Liban: 'Citoyenne de seconde zone'

Source: 
L'Orient-Le Jour

Depuis le 30 novembre 2011, les femmes émiraties peuvent transmettre leur nationalité à leurs enfants issus d’un mariage mixte. Une première dans un pays arabe du Golfe.

Joli cadeau qu’offre par décret présidentiel Khalifa ben Zayed el-Nahyane aux femmes de son pays, à l’occasion du 40e anniversaire de la création des Émirats arabes unis. Bel exemple d’une volonté d’évoluer, dans un monde arabe où la femme n’est toujours pas l’égale de l’homme, mais encore mise sous tutelle, voire infantilisée.

Certes, les enfants de la femme émiratie n’auront le droit de postuler à la nationalité qu’à l’âge de dix-huit ans. Mais en attendant, ils recevront le même traitement que celui réservé aux enfants émiratis. Et ils savent qu’ils deviendront un jour citoyens émiratis à part entière, s’ils le désirent, bien évidemment.

Les Émirats arabes unis rejoignent dans ce sens un certain nombre de pays arabes, d’Afrique du Nord plus spécifiquement, qui ont octroyé aux femmes le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants issus d’un mariage mixte. À savoir l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et l’Égypte. Portant à cinq le nombre de pays arabes ayant adopté cette mesure.

Les enfants nés de mère libanaise et de père étranger attendent toujours, eux, le bon vouloir des dirigeants libanais de leur octroyer la nationalité libanaise. Car Libanais ils le sont et le resteront toujours. Du sang libanais ne coule-t-il pas dans leurs veines ? Est-il moins libanais ce sang, car transmis par leur mère, cette femme que les leaders locaux, des hommes pour leur très grande majorité, ne se décident pas à considérer comme étant leur égale?

Les prétextes sont nombreux pour ne pas octroyer à la femme libanaise le droit de transmettre sa nationalité à ses enfants de père étranger. Avec en tête, la peur panique de naturaliser un certain nombre de Palestiniens. Et donc de déséquilibrer le fragile équilibre confessionnel et communautaire.

Plutôt que de se casser la tête à trouver une solution satisfaisante pour leurs compatriotes féminines, sans pour autant mettre en danger la formule libanaise, nos chers dirigeants, attirés par la solution de facilité, préfèrent occulter la question et ranger dans les tiroirs textes et propositions de lois. Quitte à perpétuer l’injustice envers la femme, à laquelle ils continuent de dénier l’égalité des droits.

Au grand dam des associations féministes qui n’en peuvent plus d’être déboutées, mais qui refusent de baisser les bras.

Comme toujours, la femme libanaise continue de payer le prix de l’incapacité d’une classe politique bornée, engluée dans ses divisions et ses préjugés.

Jusqu’au jour où elle refusera d’être une citoyenne de seconde zone. Mais encore faudrait-il qu’elle sache exprimer ce refus. À voix haute.

Par Anne-Marie El-Hage