Canada: L'Ontario interdit les tribunaux islamiques

Source: 
Le Figaro
Après avoir un temps envisagé la création de tribunaux islamiques, la province canadienne de l'Ontario fait marche arrière et interdit tout arbitrage religieux.
Même au pays du multiculturalisme-roi, la seule évocation de tribunaux d'arbitrage fondés sur la loi islamique avait provoqué un tollé.
«J'en suis venu à la conclusion que le débat a assez duré. Il n'y aura pas de charia en Ontario», a déclaré dimanche le premier ministre de la province, Dalton McGuinty. Le chef du gouvernement ontarien y a vu une menace pour «notre terrain commun».

C'est la fin d'une longue controverse. A l'automne 2003, un avocat musulman, Syed Mumtaz Ali, avait mis en place les fondements d'un tribunal islamique d'arbitrage, l'Islamic Institute of Civil Justice, dont la mission devait être de régler les conflits familiaux entre les musulmans. Les décisions de l'Islamic Institute of Civil Justice auraient ensuite été sanctionnées par les tribunaux civils canadiens.

Fin 2004, à la demande du gouvernement ontarien, l'ex-procureur général de l'Ontario, Marion Boyd, a remis un rapport favorable à la légalisation de tribunaux islamiques. Marion Boyd a cependant recommandé que ces tribunaux religieux ne puissent statuer qu'en cas de consentement mutuel et qu'ils respectent la Charte canadienne des droits et libertés. Mais très rapidement, les groupes féministes canadiens se sont inquiétés du traitement qui pourrait être réservé aux femmes par ces instances d'arbitrage. Les opposants au projet ont accusé l'ex-procureur de naïveté. La «charia canadienne», basée uniquement sur le droit civil, a vite été assimilée à celle de certains pays musulmans qui y mêlent le droit pénal.

Pendant neuf mois, le gouvernement ontarien a hésité à prendre position. La semaine dernière, une vague de manifestations a secoué le pays. Plusieurs personnalités canadiennes, dont l'écrivain Margaret Atwood, ont interpellé le premier ministre : «Les politiciens d'aujourd'hui comprennent sûrement que la séparation de l'Eglise et de l'Etat constitue le terrain fertile sur lequel prospèrent les démocraties modernes.»

Dans le très multiculturel Canada, les signes religieux font pourtant d'ordinaire partie de la vie publique. C'est ainsi que dans la Gendarmerie royale, les gendarmes sikhs sont autorisés à porter leur turban. Les tribunaux islamiques ne sont pas non plus une première juridique dans le pays. Depuis 1991, en vertu de la loi ontarienne sur l'arbitrage, il existe des tribunaux d'arbitrage pour les catholiques et les juifs.

Ce ne sera désormais plus le cas. Le gouvernement ontarien a promis de modifier la législation provinciale «aussitôt que possible». Dalton McGuinty a tranché : «Il n'y aura pas d'arbitrage religieux en Ontario. Il y aura une loi pour tous les Ontariens.»

Québec : Ludovic Hirtzmann
Figaro :[13 septembre 2005]