Liberia: Viols: la guerre faite aux femmes au Liberia

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Associated Press
Les femmes, au Liberia, sont les premières victimes des exactions des miliciens de tous bords.
MONROVIA (AP) Serrant la photo de sa fille contre sa poitrine, Rebecca rejette la tête en arrière et gémit.
Des hommes sont venus chez elle et ont violé sa fille de dix ans jusqu'à ce qu'elle meure. Les femmes, au Liberia, sont les premières victimes des exactions des miliciens de tous bords.

A chaque nouvelle offensive dans ce pays ravagé par la guerre civile, des viols sont commis. Mais cette fois, l'ampleur du phénomène est impossible à évaluer, tant il est répandu, selon les organisations humanitaires.

Des hommes armés des deux camps, rebelles ou partisans de Charles Taylor, vont de maison en maison. Ils tabassent et tuent les habitants. Ils violent les femmes -ou les filles- qu'ils trouvent.

«Ce ne sont pas des êtres humains», sanglote Rebecca. Le 20 juillet, elle se trouvait chez elle avec son fils, sa fille qui fêtait son dixième anniversaire, et la fille de 14 ans de l'une de ses amies.

Des soldats du président Charles Taylor ont frappé à la porte et Rebecca, 42 ans, a refusé de leur ouvrir. Ils sont entrés de force et ont commencé à piller la maison.

L'un d'eux, à peine âgé de 20 ans, l'a frappée à la tête avec un marteau et lui a arraché ses vêtements. En voyant qu'elle avait ses règles, il l'a battue.

Un autre soldat, sa faisant appeler «Chien noir», a attrapé sa fille de 10 ans et l'a jetée au sol. «Lorsqu'il a eu fini avec elle, j'ai vu du sang, j'ai vu du vomi», gémit Rebecca. «Il l'a violée jusqu'à la mort». Un autre homme a saisi l'adolescente de 14 ans, qui a tenté de se défendre. Il a introduit son sexe dans sa bouche.

Tombant à genoux, Rebecca pleure: «Tuez moi. Je veux mourir».

Il est impossible de dénombrer les derniers viols car la plupart des victimes sont isolées par les combats ou elles ont trop peur de la honte associée au viol pour rechercher de l'aide. Les quelques conseillers restés sur place, lorsque les associations humanitaires internationales ont quitté le Liberia, affirment cependant qu'ils n'ont jamais été confrontés à autant de cas.

Le viol va toujours de pair avec les combats au Liberia. «Chaque fois que se produit une incursion, c'est la même chose», remarque Miatta Roberts, 46 ans, de la Communauté chrétienne caritative, le seul groupe encore présent au Liberia qui travaille avec les victimes de viols. «Lorsqu'il y a la guerre, aucune femme n'est à l'abri».

Lors des précédentes batailles, les femmes étaient violées pour la plupart alors qu'elles fuyaient à travers la forêt, mais maintenant elles le sont chez elles.

Les agressions sont commises en général lors de pillages perpétrés par des miliciens ivres et drogués. Beaucoup de soldats de Charles Taylor se sentent abandonnés depuis que le président a accepté de quitter le pouvoir le 11 août. Ils ont donc lancé ce qu'ils appellent «Operation Pay Yourself» (opération paie-toi toi-même) et se livrent au vol et diverses exactions sous la menace de leurs armes.

Comme le système judiciaire ne fonctionne pas en ce moment, Miatta Roberts ne voit pas comment les miliciens, qui n'ont pas à répondre de leurs actes, mettraient fin à leurs abus.

Sur 1.500 femmes accueillies par l'association caritative, 626 ont été été violées. Auparavant, l'organisation leur fournissait nourriture, vêtements, soins médicaux et formation. Maintenant, elle doit se contenter de leur donner un abri sûr et de les occuper.

En rejoignant un cercle de femmes qui chantent et battent des mains, Alice, 20 ans, esquisse un sourire -rare sur ses lèvres.

Il y a trois ans, elle a été victime d'un viol collectif sous les yeux de toute sa famille, qui fuyait à travers la forêt avant une avancée rebelle. Le mois dernier, alors qu'elle se trouvait dans un groupe de réfugiés dans la banlieue de Monrovia, les miliciens pro-Taylor l'ont attrapée et l'ont poussée dans une maison abandonnée pour de nouveau abuser d'elle.

Ces viols à répétition ont détruit son rêve de se marier et d'avoir des enfants. «Je me sens honteuse devant les hommes», explique-t- elle. «Personne ne m'approche maintenant».

La violence envers les femmes est tout aussi répandue dans les zones contrôlées par les rebelles, selon les organisations humanitaires.

Lorsque la famille de Kula est tombée dans une embuscade rebelle, son mari, sa mère, sa tante et son frère ont été tués sur le champ. En atteignant un camp de réfugiés à Monrovia, elle pensait être en lieu sûr. Mais les rebelles sont arrivés, passant de hutte en hutte, à la recherche de femmes. «Ils nous partageaient entre eux», raconte Kula, 47 ans, mais qui semble plus âgée. «Tout le monde pleurait».

Quatre jours plus tard, des rebelles au visage masqué par des collants ont fait irruption dans la maison où elle logeait et se sont emparés de toutes les femmes. Deux miliciens l'ont violée. L'un d'eux était si jeune qu'il pouvait à peine brandir sa mitrailleuse. Kula pense qu'il avait 10 ans.

«Je pense que les femmes qui peuvent dire qu'elles n'ont pas été violées sont très peu nombreuses», dit-elle tristement. «Mon coeur en souffre». AP

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