Maroc: Code de la famille - les nouvelles missions du juge

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L'Economiste du Maroc
Il encadre les relations familiales, gère les conflits et protège les enfants.
«Le nouveau livret de famille comporte toujours quatre pages pour quatre épouses individuelles. Faites en sorte que trois d'entre elles restent vierges».
Cette allusion faite, lors de la rencontre organisée jeudi 8 janvier par l'Association marocaine pour la promotion de l'entreprise féminine ESPOD autour du thème de la Moudawana, est significative.

Alors que le code de la famille continue d'être discuté au niveau parlementaire, les inquiétudes persistent. Le texte définitif qui sera adopté traduira-t-il avec la plus grande fidélité l'esprit du discours royal? Les juges qui voient leurs attributions se renforcer dans le cadre du nouveau texte disposent-ils de la formation nécessaire pour mener à bien ces réformes? Que doit-on faire pour les sensibiliser davantage, s'ils ne le sont pas suffisamment, à l'importance de leur tâche dans le processus de modernisation? “Il est difficile, pour le législateur, de prévoir toutes les situations possibles. C'est la raison pour laquelle le rôle du juge est primordial, car c'est à lui que revient l'arbitrage dans de nombreux cas”, explique Zhor El Hor, présidente du tribunal de Derb Sultan El Fida. Intervenant lors de cette conférence dont le sujet central était “les apports du nouveau code de la famille: quels rôles pour le juge de la famille?” cette juriste rompue aux affaires familiales considère que “90% des conflits traités dans les tribunaux le sont par des personnes non spécialisées et risquent donc de manquer de rigueur”. Dans le nouveau code de la famille, le juge est encadreur de la relation familiale, gestionnaire des conflits familiaux et protecteur des droits des enfants.

C'est le renforcement de son rôle qui semble préoccuper une large frange de la société. D'autant plus que le fonctionnement de la justice ne s'est pas toujours exercé de façon rigoureuse. Le chantier de la réforme de la justice constitue une priorité pour 2004. Avec elle, c'est de modernisation sociétale dont il s'agit. Une évolution en totale conformité avec les préceptes religieux et le respect des traditions. “Le nouveau code reflète une vision adaptée à la réalité marocaine”, explique Ahmed Toufik, ministre des Habous et des Affaires islamiques, “en totale conformité avec les préceptes de l'islam”.

Les réformes induites par le code représentent également une avancée indéniable, “durant des siècles, on a eu peur de toucher au religieux. Ce qui a abouti à une inertie. Or, aucune référence religieuse n'interdisait aux hommes de changer les choses, d'interpréter différemment”, précise le ministre.

Ceux qui utilisent la carte religieuse pour s'opposer au texte, ou du moins à certaines de ses dispositions, ne sont pas représentatifs de l'ensemble des musulmans. L'islam, religion d'ouverture et de tolérance, ne peut donc être réduit à une seule lecture. Au sein d'une société, la part de conservatisme est souvent potentielle. Pour aller de l'avant, s'adapter aux nouvelles donnes, suivre les mutations, c'est la vision moderniste qui doit primer. Celle qui constitue l'ossature du code de la famille marocain.

Attributions

· Encadreur de la relation familiale.


Il intervient à l'occasion de l'établissement du lien conjugal à travers l'abaissement de l'âge du mariage, l'autorisation du mariage par procuration et l'autorisation du mariage du handicapé mental. Il intervient au niveau de l'homologation du contrat de mariage, l'autorisation de la polygamie sous conditions et la conservation du dossier de mariage. En cas de divorce, il homologue l'acte de divorce, prend les mesures protectrices de la femme et des enfants.

· Gestionnaire des conflits ou mission de conciliation.

Au cours de la vie conjugale, il contrôle l'exactitude des raisons de demande de polygamie et appréhende les risques de désunion. En cas de séparation, il réunit les deux époux et tente de les réconcilier. Il intervient en cas de demande de divorce pour défaut d'entretien, pour préjudice ou le divorce consensuel.

· Protecteur des intérêts des enfants.

Il veille à l'application des effets du mariage aux enfants à travers la filiation. Son rôle est de sauvegarder l'intérêt des enfants mineurs et la bonne administration de leurs biens Il intervient, entre autres, au niveau des restrictions du voyage de l'enfant sous garde, à l'étranger et au niveau de la déchéance du représentant légal. En cas de décès de l'un des époux, il veille à ce que le droit des enfants mineurs dans l'héritage du parent décédé soit garanti. Dans tous les cas, il se porte garant des droits des enfants.

Amale DAOUD

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