. Action reprise par la presse écrite et la radio El Bahia.
  • L'AFEPEC, présente au procès, a diffusé la motion des associations des droits des femmes et celle du réseau d'Oran. Pendant l'audience, l'AFEPEC, en concertation avec les membres des associations présentes, était en contact par téléphone avec deux des avocats constitués. Les 3 plaignantes qui étaient présentes ont exprimé leur mécontentement suite au verdict prononcé et ont décidé de faire appel.
  • L'AFEPEC a fait un compte rendu du procès qu'elle a diffusé largement par mail. Par ailleurs, le 5 janvier 2005, les 3 plaignantes accompagnées des représentantes d'associations dont l'AFEPEC, ont rencontré la sous-directrice de la Direction de l'Action Sociale (DAS), la Directrice de l'ANGEM et le Directeur Général du Ministère de la Solidarité (cf compte-rendu de la réunion). Le 6 janvier, l'AFEPEC a rencontré les trois plaignantes. Ainsi, elles ont pu discuter par téléphone avec Maître Soudani qui leur a appris que deux accusés avaient déjà fait appel.
Elles décident de le constituer pour le pourvoi en cassation. Le 6 janvier, les représentantes des associations des droits des femmes se réunissent et décident de quatre tâches prioritaires qu'elles se répartissent comme suit :

Prise en charge du pourvoi en cassation et préparation du procès : AFEPEC

Suivi des engagements du Ministère de la Solidarité en matière d'emploi et de logement : à Oran et Sidi Bel Abbès : AFEPEC, à Sougueur : RAFD, Ministère de la Solidarité : réseau Wassila,

Reprise du contact avec les autres victimes

Prise de contact d'un notaire à la demande des femmes quant à la diffusion du film : AEF

La prise en charge du pourvoi en cassation : l'AFEPEC a assuré le suivi de toutes les étapes du pourvoi formalisé par Maître Soudani le 11 janvier 2006 auprès du tribunal de Biskra. Les contacts entre Maître Soudani et l'AFEPEC ont été permanents et réguliers.

L'AFEPEC apprend que le procès en appel aurait lieu en mai 2006, elle contacte Maître Soudani. Il s'agissait en fait du procès de 29 condamnés par contumace de janvier 2005.

Ce procès a été préparé par les associations des femmes (cf « Affaire HM Procès 17 mai 2006 ») en coordination avec Maîtres Soudani, Boutamine et Lezzar qui ont eu le temps de se voir et de préparer la plaidoirie. Une des plaignantes était venue au siège de l'AFEPEC quelques jours auparavant pour dire qu'elle irait au procès pour pardonner. Les deux autres confirment leur plainte et leur volonté de se faire représenter par les avocats.

Au procès, il y avait 5 plaignantes, les 3 initiales et deux autres vivant encore à Hassi Messaoud, 5 avocats, et des représentantes des associations. Les deux plaignantes qui étaient déjà sur place la veille se sont entretenues longuement avec les avocats et ont proposé de pardonner. Après discussion, elles ont proposé de réfléchir et de donner leur décision finale le lendemain avant l'audience. Avant l'audience, elles sont rejointes par la troisième plaignante. Elles informent les avocats qu'elles ne veulent plus se constituer partie civile, elles proposent le renvoi pour mieux réfléchir et si le renvoi n'était pas accepté, elles quitteraient la salle. Les avocats ont assuré les victimes de leur disponibilité à les soutenir, les informer, les accompagner et les défendre dans le respect de leurs décisions et de leur choix quand elles le souhaitent. Le procès a donc été renvoyé suite à la demande des victimes.

Entre-temps, deux autres victimes (vivant encore à Hassi Messaoud) sont arrivées. Les victimes ont eu des entretiens avec les familles des accusés et ont dit qu'elles allaient organiser une rencontre avec ces familles pour trouver une solution. Les représentantes des associations présentes ont assuré les plaignantes de leur disponibilité et de leur solidarité quelles que soient leurs décisions (cf. « Compte rendu du procès de l'affaire HM du 17 mai 2006 ») Après le procès, il y eut une rencontre avec Maître SOUDANI pour élaborer la stratégie de préparation des prochains procès.

La solidarité morale et matérielle (cf « l'affaire de Hassi Messaoud - Evolution 16 décembre 2004-21 février 2005 ») L'AFEPEC a rencontré les victimes plusieurs fois. Les contacts avec le Ministère de la solidarité ont été très réguliers, d'abord pour l'envoi des courriers aux responsables locaux, en janvier 2005, ensuite en mars et avril 2005 pour le suivi, en octobre 2005 pour l'activité du micro crédit et en février/mars/avril 2006.

Des contacts sont pris avec les responsables locaux de la wilaya d'Oran et Sidi Bel Abbès par courrier, téléphone, contacts directs (wilaya, Daïra, APC, DAS, OPGI, Diar Er Rahma), et en avril 2005 avec les responsables de Souguer.
  • Prise en charge médicale et psychologique : des modalités concrètes du suivi psychologique à Oran et Sidi Bel Abbès pour deux d'entre elles ont été arrêtées. L'AFEPEC a proposé à celle de Souguer de rester à Oran pour sa prise en charge médicale et psychologique. La psychologue de l'AFEPEC avait commencé la prise en charge de celle d'Oran et sa fille. Par ailleurs, les présidentes des associations FAM, FARD et AFEPEC ont rendu visite à l'une des victimes vivant à Oran qui était malade. La présidente de FAM s'est engagée à la prise en charge médicale des victimes et leur famille à n'importe quel moment. Quant à la présidente de FARD, elle s'est engagée à assurer le transport des dons d'Alger.
  • Pour le logement : des rendez vous ont été pris pour les femmes d'Oran (auprès du cabinet de la wilaya avec une proposition d'un logement) et de Sidi Bel Abbès (auprès de la Daïra et du cabinet de la wilaya avec promesse de logement social). Des contacts ont été également pris avec des promoteurs privés et une rencontre avec le président de l'union nationale des promoteurs immobiliers. Il informe que pour ce qui est de la formule LSP, il n y avait aucune possibilité sur les programmes en cours (tout était vendu) mais le principe de contribuer sur les programmes futurs (possibilité dans deux ans) est affirmé.
  • Activité de micro crédit, à Oran, le président de l'APC d'Oran s'est engagé à donner un local sur le programme de l'emploi, mais la victime a refusé et a insisté pour transformer son logement actuel (logement social) en local. Des démarches ont été faites auprès de l'APC d'Es Sénia et de l'OPGI pour avoir l'autorisation de travaux d'aménagement avec l'appui du DAS qui a pu obtenir cette autorisation.
Pour celle habitant Sidi Bel Abbès, les responsables locaux ont clairement dit l'impossibilité de lui fournir un local et la victime a été d'accord pour faire l'activité au domicile qu'elle occupe.

L'AFEPEC a suivi de près avec la directrice de l'ANGEM l'agrément des PTT et le dépôt des dossiers au niveau des deux antennes d'Oran et Sidi Bel Abbès. En raison des difficultés à avoir l'apport personnel, l'AFEPEC a fait un courrier au bailleur de fonds lui exposant le problème et lui demandant l'autorisation de débloquer 60 000,00 DA pour chacune des trois victimes qui aurait eu son dossier de micro crédit. La demande a été acceptée, et c'est ainsi que deux ont bénéficié de cette somme d'argent en guise d'aide au lancement de l'activité.

En Avril 2006, l'AFEPEC a proposé des contacts avec les responsables locaux (courrier, appels) pour la victime habitant Souguer. Un rendez vous est pris avec le chef du cabinet de la wilaya mais elle ne se présente pas. Des contacts ont été également pris avec une militante de Tiaret que RAFD avait contactée pour entamer des démarches sur place. Cette dernière confirme qu'elle avait commencé à faire des contacts et que le DAS avait immédiatement tenté de prendre en charge l'intéressée, qu'il avait reçue, mais qu'elle n'est plus revenue et qu'il n'était pas possible de faire quoi que ce soit en l'absence de l'intéressée.

Information, sensibilisation
  • Organisation en avril 2005 d'un séminaire national et d'un atelier « Violences à l'encontre des femmes - Cas de Hassi-Messaoud » avec la participation de nombreux invités - associations, partis, avocats, universitaires- et qui visait à rendre visible le phénomène des violences contre les femmes et à faire le point la prise en charge par l'Etat et la société.
  • L'AFEPEC tient à préciser qu'elle n'a jamais publié dans quelque support que ce soit, ni en Algérie, ni à l'étranger, de photo des victimes.
Financement : Dès les premières réunions du réseau national, la question de la prise en charge financière du procès s'est posée. L'AFEPEC a été sollicitée pour élaborer un projet de financement destiné à assurer la lutte politique pour la préparation et le déroulement du procès, l'information, la sensibilisation, la communication, la prise de contacts avec les autres victimes, la solidarité psychologique et médicale des femmes. Le financement a été strictement utilisé pour la mise en ouvre des actions prévues dans le projet.